invisibili
Création 2023 à Palerme
À mon premier jour à Palerme je suis allé voir l’Annunciata di Palermo du grand peintre Antonello da Messina. Une Annonciation dont la singularité est précisément son rapport à l’invisible. L’ange Gabriel n’est pas représenté, il est hors cadre.
Quand je suis entré au Teatro Biondo, j’ai eu une pensée pour Pina Bausch, Palermo Palermo, et sa chute du mur annonciatrice. Les traces sont encore vives : les renforts sous la scène pour supporter le choc des parpaings, le plancher réparé ou rapiécé par endroits. J’ai eu envie de travailler là sur ce plateau avec des danseuses, pour s’inscrire dans ses traces.
À Palerme, l’invisible réside dans les traces sur les murs, dans les rues, mais aussi dans les chants et les gestes traditionnels des artistes que je rencontre. D’où sont-ils issus ? Il y a l’histoire de Chris Obehi, musicien nigérian, qui mixe à Palerme Afrobeat et chansons en sicilien. Ou encore celle de Gianni Gebbia, saxophoniste palermitain, qui a sillonné le monde avec sa musique, et avait guidé Pina Bausch dans la ville pendant toute la création du spectacle. Ou celle des Pupi, ces marionnettes qui reprennent les chansons de geste françaises.
Le mot théâtre indique l’endroit d’où l’on voit. Invisibili tente à Palerme un autre point de vue : en filmant de côté, on tourne la tête et regarde hors-champ, là où l’on ne regarde pas. Est-il possible d’envisager le théâtre en angle droit, un regard oblique, comme une danse avec l’invisible ?
Aurélien Bory
Palerme, décembre 2022