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A Palerme, la danse macabre d’Aurélien Bory

Par Rosita Boisseau - 05 janvier 2024

Le chorégraphe a créé la pièce Invisibili inspirée d'un tableau gothique, à voir au Théâtre des Abbesses

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La fresque murale, intitulée Triomphe de la mort, recouvre un immense carré de 6 mètres sur 6. Elle fait grimper le cardio des visiteurs du Palazzo Abatellis. Elle a été peinte au XVIIe siècle par un auteur aujourd’hui inconnu. Divisée en quatre morceaux, elle a été déménagée par blocs de l’hôpital de Palerme, où elle tombait en ruine, dans ce musée où elle trône en symbole palermitain depuis 1950. On peut se planter face à elle et se perdre dans la myriade de saynètes qui s’enroulent autour d’un squelette. On peut aussi choisir de prendre un peu de hauteur en grimpant sur un balcon, comme nous le conseille une employée. Du dessus, l’élan du cheval de la mort, aux côtes rachitiques, la tension de son arc noir semble planer au-dessus d’une foule que l’on sait condamnée.

En février 2020, cette chevauchée impressionnante saisit le metteur en scène Aurélien Dory lorsqu’il visite le musée. Il vient d’accepter une commande de Pamela Villoresi, directrice du Teatro Biondo, qui entend redonner à sa salle une aura internationale. « Pour toute création, il faut que j’oublie ce que je sais », confie-t-il. « J’ai rendez-vous ici avec quelque chose, mais quoi ? Pas une idée, mais une nécessité. » Il plonge alors dans l’histoire de l’île du Soleil, comme est nommée la Sicile dans l’Iliade, s’imprègne du quotidien palermitain, de sa foule bigarrée, de ses quartiers qui chavirent de la richesse à la misère, de son énergie. « Le mot ‘Palermo’ vient de l’arabe et signifie ‘port ouvert’ – cette ville l’est, » glisse-t-il.

« Conscience de la mort »

Parmi les nombreuses balades que Julien Bory souhaite faire, le Palazzo Abatellis arrivait en tête de liste. Il voulait y contempler « La Vierge de l’Annonciation » d’Antonello de Messine. « Je viens pour elle et en passant, je m’arrête devant ‘Le Triomphe de la mort’, poursuit-il. Je ne m’y attends pas. Je m’arrête. J’y reviens une seconde fois. » Et c’est parti pour un emballement ardent qui déclenche un méli-mélo d’informations. « Le peintre et son disciple se sont placés dans l’image en haut à gauche et nous regardent, ce qui est une nouveauté pour l’époque », enchaine Aurélien Bory. « Cela souligne que l’art permet de se représenter la mort, mais aussi que sans la conscience de la mort, l’art n’existerait pas. »

Aurélien Bory a trouvé là sa « nécessité » et le cœur battant de sa pièce intitulée Invisibili, qui se jouera à Paris à partir du 5 janvier. Sur le plateau de cet artiste, au carrefour du cirque, du théâtre et de la danse, dont chaque spectacle s’incruste dans des scénographies massives, une toile de fond reproduit à l’identique la « fresque-théâtre ». Sa dramaturgie en spirale et certaines de ses figures impulsent directement le contenu et les personnages d’Invisibili. « Le fléau n’est plus la peste noire mais la mort des migrants, les catastrophes naturelles », souligne Bory. « Il y a l’énergie d’une danse macabre avec des musiciens et des danseuses. » On apprend que sa mère a eu un cancer du sein, ainsi que de nombreuses femmes autour de lui.

Pour habiter sa saga visuelle, Aurélien Bory rencontre des artistes locaux. D’ateliers en auditions, il croise nombre de Palermitains, dont les six interprètes de la pièce. « Je tenais à ce qu’Aurélien travaille avec des gens d’ici« , précise Pamela Villoresi. « On assiste à une hémorragie des talents siciliens, qui partent se former et décrocher des contrats ailleurs. Seule la metteuse en scène Emma Dante continue à vivre à Palerme et donne des ateliers au Teatro Biondo. » Elle évoque la métamorphose de la ville depuis 1989, année de la création de Palermo Palermo, chef-d’œuvre de Pina Bausch (1940-2009). « C’est notre rôle de porter une nouvelle image de Palerme, ville qui a beaucoup changé », affirme-t-elle. « Nous sommes proches de Lampedusa où il y a beaucoup de morts de migrants, et en parler dans un spectacle peut faire changer les choses. »

Dans Le Triomphe de la mort, deux jeunes gens sont touchés par les flèches mortelles. Pour Invisibili, Bory a distingué une femme happée par la maladie, interprétée par Valeria Zampardi, ainsi qu’un homme, joué par Chris Obehi, musicien né au Nigeria qui a survécu à une migration périlleuse. « J’ai rencontré Chris au restaurant Moltivolti, un lieu d’accueil et de soutien pour les migrants », se souvient Bory. « Il a 15 ans et est arrivé à Palerme il y a sept ans. Il a produit son premier disque ici. »

« Route pleine de périls »

Sur scène, Chris Obehi, pudique et tranquille, chante la version d’Hallelujah de Leonard Cohen en s’accompagnant à l’harmonium. « Je suis né dans une famille chrétienne« , glisse-t-il. « J’accompagnais ma mère à l’église et chantais des gospels. À la maison, mon père écoutait du reggae et de l’afrobeat. Je désirais étudier la musique, mais, dans mon pays, il n’y avait pas vraiment de possibilités. » En 2015, il décide de quitter le Nigeria. « L’extrémisme religieux m’a aussi poussé à partir. »

De cette route pleine de périls, Chris Obehi retrace les étapes avec retenue. En voiture, en camion, en stop, il traverse le Niger jusqu’à la Libye. Il décroche des petits boulots, lave des voitures dans un garage, est kidnappé par des trafiquants et mis en prison à Tripoli. Il ne croupit dans cet « enfer » que quelques semaines. « Je ne comprends pas encore comment j’ai survécu« , s’étonne-t-il. Il embarque jusqu’à Lampedusa, où des associations l’aident à aller jusqu’à Messine, puis à s’installer à Palerme. « C’est ici que j’ai appris l’italien et la guitare« , dit-il. Il sort deux singles et se fait connaître pour son hommage à la chanteuse sicilienne Rosa Balistreri (1927-1990), dont il revisite le tube Cu ti lu dissì. « Et je suis père de deux enfants, un garçon et une fille« , ajoute-t-il tout sourire.

Dans Invisibili, Chris Obehi endosse, non sans émotion, son propre rôle, luttant contre les éléments dans un énorme canot – le même, ou quasi, que celui dans lequel il rejoint 105 migrants. « Recompter mon histoire est très important pour moi, car nous sommes des milliers de personnes sans voix à faire le même chemin« , déclare-t-il. « En participant à ‘Invisibili’, je deviens le médium de tous ces gens et je montre qu’il est possible d’avoir une nouvelle vie en partageant ce récit avec le public. »

Chris Obehi est soutenu par le saxophoniste et compositeur palermitain Gianni Gebbia. Musicien de premier plan, complice du metteur en scène allemand Heiner Goebbels, celui-ci a collaboré avec Pina Bausch pour Palermo Palermo. Tandis qu’il est assis derrière une table, le souffle long de son free-jazz déroule un tapis souple aux péripéties d’Invisibili. « Aurélien réussit à faire sentir de façon simple ce qui traverse le cœur de chaque individu dans le spectacle, et aussi l’essence de Palerme, cette ville au bord de l’Europe, au début de l’Afrique, qui déborde en permanence de façon imprévisible mais reste profondément tolérante« , dit le musicien. « J’ai vécu à New York, à Tokyo, à Paris, mais je reste à Palerme. Ce n’est pas facile, mais ça reste profondément inspirant. »

Sous les éclats sonores de Gianni Gebbia, une palpitation sourde scande Invisibili. « Elle est là pour rappeler les cloches que l’on entendait dans le chef-d’œuvre de Pina« , sourit Aurélien Bory.

Rosita Boisseau

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Invisibili, l’insolite fresque humaine d’Aurélien Bory

Par Emmanuelle Bouchez - 08 décembre 2023

Palerme, hier et aujourd'hui. Sur les traces de Pina Bausch, Aurélien Bory mêle morts et vivants dans un ambitieux spectacle qui demande à mûrir.

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Palerme, hier et aujourd’hui. Sur les traces de Pina Bausch, Aurélien Bory mêle morts et vivants dans un ambitieux spectacle qui demande à mûrir.

Qui sont les « invisibles », que désigne le titre de ce spectacle ? Les habitants de Palerme, ceux d’hier et d’aujourd’hui, dont les diversités se mêlent dans la ville sicilienne. Invité par le Teatro Biondo à travailler in situ, le metteur en scène Aurélien Bory a convoqué la chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009), qui y résida trois semaines pour concevoir sa pièce Palermo Palermo à la fin de 1989. Pour autant, son spectacle – auquel il convie le talentueux saxophoniste Gianni Gebbia, autrefois guide de la chorégraphe à Palerme – est bien plus qu’un simple hommage à cette dernière.

Ambitieux dispositifs scéniques

Soutenue par une note du saxo quasiment imperceptible, cette lente apparition fascine. Ici, l’allégorie de la fin est omniprésente, et certains sont fauchés plus vite que d’autres, tel cet homme noir – Chris Obehi – qui évoque le cortège de migrants disparus en Méditerranée. Musicien nigérian installé depuis 2016 en Sicile, l’artiste s’approprie ici les postures de certains des personnages de la fresque gothique. Puis trois danseuses vêtues de noir apparaissent, ressemblant aux funestes Parques, ces divinités de la Rome antique qui présidaient au destin des hommes. Une femme en combinaison claire les rejoint, et les quatre rejouent alors la scène du « Triomphe de la mort », dans une inquiétante guirlande de gestes ponctuée de crissements.

Comme à son habitude, Aurélien Bory bâtit d’ambitieux dispositifs scéniques qui stimulent les interprètes. Il s’empêtre pourtant quand il campe un gros Zodiac où siège l’homme noir (figure de l’exilé), pendant que d’autres redressent l’embarcation jusqu’à la verticale : ce ballet figurant la tempête, fastidieux, plombe l’effet hypnotique jusqu’alors si magique du spectacle. On espère donc quelques retouches au fil de la tournée…

Emmanuelle Bouchez

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Avec invisibili, Aurélien Bory fait le mur

Par Arianne Bavelier - 04 janvier 2024

Le metteur en scéne a crée son nouveau spectacle à Palerme, dans lequel il a mis ses visions très inspirées et la splendeur de l'histoire de l'art

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Palerme pour pèlerinage, sur les traces de Pina Bausch qui y a créé Palermo, Palermo en 1989 au Théâtre Biondo. C’est ainsi que l’histoire a commencé pour Aurélien Bory : Pamela Villoresi, naguère actrice de Giorgio Strehler et aujourd’hui directrice de ce théâtre, l’y a convié. « Pina Bausch est pour moi le plus grand artiste du XXe siècle, je ne pouvais pas refuser« , dit-il. Sauf à invoquer le trac. Comment, en effet, se mettre à la hauteur? Créé l’année de la chute du mur de Berlin, Palermo, Palermo s’ouvre par une image prémonitoire et qui a fait date : un mur s’effondre, dans un chaos de pierres, celles des palais, des églises, des architectures de tous ces peuples d’Europe et d’Afrique qui ont érigé Palerme, mais aussi des tremblements de terre, des catacombes des Capucins. Dans sa chute, il ouvre sur cet au-delà si particulier à la capitale sicilienne, ruines et verve tant intriquées que l’enfer habite au ciel et le ciel aux enfers. Pour créer à son tour, Aurélien Bory devait trouver son mur à lui. Un objet vertical qui porte ce chaos de vie et de mort mêlées. Sa pièce s’appellera Invisibili, c’est dire l’ampleur de sa quête. Le voilà qui arpente Palerme. Il rencontre les peintres qui taguent les murs, les pupi – marionnettes siciliennes – jetées dans la geste des chevaliers du Moyen Âge, et arpente les salles du palais Abatellis : « J’allais y rendre visite à L’Annunciata d’Antonello de Messine, avec l’intuition de pouvoir travailler sur le thème des mères en mal d’enfant. En montant la contempler, je passais devant Le Triomphe de la mort, fresque murale du XVe siècle, peinte pour l’hospice des pauvres au moment de la grande peste. Cette toile m’a happé. »

Méditation sur la vie

Bory tient son mur à lui : dans une spirale terminée par la lame courbe de sa faux qui rejoint son nombril, la mort aveugle galope sur un cheval à la bouche encore rose et décoche ses flèches. Sous sa monture, un amas de morts, princes et prélats de toutes confessions. À droite, une jeune femme atteinte au cou et au sein, et un jeune homme en manteau à bord de fourrures lui aussi mourant. Dans le coin gauche, au-dessus du peintre qui s’est représenté son pinceau à la main, une femme promène ses chiens en laisse. Sur la scène, la fresque se dresse, reproduite grandeur nature sur un rideau flottant. Avec d’abord quatre danseuses, une en nuisette bleue et trois en robes noires. Aurélien Bory les utilise comme s’ils sortaient du tableau. Les trois en noir jouent les Parques : « Les positions de leurs mains sur la fresque indiquent qu’elles sont des danseuses« , précise Bory qui a cherché dans le chaos de la toile les traces d’une danse macabre. Elles ramènent vers la fresque la jeune femme en bleu, dans l’exacte position d’agonie où elle y a été peinte. On la voit un instant assise sur une chaise, encerclée de trois médecins en blouse blanche qui auscultent son cancer, puis elle retourne dans la toile où la mort l’enlève. Même sort réservé au jeune homme arraché à la vie après avoir été pris dans une tempête sur son bateau. Palerme, ville portuaire, a de toute éternité accueilli des migrants. Au soir de la première, certaines références saillaient, trop réalistes, trop téléphonées, elles interrompaient une splendide méditation sur la vie. « Elles devraient à mesure se fondre« , dit Bory qui revoit sa copie un soir après l’autre. « Le peintre a représenté une spirale qui est celle de la mort mais aussi celle de la suite de Fibonacci qui met le monde au nombre d’or« , explique Aurélien Bory. L’homme qui, des Sept Planches de la ruse à aSH, pour Shantala Shivalingappa, ou Taoub pour le cirque acrobatique de Tanger, a signé maintes merveilles en sait long sur la beauté et le mystère. Invisibili les mêle. Elles surgissent une image après l’autre où se confrontent la splendeur de l’histoire de l’art et les visions très inspirées d’Aurélien Bory.

Arianne Bavelier

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Danse macabre sur toile sicilienne

Par Clémence Blanche - 12 janvier 2024

La nouvelle création du metteur en scène et chorégraphe Aurélien Bory, intitulée "Invisibili", s'inspire d'une fresque sicilienne du XVe siècle représentant "Le Triomphe de la mort".

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L’immense toile suspendue dans les airs semble vivante, comme si elle constituait le septième protagoniste de la fable macabre qui se joue devant elle. Sur la scène du Théâtre des Abbesses à Paris, elle paraît s’amuser avec les quatre danseuses, réagissant à leurs élans en se déroulant d’un coup sec ou en se repliant sur elle-même, dévoilant d’autres pans restés dans l’ombre. L’œuvre est au cœur d’Invisibili, spectacle que le metteur en scène et chorégraphe Aurélien Bory a créé en octobre 2022 au Teatro Biondo, à Palerme.

La toile, de six mètres par six, exhibe une reproduction d’une fresque murale du XVe siècle, intitulée Le Triomphe de la mort, et devenue le symbole de la capitale sicilienne. Au centre de l’œuvre, la mort chevauche un cheval émacié, personnifiée en un squelette au sourire inquiétant, décochant ses flèches fatales aux mortels rassemblés en tas à ses pieds. ‘Depuis la skene grecque – cette toile tendue devant laquelle les acteurs se produisent – jusqu’aux scènes des théâtres Italiens, il y a la même invention: cacher le réel – le rendre invisible – pour pouvoir ensuite le représenter’, écrit Aurélien Bory dans sa note d’intention.

Pendant un peu plus d’une heure, les quatre danseuses (Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitarresi, Arabella Scannell, Valeria Zampardi) et le chanteur (Chris Obehi) font l’exégèse du tableau, reproduisant fidèlement les poses des personnages peints, et éclairant peu à peu chaque centimètre de la toile. Puzzle géant aux sens infinis.

Mais quel est donc cet invisible évoqué dans le titre? Le temps qui passe d’abord, la vie elle-même ensuite, qui s’écoule inexorablement vers sa fin. Sauf que, ici, la mort n’a rien de naturel. C’est, alors, la peste qui s’est abattue sur Palerme pendant près de quatre siècles. Et aujourd’hui, de nouveaux fléaux: le cancer, la Méditerranée devenue cimetière des migrants ou encore les catastrophes naturelles.

Le programme paraît peu réjouissant… Et pourtant! La scénographie tout en nuances de rouge et de bleu déploie une douceur et une poésie enveloppantes. Loin de sembler glauque, cette danse macabre nous berce et nous apaise, au son du saxophoniste Gianni Gebbia, qui magnifie le spectacle par ses notes de jazz jouées en bord de scène, parfois rejoint par les sonorités d’orgue de Chris Obehi à l’harmonium.

Une touche d’humour fait même résonner des rires francs dans la salle! Par exemple, lorsque l’une des danseuses essaye de s’échapper des longues séances de poses imitant les personnages de la toile, mais elle est sans cesse rattrapée par ses acolytes et priée de se plier sans sourciller à l’exercice, ou encore, quand les chaises sur lesquelles ont pris place les chanteuses n’en finissent pas de vibrer, jusqu’à se déplacer toutes seules.

Le spectacle se veut limpide. Pour signifier le fléau du cancer du sein, une danseuse revêt une blouse blanche et palpe sans ménagement la poitrine de son acolyte. Pour évoquer la mort des migrants, le chanteur Chris Obehi affronte une tempête imaginaire dans un bateau pneumatique flambant neuf. Un parti pris très figuratif, loin du style abstrait du metteur en scène et scénographe, au risque d’être parfois un peu trop littéral.

Cela n’efface pas cependant les moments de grâce, telle la scène où Chris Obehi fait entendre sa voix profonde dans une semi-pénombre bleutée, sous un voile léger que les danseuses font virevolter au-dessus de leurs têtes. Quelle perte chante-t-il? Quelle recherche désespérée? Pour un court instant, la poésie permet de mettre la mort à distance, toujours présente en arrière-plan dans un coin de toile ou une ombre. On sait pourtant dès le début qu’elle gagnera, mais une fois la danse terminée, on se surprend à l’accepter comme une vieille amie.

Clémence Blanche

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Le rideau de la méduse

Par Jean-Luc Parquet - 11 janvier 2024

C'est une danse macabre qui fait rire. Enfin, parfois. Un drôle de rire bref. Du moins, qui n'accable pas. Même, qui apporte une note d'espoir. C'est une danse, et bien plus qu'une danse.

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C’est une danse macabre qui fait rire. Enfin, parfois. Un drôle de rire bref. Du moins, qui n’accable pas. Même, qui apporte une note d’espoir. C’est une danse, et bien plus qu’une danse.

Tout tourne autour d’une toile. Une toile peinte sur un rideau. Le rideau, immense, 6 mètres sur 6, flotte et occupe toute la scène. Parfois il bouge, recule, se replie, se déplie. Sur le rideau, une fresque murale anonyme du XVIe siècle réalisée pour l’hospice des pauvres de Palerme au moment de la grande peste. Son titre : « Le Triomphe de la Mort ». Tout un programme. La Mort est un grand squelette blanc ricaneur, qui chevauche un grand squelette de cheval. Elle traverse une foule chaotique de personnages, musiciens, dresseur de chien, le peintre lui-même, prêtres transpercés d’une volée de flèches, nobles dames.

Quatre danseuses apparaissent, qui, tout au long du spectacle, ne cesseront de jouer avec cette toile. Copier les poses des personnages. Se glisser dans la toile, sous la toile. S’y lover, y disparaître, s’en moquer, s’en inspirer. Incroyable, tout ce qu’on peut faire, et inventer, avec ce « Triomphe de la Mort » ! Plastiquement, un délice. Musicalement aussi : à gauche de la scène, Gianni Gebbia est au saxo.

Le metteur en scène Aurélien Bory a créé ce spectacle à Palerme. Avec uniquement des artistes de Palerme. Et Chris Obehi, musicien nigérian qui a miraculeusement survécu au voyage clandestin vers l’Italie. A atterri à Lampedusa, qui n’est pas très loin de Palerme … A un moment, devant le rideau, apparaît un radeau. Ou plutôt un canot, pareil à celui qu’il a pris un jour en compagnie d’autres migrants. La Mort, c’est lui qui en a triomphé. À la fin, quand il salue, son sourire éclate de vie.

Ah, on oubliait. Une scène : Chris Obehi est à l’harmonium, il chante, et les danseuses avec lui. Monte dans l’air « Hallelujah », l’hymne de Leonard Cohen. Elles se mettent à trembler, terriblement. Près d’elles, des chaises bougent toutes seules. C’est, on ne sait pourquoi, d’une beauté renversante. Trois minutes à peine, inoubliables.

Jean-Luc Parquet

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« Invisibili », le superbe memento mori d’Aurélien Bory

Par Delphine Baffour - 16 janvier 2024

Dans sa dernière création, Invisibili, Aurélien Bory donne vie avec brio à une fresque palermitaine anonyme du XVème siècle représentant la mort.

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Dans sa dernière création, Invisibili, Aurélien Bory donne vie avec brio à une fresque palermitaine anonyme du XVème siècle représentant la mort.

À l’origine d’Invisibili il est une fresque murale anonyme du XVème siècle intitulée Le Triomphe de la mort. Conservée à la Galerie Abatellis de Palerme et conçue à la manière d’une tapisserie, elle représente un squelette riant sur son cheval décharné qu’entourent nombre de personnages : faibles et puissants, artistes, religieux, mourants et accompagnants. Aurélien Bory, qui souhaite avec cette nouvelle création interroger la relation qu’entretiennent danse et peinture mais aussi notre rapport à l’art et à la mort, lui donne corps et vie sur scène en la reproduisant à l’identique sur une toile de six mètres par six supportée par un cadre mobile. Au gré de ses larges mouvements, elle fait apparaître en s’envolant dans un fracas ou dissimule le chanteur nigérian Chris Obehi et trois excellentes danseuses siciliennes, tandis que le musicien Gianni Gebbia souffle avec maestria à jardin dans son saxophone.

La mort par-delà les âges

Conjuguant ses indéniables talents de plasticien, de metteur en scène et de chorégraphe, Aurélien Bory nous fait voyager tel un magicien dans les méandres de la fresque : les interprètes en reproduisent de mille merveilleuses façons des détails et attitudes. Il prend soin aussi de nous rappeler à la manière d’un memento mori que si nous nous sommes débarrassés de la peste noire, la mort rode toujours mais sous de nouveaux traits. Ainsi, après que des blouses blanches lui diagnostiquent un cancer du sein, une jeune femme se débat de façon déchirante avec ce qui est le mal de notre siècle, qui finira par l’emporter, son corps étant englouti par la toile. Un pneumatique, embarcation de fortune malmenée par des flots rugissants, finira quant à lui par recouvrir Chris Obehi, qui est lui-même un jeune migrant arrivé à Palerme par bateau. La traversée de la Méditerranée par des gens espérant trouver un ailleurs où vivre un avenir meilleur est un autre de nos grands périls contemporains. Invisibili est une pièce de toute beauté qui bouleverse et fait frémir mais sait aussi provoquer un rire libérateur dans certaines de ses séquences – une description orale et gestuelle de la fresque dans un italien survolté offre une respiration bienvenue. Inscrivant ses pas dans ceux de Pina Bausch, Aurélien Bory rend en creux hommage à Palerme, ville d’arts et de sciences, située entre les plaques eurasienne et africaine, dont selon ses mots « toute l’histoire est peut-être celle du frottement entre deux mondes ».

Delphine Baffour

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Al teatro Biondo la danza degli Invisibili strega il pubblico

Par Daniela Cecchini - 23 octobre 2023

Nel tempo in cui il labirinto dellarealtà sembra attirarci in una perturbantenebulosa è il teatro nellesue forme più alte a offrire ristoro.

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Nel tempo in cui il labirinto dellarealtà sembra attirarci in una perturbantenebulosa è il teatro nellesue forme più alte a offrire ristoro.L’occasione è l’inaugurazione venerdìsera della stagione del Biondoaffidata a Invisibili, una creazionein prima assoluta del regista ecoreografo francese Aurelien Bory,co-prodotta dal teatro cittadinocon la Compagnia 111 e con diversicentri d’oltralpe dove a partire daParigi sarà in tournée concludendoa Torino. Ispirato alla città in unaideale linea di continuità con PalermoPalem1odi Pina Bausch, lospettacolocalorosamente accolto dalpubblico e preceduto nella fase dielaborazione da una immersionenei meandri del passato e del presente,parla dei luoghi attraverso ilTrionfo della Morte, affresco quattrocentescodi cui l’artista francesecoglie il valore simbolico e evocativo,tableau di cui il Cavaliere Morteè protagonista imagine grottescarivolta a chi guarda. Visibile findall’inizio a quinte aperte, il dispositivoscenico al calar delle luci, srotolalentamente il grande dipintoche si fa sipario, con un coup dechéàtre che dà subito senso, sul crescendodel sax di Gianni Gebbia dalvivo.

La luce crepuscolare generata dalla sapienza di Arno Veyart cattura l’attenzione avvolgendo il pubblico in una atmosfera che si addensa intorno a Chris Obehi,giovane nigeriano sbarcato qualche anno fa in Sicilia mentre canta Hallelujah di Leonard Cohen e sull’apparizione delle quattro danzatrici siciliane nerovestite, Blancalo Verde, Maria Stella Pitarresi Arabella Scalisi e Valeria Zampardi in una mobilità a tratti bloccata in fotogrammi. Ora la tela che unisce e separa la scena, che mostra e nasconde, si manifesta nel suo solenne evocare la vita e la morte ma si fa altresì diaframma, mobile, sensibile, nel gioco delle continue aperture e increspature, vibrante involucro della narrazione di frammenti distinti dalla congerie dell’umano, nel passato e nell’oggi. È decisivo il modo poetico con cui l’artista sce· glie con presa delicata ma netta i temi: c’è la malattia, che rende il corpo materia ectopica come nelle epidemie. C’è un uomo che sorregge una donna esausta come una Pietà a ruoli invertiti e c’è quella tela, viva, che si mette pure a parlare con ironia quando i personaggi isolati dalla luce dialogano con una figura esterna, evocando il cantastorie dei paladini che recitava ,,ogni fiura è un fatto». Le danzatlici ora entrano nella tela e diventandone parte, poi assumono le pose e le espressioni dei personaggi con somiglianza bidimensionale. E tanti altri spunti in una trama che si sviluppa per immagini e suggestioni.

Poi il Cavaliere Mortes cocca una delle sue frecce implacabili e il sipario si solleva e irrompe il grande gommone intorno al quale prende corpo la danza macabra. Sulla barca salgono tutti, mentre un effetto ologramma li avvolge consegnandoli a un finale tragico ma di sorprendente affiato poetico.
Bella prova per tutti gli artisti sostenuti dallemusichediJoanCambonedal
formidabile team tecnico francese. Repliche fino al 29 ottobre.

Daniela Cecchini

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« Il trionfo della morte » è un gommone che naufraga in scena

Par Guido Valdini - 23 octobre 2023

"Invisibili" di Aurélien Bory ha aperto la stagione del Biondo: uno spettacolo di raffinata suggestione che vede il celebre affresco interagire con i protagonisti

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« Invisibili » di Aurélien Bory ha aperto la stagione del Biondo: uno spettacolo di raffinata suggestione che vede il celebre affresco interagire con i protagonisti

Forse il rapporto con la morte ci può insegnare la forza di vivere, ci può indicare la capacità di elevare lo sguardo al di là del nostro limite, oltre ciò che non vediamo. E alla morte (e ai morti) sappiamo che i siciliani sono avvezzi a rivolgersi con laica confidenza. Da qui è partito Aurélien Bory, coreografo e regista francese di fama, per la sua riflessione su Palermo come chiave d’indagine sulle angosce contemporanee e sulla funzio ne salvifica dell’arte. L’esito è Invisibili, un progetto di teatro-danza na to dopo una frequentazione del regista con la città, al debutto della stagione del Teatro Biondo, che lo produce assieme alla Compagnie 111 dello stesso Bory, e in coproduzione con svariati altri enti, fra i quali il Théâtre de la Ville di Parigi e il Teatro Piemonte Europa.

Protagonista assoluto è lo splendi do affresco del Trionfo della Morte di Palazzo Abatellis, capolavoro quattrocentesco del Gotico internazionale, di autore ignoto, qui riproposto a grandezza naturale in un gigantesco fondale di tessuto, che troneggia sul- la scena e che, di volta in volta, si agita, si spiega, muta forma, si avvolge sulle danzatrici, si fa duttile compagno di viaggio. Un tenebroso ammonimento sulla precarietà dell’esistenza, sull’effimero di dame e aristocratici, vescovi, papi e imperatori, il cui ameno giardino di delizie viene tra- volto dalla tetra Signora con la falce in groppa ad uno scheletrico cavallo imbizzarrito che dissemina dovunque i suoi dardi. Ma forse anche un turbine escatologico consolatorio di vita eterna che si faceva beffe di ogni diseguaglianza. Una raffigurazione di straordinaria teatralità che per Bory (autore anche della scenografia) diventa, invece, fulcro rigeneratore di una ininterrotta relazione con le quattro danzatrici scena: la guardano, la indagano, la sfiorano, riproducono le movenze dei personaggi del dipinto, interloquiscono con lo ro, carezzano il teschio, fremono in una danza macabra; enon risparmiano nemmeno il cavallo, sdraiandovisi e sprofondando come in una confortante culla. Sembrano interrogar si sul senso nascosto della rappresentazione per diventarne complici. Ma qui non crolla un muro, come nella folgorante soluzione/dissoluzione di Pina Bausch nel suo Palermo Palermo di trentatré anni fa, che si è voluto richiamare per l’analogia con un importante spettacolo dedicato alla città: l’immagine della Morte medie- vale si dissolvee sparisce d’improvviso, sostituita da una morte contemporanea, quella causata dalle migra- zioni. Il flagello della peste, possibile causa di sterminio nell’affresco, e qui citata metaforicamente in un’ironica ispezione corporea ospedaliera, si fa mare in tempesta, vento tonante, e la Morte a cavallo diventama con gusto discutibile-un moderno gommone con scafista/vittima. Comunque, ancora, un trionfo di morte. Ai canti di mare si sovrappongono le percosse delle onde, l’attesa di un futuro migliore lotta e si perde nel nero dei gorghi, tra le luci spettrali di Arno Veyrat. E quelli che furono madonne e cavalieri, cani da caccia e musici, sono ora sciagurati a bordo di un battello senza speranza, che solo l’arte può alimentare. Tutti insie me, immaginazione, finzione e realtà, in un brandello divideo in bianco e nero, con gliocchi della paura, prima che lo struggente requiem di Arvo Pärt li addormenti per sempre.
Spettacolo che non risparmia effetti di raffinata suggestione e qualche compiaciuto simbolismo, in cui è pressoché assente la parola, si fa apprezzare per il suo fascino iconografico, per lo sfuggire a tentazioni folcloriche e per una composta ema linconica freddezza. Ravvivata, peraltro, dal magnifico sax parlante e cantante di Gianni Gebbia, in scena e in papillon, che accompagna con un caldo fraseggio di delicata misura (sue le musichee di Joan Cambon) la gestualità morbida o ieraticao nervosa della quattro eccellenti danzatrici : Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitarresi, Arabella Scalisi, Valeria Zampardi. Con loro, c’è Chris Obehi, nigeriano, autentico ex migrante, musicista di valore edi magnetica presenza scenica.

Guido Valdini

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INVISIBILI d’Aurélien Bory

Par Philippe Noisette - 28 novembre 2023

Le metteur en scène fait du Triomphe de la mort, tableau anonyme du XVe siècle, la toile de fond, au propre comme au figuré, de son Odyssée moderne, qui convoque Palerme et quelques fantômes au plateau.

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Le metteur en scène fait du Triomphe de la mort, tableau anonyme du XVe siècle, la toile de fond, au propre comme au figuré, de son Odyssée moderne, qui convoque Palerme et quelques fantômes au plateau.

Port ouvert. Aurélien Bory semble avoir fait sienne la signification de « Palermo », nom d’origine grecque. Invité à travailler sur l’île du Soleil, il est devenu, le temps d’une résidence de deux mois, palermitain. Un peu comme Pina Bausch il y a trente-cinq ans. La chorégraphe allemande avait alors passé ses jours – et ses nuits à sillonner cette cité vibrante riche d’influences mêlées. Elle créera Palermo Palermo, chef- d’œuvre de danse-théâtre, un peu plus tard. Comme elle, Bory cherche ici ce qu’il ne connaît pas (encore). « Surtout pas du tourisme artistique. J’avais un rendez-vous avec cette ville pour que cela me déplace. J’avais pourtant des idées ‘d’avant’ ma venue, comme le théâtre de marionnettes local ou un tableau d’Antonello de Messine, La Vierge de l’Annonciation. Mais il faut parfois se débarrasser de ses envies. » Aurélien Bory, invité du Teatro Biondo Stabile, fera alors une série de rencontres imprévues, comme celle du musicien. Gianni Gebbia ou, par la suite, d’un chanteur nigérian installé à Palerme, Chris Obehi, sans oublier un quatuor de danseuses.
Surtout, il croise à la galerie du palais Abatellis la fresque d’un anonyme, Le Triomphe de la mort. Autrefois accrochée sur un mur d’hôpital, cette œuvre bouleversante est désormais au musée. Face au Triomphe, Aurélien Bory a un choc : « J’y vois un mélange de danse macabre et de chaos. Alors qu’à l’époque, au XV siècle, les fresques étaient souvent figées, je trouve dans celle-ci l’esprit du mouvement. »
Il n’en fallait pas plus à cet artiste protéiforme pour tirer un fil jusqu’au théâtre. Il y repère des rôles, des personnages et se demande ce qui peut succéder de nos jours à la peste du Moyen Âge. Lui viennent en tête des maladies comme le cancer ou le drame des migrant·es en Méditerranée. Invisibili, le titre donné au spectacle, active une autre mémoire, celle d’un réel, caché pour mieux le représenter. Une toile de scène, reproduction à l’identique du format du Triomphe de la mort, sera le cadre de l’action. Bory, fidèle à ses intuitions, en fait un tableau vivant, parfois dédoublé par le jeu d’une projection ou un rideau. « Il y a une filiation avec aSH ou ma mise en scène d’Orphée et Eurydice », résume Aurélien Bory.
Les deux musiciens tressent en direct une bande-son délicate faite de notes de saxophone ou d’un harmonium. Et lorsqu’une version du Hallelujah de Leonard Cohen résonne dans la salle, un frisson s’empare de chacun·e. « Les couches s’accumulent, les choses sont en dialogue. J’essaie d’être dans le renouvellement de la forme. » Un pas de deux avec chaises, hommage volontaire (ou pas) à Pina Bausch, voit les interprètes naviguant à vue. On pense aussi à La Danse de Matisse dans ce travail des bras comme enchaînés. Puis surgissent des « docteures » en blouse blanche. Ou ce naufragé sur un bateau de secours. Il s’en fait un trône, le relevant, invite les autres dans un élan partagé. Ce passage est sans doute trop appuyé pour toucher au cœur. Aurélien Bory voit l’art comme une consolation. « La conscience de la mort fait que l’art existe. » Il concède ne pas avoir créé un monde cohérent avec Invisibili. On pourrait même dire que « certains éléments ne vont pas ensemble. Mais il me ressemble, il est à moi ». Depuis bientôt un quart de siècle – sa Compagnie 111 a été créée en 2000, Aurélien Bory travaille sur la crête. On a parfois évoqué le cirque contemporain à son égard, ce qui est sans doute réducteur. Il a convié dans son univers des danseur ses virtuoses (Kaori Ito ou Shantala Shivalingappa), des acteur·rices et des performeur·ses, a travaillé sur les mots de Perec ou les notes de Gluck, sans oublier sa performance pour un robot ou des installations cinétiques.
À Palerme, ville d’accueil dans un pays, l’Italie, de plus en plus refermé sur lui-même, ce créateur s’est laissé bousculer. Finalement, il a signé une partition scénique, « ensemble de scènes invisibles, qui se donnent à jouer, pour peu qu’on les regarde une fois encore, avant que la fresque ne s’effrite et disparaisse à jamais ». Invisibili n’a pas la prétention de changer le monde. Ses moyens sont presque dérisoires en ce sens. Mais il peut consoler le temps d’une représentation. « On a toujours l’impression de faire le dernier spectacle », lâche Aurélien Bory.

Philippe Noisette

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Invisibili, Aurélien Bory au-delà du sensible

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore - 26 octobre 2023

À Palerme au Teatro Biondo, avant d’entamer une tournée en France et en Italie, qui débutera en janvier au Théâtre de la ville, Aurélien Bory donne vie, avec Invisibili, à l’une des plus fameuses fresques de la cité sicilienne, Le Triomphe de la mort. Transposant au temps présent les fléaux d’hier, il imagine une peinture dansée du monde entre extase et désillusion.

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Un temps estival règne sur la cité sicilienne en ce mois d’octobre. Devant le Teatro Biono, les femmes rivalisent d’élégance. Robes longues et paillettes sont à l’honneur. Les hommes, quant à eux, ont sorti leurs plus beaux costumes. En Italie, aller au spectacle ou au restaurant, est un événement. On s’habille pour l’occasion. Dans la salle tout en rondeur de ce théâtre, qui fête cette année ses 120 printemps, les ors fanés, les moulures décaties, les sièges rouge cardinal, n’ont rien perdu de leur lustre d’antan. Loin des brouhahas de la ville, des violences du monde, comme protégé par l’écrin de pierre de l’édifice aménagé par Li Vigni, il règne à l’intérieur une atmosphère surannée joyeuse, presque insouciante. Les conversations où s’entremêlent gaiement italien, anglais et français vont bon train.

Afin de redonner une dimension internationale à ce lieu culturel mythique palermitain, où a été créé en décembre 1989, Palermo Palermo, célèbre pièce de Pina Bausch, Pamela Villorosi, directrice artistique de l’établissement, a passé commande à l’artiste colmarien Aurélien Bory. Dans la lignée de la chorégraphe allemande, il imagine un spectacle monde, portait d’une ville cosmopolite à la croisée des humanités. Alors que s’installe côté cour, le musicien et compositeur Gianni Gabbia, un immense portique noir s’élève dans la pénombre, laissant apparaître la reproduction d’un chef d’œuvre de la peinture gothique tardive italienne, Le triomphe de la Mort. Déplacée à deux reprises, cette fresque imposante et profondément hypnotique, peinte par un artiste inconnu, certainement catalan, dans les années 1440, est conservée depuis les années 1950 à la galerie régionale du Palais Abatellis, non loin de l’intense Annonciata d’Antonello de Messine.

Sur un cheval décharné, le squelette souriant de la mort emporte tout sur son passage. Riches, pauvres, jeunes, vieux, hommes, femmes, tous trépassent sans distinction. Mais loin d’être morbide, l’œuvre dégage une force étrange, une espérance. Peinte pour soulager les malades atteints de la peste, leur offrir une forme de sérénité avant de trépasser, elle se veut réconfortante. Emblématique de Palerme, elle est une vision du monde, d’une société, d’une époque. En toute logique, Aurélien Bory s’en empare, lui donne vie et l’ancre dans les maux du temps présent. Le cancer fait place à la pandémie d’alors, le destin tragique des migrants à celui des apatrides, des déplacés qui ont souvent trouvé refuge en Sicile. Alors que l’Italie se replie sur elle-même, le maire de Palerme offre la citoyenneté de sa ville à tous ceux qui y arrivent d’où qu’ils viennent. Avec une belle humanité, le chorégraphe, qui depuis plus de trois ans travaille à ce spectacle, s’est nourri, durant de longs temps de résidence, de la ville, de ses contradictions, de ses richesses, pour esquisser un portrait poétique et vibrant des palermitains d’hier et d’aujourd’hui.

Des âmes et des corps

Dans un silence quasi religieux, un homme noir (lumineux Chris Obehi) traverse le plateau. Regard intense, scrutateur, le jeune artiste nigérien, qui a fui Warri, sa ville natale, en 2015 pour échapper à Boko Haram, laisse libre court à ses pensées, évoque la vie, la mort, la Sicile, terre d’accueil, qui lui a ouvert les bras. Puis disparait comme il est venu, avalé par la toile qui flotte au gré des flux d’air. Une femme (irradiante Valeria Zampardi) apparait, aussitôt rejointe par trois autres danseuses (Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitarresi & Arabella Scalisi). Corps alangui, elle s’écroule dans les bras de ses consœurs, mimant ainsi l’une des saynètes de la fresque. Touchée par des flèches imaginaires, quelques germes assassins, elle s’enfonce dans la nuit. Aucune aide, aucun soutien ; ne pourra empêcher son face à face avec sa fatale destinée.

Passant du rêve à la réalité sans que jamais les frontières entre l’un et l’autre se dessinent nettement, Aurélien Bory tisse un récit universel, un conte contemporain qui donne à voir que malgré l’horreur, malgré l’implacabilité de la mort, que tout est encore possible. La main tendue d’une cité à un homme qui a dû s’arracher à ses racines et dont le bateau pneumatique menace de sombrer dans les eaux noires de la Méditerranée, d’une femme médecin ou infirmière à une autre dont une grosseur habite le sein. Sombre est la vie mais elle mérite d’être vécue, d’être partagée. L’autre n’est pas forcément un monstre. Il peut avoir du cœur et d’un sourire, d’un geste, rallumer la flamme de l’espoir et proposer d’autres horizons vers des avenirs incertains mais potentiellement meilleurs.

Avec Invisibili, Aurélien Bory invite à dépasser les limites du visible, à voir hors champ, hors cadre et à inventer de nouvelles alternatives qui s’affranchissent de la triste réalité du monde.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

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sipario

INVISIBILI – regia Aurélien Bory

Par Gigi Giacobbe - 26 octobre 2023

Palermo! Fonte d’ispirazione per il Teatro Danza. Nel dicembre del 1989 quando giungevano nel nostro Paese gli odori dei calcinacci del muro di Berlino, caduto qualche mese prima, Pina Bausch con i suoi danzatori…

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Palermo! Fonte d’ispirazione per il Teatro Danza. Nel dicembre del 1989 quando giungevano nel nostro Paese gli odori dei calcinacci del muro di Berlino, caduto qualche mese prima, Pina Bausch con i suoi danzatori del Tanztheater di Wuppertal aveva messo in scena al Teatro Biondo uno dei suoi più esaltanti spettacoli titolato Palermo, Palermo, (ripetuto due volte) a rafforzare quasi la tenacia dei suoi abitanti nell’aver cercato di fare di questa terra, tante volte lordata di sangue, una città unica del panorama mondiale. Adesso, dopo quasi 34 anni anche il noto coreografo e regista francese Aurelien Bory, noto anche in Italia per alcuni suoi spettacoli come Plexus e Plan B, s’innamora di Palermo e mette in scena al Biondo Invisibili, ispirandosi ad un affresco del XV secolo di autore ignoto, appellato Il trionfo della morte, visibile e visitabile ai giorni nostri nel Palazzo Abatellis, cercando di svelare spazi invisibili.

Un affresco di 6 metri x 6 che, per il modo come l’ha trattato, deve aver ossessionato non poco il nostro Bory. Difatti la tela, a guisa di fondale, fissata solo in alto sul lato della graticcia, riproduce, con abili stratagemmi computerizzati sulla consolle di regia, volti e immagini dei personaggi raffigurati con contorni e colori più vivaci, a volte anche ingranditi, certamente non sbiaditi come l’originale. Così il fondale diventa anche vivo e mobile, in grado di risucchiare al suo interno (questo succede varie volte) le quattro brave danzatrici, Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitarresi, Arabella Scalisi, Valeria Zampardi, mentre in altri momenti una di loro riesce ad abbracciare il teschio della morte come se costei l’avesse tirata a sé. Si ha l’impressione che Bory voglia dialogare con la morte, cercando argomenti di
conversazione che possano soddisfare le sue curiosità. L’opera, come molti sanno, è dominata nella parte centrale dall’eterna nemica, raffigurata da uno scheletro che cavalca un cavallo dalla bocca aperta, con denti e lingua ben visibili, incredibilmente somigliante a quell’equino cubista della Guernica di Picasso, colta nei momenti in cui, addentrandosi in un giardino, lancia frecce mortali a chiunque incontri sul suo cammino, senza distinguere se ad essere colpiti siano papi, nobili, aristocratici o gente comune, come è naturale che accada nel mistero della vita di noi mortali.

Un’opera realizzata forse per un ospedale, da qui i riferimenti di Bory alle sue ballerine che ad un tratto appaiono vestite con camici bianchi da medici, pronte ad alleviare le sofferenze di quanti vi stazionano, ma anche riferito alle catastrofi naturali e alle recenti guerre in Europa e nel Medio Oriente. Lo spettacolo, in prima mondiale, condensato in sessanta minuti, inizia con i suoni astratti del sassofono di Gianni Gebbia, un introibo utile a fare apparire in scena il quartetto delle danzatrici, i cui movimenti veloci e stilizzati di braccia e gambe sembrano quasi omaggiare le singolari coreografie di Pina Bausch, alle quali Bory vi innesca i suoi geniali tocchi, culminanti fra le note di Hallelujah di Leonard Cohen.

La scena adesso diventa tutta rossa, compreso l’incredibile affresco e sullo schermo appare il bel volto di Chris Obehi dagli occhi espressivi che ti erforano l’anima, subito dopo lui stesso sul palco con un gommone sulle spalle, diventato ormai un emblema di morte per i migranti africani che fuggono dalle loro terre: un involucro gommoso che rotea su un palco simile ad un grande mare. Le danzatrici sussurrano qualcosa, poi i loro corpi vengono ricoperti da quel dipinto e le loro teste escono fuori come in alcuni spettacoli espressionisti, cui seguono abbracci sensuali alla maniera di Schiele o di Klimt. Infine la scena diventa una grigia nebulosa che s’appoggia sui loro corpi rannicchiati su quel fragile natante, inghiottito da flutti crudeli, avvolti dalle musiche ferali di Joan Cambon. Calorosi gli applausi del pubblico palermitano, contento
pure in questi giorni di celebrare con una mostra di foto e documenti nel foyer del Teatro, titolata “Palcoscenico Biondo” a cura di Roberto Giambrone, Rosa Guttilla, Isabella Iozzi, Guido Valdini, i 120 anni di vita.

Gigi Giacobbe

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THIS & THAT

La Disparition du paysage

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Avis de brouillard

Par Fabienne Arvers - 12 février 2021

L’impact du spectacle tient tout entier dans ce partage de l'expérience vécue par le personnage, la disparition progressive du paysage.

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Dense et compact, La Disparition du paysage offre à Aurélien Bory et Denis Podalydès l’occasion d’un dispositif théâtral qui éclaire l’effacement de nos repères dans un réel figé et incertain.

Saisissante s’avère l’étrange corrélation entre la trame du récit de Jean-Philippe Toussaint dans La Disparition du paysage et la situation sanitaire qui nous fait découvrir la mise en scène d’Aurélien Bory dans un Théâtre des Bouffes du Nord vidé de son public, devant une poignée de professionnel·les. Avons-nous un point de vue clair sur l’avenir proche et pouvons-nous imaginer un après à cet engluement dans un présent confiné qui dure depuis un an ? Nullement.

Or, c’est justement sur cette impossibilité à percer le brouillard de sa conscience et celui qui opacifie la plage d’Ostende qu’il regarde depuis sa chambre, solitaire et arrimé à sa chaise roulante depuis « l’accident », que porte le monologue intérieur de cet homme. A-t-il été victime d’un attentat ? Est-il amnésique, prisonnier d’un présent étalé qui ne lui laisse d’autre occupation que « d’éprouver la monotonie des heures » ? Pourtant, le temps passe bel et bien. Devant sa fenêtre, des travaux vont bientôt obturer complètement le paysage monochrome, à peine traversé par des mouvements infimes, des corps évanescents, où s’arrime sa conscience. Seule l’imagination lui offre une porte de sortie lorsque son esprit prend le large. Alors, « je parviens à m’abstraire de la réalité où je suis encalminé depuis des mois ».

C’est à Denis Podalydès que Jean-Phillppe Toussaint a fait don de ce texte avant même qu’il soit publié.

« S’y manifeste une grande inquiétude, qui est notre commune et sourde inquiétude qui perd son nom, sa forme, son contour, tant elle s’accroît, se diffuse, tout en parfois semblant s’évaporer. […] Comment donner à entendre (à voir ?) ce flux de pensées, de sensations, de réminiscences ? Et comment faire avec la mort, toujours présente, déjà là, ombre et instant ? », s’interroge l’acteur.

Aurélien Bory, metteur en scène et arpenteur infatigable de l’espace, sera celui à qui Denis Podalydès proposera l’aventure. Entre eux, la fusion entre voir et entendre fonctionne à merveille. Au jeu sobre, précis et obstiné de l’acteur, Aurélien Bory associe le-déroulement d’une image, celle d’un ciel aux nuages en perpétuelle métamorphose, dont les dimensions varient au gré du récit. Lucarne, verrière, trait lumineux, paroi envahissante ou support aux mouvements des ouvriers reconstruisant le mur qui obture le paysage, l’image, ici se surimpose aux mots. En accompagne le ressassement, l’étirement infini d’une perception alourdie par le silence, l’immobilité, l’amenuisement des repères, l’insondable solitude.

L’impact du spectacle tient tout entier dans ce partage de l’expérience vécue par le personnage, la disparition progressive du paysage – social et intime – où l’on a eu coutume de vivre et dont on doit se passer ; pour combien de temps encore ?

Fabienne Arvers

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Je me souviens Le Ciel est loin la terre aussi

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Les burlesques et mélancoliques réminiscences d’Aurélien Bory

Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore - 05 octobre 2019

Voyage à travers le temps, cette pièce à la croisée des arts vivants, écrite à quatre mains, fait écho en chacun de nous, touche des zones sensibles de notre propre histoire. Une délicatesse scénique.

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Dans le cadre de la première Biennale des arts vivants de Toulouse, Aurélien Bory explore les traces mémorielles laissées, il y a 25 ans, par son premier choc théâtral, Je me souviens Le Ciel est loin la terre aussi de Mladen Materic. Avec la complicité du metteur en scène yougoslave, il reprend le fil narratif de cette pièce, convoque fantômes, souvenirs fantasmés et témoins d’un passé commun, pour en réinventer forme et fond. Profondément bouleversant !

C’est l’histoire d’une rencontre multiple, celle d’un jeune étudiant en sciences avec un spectacle, celle d’un danseur chorégraphe avec un auteur-metteur en scène. Tout droit venu de son Colmar natal, le jeune Aurélien Bory atterrit à Toulouse pour poursuivre ses études en acoustique architectural. Un soir de 1994, il tombe sur une affiche au titre poétique Le ciel est loin la terre aussi qui l’intrigue. Elle représente une pin-up des années 1950. Curieux, il fonce découvrir le spectacle de Mladen Materic, un metteur en scène d’origine yougoslave alors en exil en France. Là, c’est le choc, la claque. Plus rien ne sera comme avant. Attiré par la scène depuis longtemps, l’artiste en devenir franchit le pas et devient le chorégraphe que l’on connait.

A l’occasion du portrait / paysage qui lui est consacré lors de la première Biennale des arts vivants, impulsée par Galin Stoev, directeur du théâtredelaCité, Aurélien Bory reprend, tout au long de l’année, un certain nombre de ces créations comme aSH et Plan B, met en scène l’Opéra Parsifal de Wagner au théâtre du Capitole et revient au théâtre Garonne sur cette pièce maîtresse à la source de son inspiration théâtrale. Reprenant les décors originels, invitant aux plateaux les comédiens d’alors, il convoque ses souvenirs et réinvente avec la complicité fraternelle et amicale de Mladen Materic, une évocation teintée de nostalgie de ce moment, caillou unique et singulier ancré au plus profond de sa mémoire.
Sortis de leurs réserves où ils avaient été stockés, oubliés, les panneaux de bois, les portes, les fenêtres, les meubles, reprennent vie. Présence spectrale, ils hantent le plateau recouvert d’une multitude de balles de ping-pong, comme autant de bulles de souvenirs, semblent glisser sur le sol. Entièrement rénovés, déstructurés, ils passent furtivement sur scène, faisant émerger des bribes de récits réels ou fictionnels, des réminiscences joyeuses, mélancoliques, voire fantasmagoriques. Avec une élégance et une grâce infinies, Aurélien Bory erre sur le plateau, court après sa propre histoire chorégraphique, théâtrale autant qu’intime et livre en creux un peu de lui-même.

Beau, lent, bouleversant, Je me souviens Le ciel est loin la terre aussi est un acte salvateur. Conçu comme un moment de partage, de transmission nécessaire d’une génération à l’autre, d’un être à l’autre. Des pas de deux à l’équilibre précaire au mouvement aérien des immenses structures de bois, des lumières ciselant l’espace au jeu muet des interprètes, en passant par la projection granuleuse d’une captation de la pièce de 1994, tout y soigné, léché. Voyage à travers le temps, cette pièce à la croisée des arts vivants, écrite à quatre mains, fait écho en chacun de nous, touche des zones sensibles de notre propre histoire. Une délicatesse scénique à découvrir au plus vite.

Olivier Fregaville-Gratian d’Amore

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«Le ciel est loin…», mémento Bory

Par Anne Diatkine - 06 octobre 2019

La beauté onirique laisse une empreinte puissante et mélancolique tout en recouvrant la ligne narrative.

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Même plateau, mêmes acteurs, mêmes décors et costumes : vingt cinq ans après le choc artistique que fut pour lui la pièce de Mladen Materic, le metteur en scène Aurélien Bory en propose un remake onirique et actualisé qui convoque les souvenirs de chaque intervenant.

 

En 1994, Aurélien Bory, 22 ans, étudiant en sciences, décide de vivre à Toulouse, et le premier spectacle qu’il voit est Le ciel est loin la terre aussi (sans virgule entre les deux termes de la phrase) de Mladen Materic. A l’époque, le metteur en scène sarajévien est en résidence au Théâtre Garonne à Toulouse depuis deux ans avec quelques membres du Théâtre Tatoo qu’il a fondé en 1984 dans la capitale bosniaque. Ils sont serbes, bosniaques, serbo-croates, et parfois tout à la fois, et ils restent en France alors que la guerre débute à Sarajevo.

Vingt-cinq ans plus tard, Aurélien Bory s’interroge sur les traces qu’a laissées sur lui Le ciel est loin la terre aussi, au point d’avoir forgé ce qu’il est devenu aujourd’hui : un artiste qui a fait de ses inventions scénographiques le cœur battant de ses créations. Il en a fait une pièce, Je me souviens Le ciel est loin la terre aussi, qui n’est pas une reconstitution du spectacle de Materic, mais plutôt un remake intime qui interroge la mémoire et les vestiges, à des années d’écart, d’un spectacle qui a fini depuis bien longtemps de tourner. Le décor et les costumes sont restés entreposés quelque part à Toulouse. L’affiche elle aussi existe toujours, tirée d’une carte postale kitsch des années 50 trouvée à Sarajevo, qui montre une jeune femme un peu cassée, à côté d’un bouquet d’immenses roses, liberté laissée aux spectateurs de déceler dans cette image la nostalgie d’un pays en proie à la guerre. Et il est possible de convier ses interprètes principaux – Jelena Covic et Haris Haka Resic – et Materic lui-même. Aurélien Bory associe leurs mémoires respectives. «Personne ne se souvenait des mêmes choses.»

Grains de sable

Un élément frappant, cependant : dans ce spectacle muet, les acteurs reprennent leur déplacement comme s’ils l’avaient joué la veille. Leur mémoire corporelle est intacte. On les trouve ou retrouve donc vingt-cinq ans plus tard, sur le plateau, dans la même cuisine et rôles dévolus. La femme range, met la table, sert le dîner. L’homme refuse. Il refuse quoi ? La vie. Il cherche à se pendre, monte sur un tabouret, il bâille, il se dépend pour mieux bâiller, l’envie de suicide est passée. Une fraise vient se poser dans la pièce, immense comme le désir d’amour. Et très naturellement un croissant de lune fait son apparition dans ce salon-cuisine dont les parois ne cessent de se développer, d’abord à l’envers, comme un corps d’écorché, puis à l’endroit. Parfois, sur les murs, des extraits d’une mauvaise capture vidéo sont projetés comme une mémoire défaillante. Au lieu d’apparaître comme une preuve tangible du spectacle antérieur, elles sont au contraire son flou. Et l’enfant ? Il a grandi, a la quarantaine, l’âge «entre terre et ciel» et il est joué par Aurélien Bory. Des balles envahissent progressivement le plateau. C’est sur ce sol périlleux que les acteurs se déplacent, les parois coulissent, les murs deviennent fenêtres, un ballet de canapés roule. La beauté onirique laisse une empreinte puissante et mélancolique tout en recouvrant la ligne narrative. L’image qu’on gardera toujours, celle qui condense ce Je me souviens… n’existe sans doute pas dans la création de Materic. Ce sont les balles de ping-pong qui sans cesse reviennent comme des grains de sable géants, mesure du temps.

La pièce de Bory mérite qu’on s’arrête sur la question : pourquoi est-il possible de jouer certains spectacles de Pina Bausch bien qu’elle ne soit plus là depuis dix ans, ou de danser le Lac des cygnes ou Gisèle, alors que les grandes mises en scène de théâtre s’enfuient dans la mémoire des spectateurs qui finissent bien par mourir eux aussi ? Qu’est-ce qui rend inconcevable de reprendre les spectacles qui ont fait date – la Bérénice de Klaus Michael Grüber en 1984 ou la Dispute de Patrice Chéreau en 1973 par exemple, dont on élude significativement les noms de Racine et de Marivaux – alors que la transmission des gestes chorégraphiques paraît beaucoup plus naturelle ? Contrairement au cinéma, qui permet qu’on découvre des vieux films et se réjouisse qu’ils nous documentent sur l’époque, il est impossible de revoir une «vieille» mise en scène qui a marqué les esprits.

«Regard d’aujourd’hui»

En France, la majorité des créations souffrent d’une durée d’exploitation de plus en plus brève. Qui plus est, dès la première d’une pièce, une partie des metteurs en scène stars s’attellent déjà à leurs nouveaux projets, pris dans une productivité incessante, la part de la création étant plus valorisée que le souci de la transmission ou de l’archive, c’est l’éclat de la nouveauté qui compte. «Il n’en va pas de même dans les pays de l’Est où les metteurs en scène ont en charge non seulement de créer la nouveauté, mais de l’inscrire dans la durée, et ils apprennent cela dans des écoles de mises en scène», explique la chercheuse et historienne Béatrice Picon-Vallin.

Joël Pommerat, qui depuis quelques années filme toutes ses répétitions, nous confie : «J’adorerais voir à quoi ressemblaient les premières mises en scène des pièces de Tchekhov au Théâtre d’art de Moscou. Shakespeare au Théâtre du Globe ! Il y a bien des archives, des journaux, au mieux quelques photos pour Tchekhov, mais on y projette notre regard d’aujourd’hui. […] Est-ce que ça aurait un intérêt ? Encore faudrait-il engager les mêmes comédiens.» Pommerat filme également ses spectacles terminés sans montage, en plan large, «ce qui se révèle extrêmement utile quand on les reprend. On retravaille sans cesse nos anciennes créations qui tournent jusqu’à épuisement».

En utilisant exactement les mêmes ingrédients, produirait-on une magie identique ou se livrerait-on à un embaumement ? Sur ce sujet, l’historienne Béatrice Picon-Vallin nous racontait s’être livrée à une expérience éprouvante en se rendant à une représentation de la Princesse Turandot par Eugène Vakhtangov, «qui avait été un succès incroyable en 1922, l’année de la mort de son metteur en scène». Elle est tombée de haut : «J’ai trouvé ça horrible. J’étais dans l’incapacité de comprendre ce qui avait pu bouleverser les gens à l’époque. Le spectacle avait été mis en conserve, sans aucune intervention d’un autre metteur en scène qui lui aurait permis de vieillir avec nous.» A l’opposé, elle garde un souvenir radieux de la pièce de Brecht la Bonne Ame du Se-Tchouan, revue trente ans après sa création en 1964. «J’avais vieilli, les interprètes aussi, la pièce avait évolué de manière active. Ce qui rendait le spectacle formidablement émouvant, est qu’il était organiquement différent tout en restant le même.»

Anne Diatkine

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Anamorphose

Par Rick Panegy - 04 octobre 2019

Bory et Materic offre une oeuvre à la narration poétiquement évaporée, brouillée par les volutes de l'impuissance de l'individu face au temps et par l'entêtement et la pérennité d'instants clefs, au rythme de la vie.

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Il y a 25 ans, en 1994, au même endroit, dans ce Théâtre Garonne, Aurélien Bory n’était que spectateur. Il rencontrait l’oeuvre de MJden Materic « Le ciel est loin la Terre aussi ». Le metteur en scène d’ex-Yougoslavie était alors programmé dans ce théâtre toulousain … La rencontre fut un choc pour le colmarien d’alors 22 ans. Lui qui fera de ses spectacles des architectures à la croisée des genres, où se mèlent les disciplines autant que les distorsions du temps et de l’espace, et ou l’esprit vagabonde au rythme de la beauté des tableaux, découvrira en quelque sorte ce qui peut apparaitre comme une grammaire fondatrice de son art : « Le théâtre n’a pas de forme donnée, il est possible – et même nécessaire – de le réinventer ,. dit-il.

Lare-création du spectacle qui l’avait alors marqué, sous une forme différente, en s’associant au metteur en scène de la pièce initiale et en faisant revenir deux des comédiens d’origine, est l’occasion pour le plasticien de heurter le souvenir à la fidélité de la mémoire. Des surcouches et des lambeaux de traces s’effritent ou gonflent à travers le temps ; ce qu’il reste d’images chez Bory se confronte à ce qu’il subsiste chez :Materic, lui-même portant un regard à fortiori différent dorénavant. A partir des décors du spectacle d’origine, que Materic avait gardé, le spectacle double la lecrure possible : en reprenant d’une part le questionnement – du spectacle d’origine – du temps qui passe, du milieu de vie et des choix de l’individu, des évaporations des espérances et de la persistance des idéaux, mais en le doublant d’autre part du prisme d’une récréation 25 ans ans après, anamorphosant alors l’oeuvre de départ et y en ajoutant la question de l’altération du souvenir, de l’imprégnation d’images et de la disparation d’autres, Bory et Materic offre une oeuvre à la narration poétiquement évaporée, brouillée par les volutes de  l’impuissance de l’individu face au temps et par l’entêtement et la pérennité d’instants clefs, au rythme de la vie, dessinés ici en fragments d’images et de tableaux à la renversante beauté, où les balles de ping-pong s’accumulent en guise de neige, où les murs coulissant modifient sans cesse les espaces et la perception du temps, doublée de projections vidéos qui superposent les époques …

« Vulnerant omnes, ultima necat » dit~on. Pas chez Bory, où chaque heure qui passe donne à imaginer la précédente, et où la suivante n’est jamais la dernière.

Rick Panegy

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Médéa Mountains

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Médéa Mountains, bouleversant tombeau pour la soeur

Par Caroline Chatelet - 10 mars 2020

Médéa Mountains est porté – et chanté – avec puissance et sincérité par Alima Hamel. Il y a une beauté poignante autant dans sa présence concrète, dans ses chants mélodieux en algérien ou en français touchant aux entrailles, que dans la fluidité de l’ensemble.

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Aussi modeste formellement que poignant par l’indicible de son propos, Médéa Mountains est porté – et chanté – avec puissance et sincérité par Alima Hamel.

Une petite lampe rouge tenue dans le creux de ses mains illuminant son visage et projetant l’ombre de celui-ci sur le grand écran de papier blanc situé en fond de scène – le reste du plateau étant plongé dans l’obscurité –, Halima Hamel nous regarde. « J’ai vingt-deux ans. Je viens de perdre ma sœur morte de mort violente. » Ces deux phrases brèves, tranchantes, les premières de Médéa Mountains, la chanteuse, musicienne et poétesse les prononce après quelques mesures d’un chant pur, à la beauté saisissante.

Seule en scène sur un plateau nu seulement occupé par l’écran où va progressivement être dessiné le territoire de Médéa, Alima Hamel va, ainsi, en alternant chants et récits, raconter l’histoire de sa famille. Celle de sa sœur, de ses sœurs, la sienne, aussi. Très simplement, elle va convoquer ses souvenirs, de son enfance à Nantes à leurs vacances en famille à Médéa, petite ville située dans une région montagneuse d’Algérie au sud-ouest d’Alger, et dont ses parents sont originaires. Soutenue par une création musicale subtile (signée par Adrien Maury) en ce qu’elle épouse le rythme du récit – passant de séquences très douces, ténues, en sourdine, à d’autres plus envahissantes, puissantes comme les émotions évoquées – Alima Hamel égrène l’histoire familiale. Une histoire dont nous ne saurons pas tout, avec ses trous et ses oublis, mais qui dit l’essentiel : l’itinéraire des cinq sœurs, et la manière dont chacune composera ou pas avec les vues que leurs parents ont pour elles. Car tout comme l’union du père et de la mère est le fruit d’un mariage arrangé, les filles découvrent être destinées à rester à Médéa afin d’y fonder une famille. Avec ce basculement, la petite ville autrefois associée aux vacances insouciantes et joyeuses devient synonyme d’un enfermement à perpétuité.

Ces destins forcés, auxquels toutes se refusent, mais que seules deux réussiront à éviter – dont Alima, la benjamine – ne seront pas le seul drame affectant la famille. Aux tragédies intimes s’ajoutent celles liées au contexte politique : la « décennie noire », soit la guerre civile qui opposera le gouvernement algérien à divers mouvements islamistes de 1991 en 2002. Si l’assassinat de l’une des sœurs ne fait que parachever la dislocation de la famille d’Alima, il sonne aussi comme un double crime de la part des parents. Coupables d’avoir imposé une vie qu’elles ne désiraient pas à leurs filles, ils ont condamné l’une d’elle à une mort atroce.

Dans un jeu direct et d’une grande justesse, Alima Hamel raconte l’atomisation de sa famille, l’impact de cette tragédie sur sa vie personnelle – son choix de devenir chanteuse est lié à celle-ci – et le lent cheminement l’amenant à désirer en savoir plus sur la mort de sa sœur. Avec de simples gestes – quelques lettres tracées sur l’écran de papier, le recours à un théâtre d’ombres lorsqu’elle passe de l’autre côté dudit écran –, l’artiste transmet avec sobriété cette histoire. Il y a une beauté poignante autant dans sa présence concrète, dans ses chants mélodieux en algérien ou en français touchant aux entrailles, que dans la fluidité de l’ensemble. Accompagnée pour la création de ce spectacle par le circassien Aurélien Bory à la mise en scène et à la scénographie et Charlotte Farcet à la dramaturgie, la chanteuse et musicienne fait plus que livrer un témoignage émouvant. Tombeau pour la sœur disparue, Médéa Mountains se révèle également un puissant geste de résilience. Un geste bouleversant porté par un dispositif scénographique qui avec modestie mais efficacité donne corps au double mouvement à l’œuvre : le dessin des liens souterrains entre géographie réelle, familiale, et géographie des souvenirs.

Caroline Chatelet

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aSH

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Montpellier danse : Aurélien Bory célèbre la danse indienne et son dieu Shiva

Par Ariane Bavelier - 29 juin 2018

Le spectateur gardera longtemps ancré en lui le choc splendide de ce à quoi il vient d'assister.

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NOUS Y ÉTIONS – Petite silhouette vive et forte, Shantala Shivalingappa, avec une grâce de gazelle, « incarne Shiva qui permet au monde de se manifester et à l’espace de danser », note Aurélien Bory.

Aurélien Bory a un hobby assez rare qu’il pratique à côté de son activité de chorégraphe et metteur en piste: il est portraitiste. En dix ans, il a signé trois portraits de danseuses. Stéphanie Fuster s’est vue immortalisée en danseuse de flamenco, Kaori Ito en marionnette japonaise.

À Montpellier Danse, il vient de créer aSH le portrait de Shantala Shivalingappa. Est-elle bénie des dieux? La jeune indienne, qui travaille entre Paris et Madras où enseigne son maître de kuchipudi, a effectué une trajectoire dans le monde du spectacle. Débuts chez Peter Brook, suite chez Bartabas puis chez Pina Bausch avant de tourner en électron libre. «Sa danse effectue un balancier perpétuel quelque part entre mystique hindoue et physique quantique», écrit le chorégraphe. Avec elle, Aurélien Bory touche au sacré. Les Bayadères nous l’ont appris. La danse indienne a partie liée avec le cosmos et les dieux. Shiva a construit le monde en dansant.

Les créations d’Aurélien Bory ont ceci de particulier qu’il y applique la rigueur mathématique qui a présidé à ses années de formation. Il choisit un principe et le mène dans ses extrémités. L’idée ici est de croiser l’histoire des mathématiques qu’on pense être nées en Inde, avec le kolam, dessin de bienvenue pratiqué par les femmes qui laissent de la poudre de riz s’écouler sur le sol en dessinant des motifs. Offrande au jour naissant, rituel de sanctification et invitation aux divinités, le kolam se construit à partir de formes géométriques qui se transmettent de mère en fille. Bory a rêvé qu’elles soient réalisées avec des cendres, d’où le titre de sa pièce. La cendre est un engrais et, en Inde qui pratique la crémation et l’agriculture, un signe du cycle des réincarnations.

Un labyrinthe de cercles

Petite silhouette vive et forte, Shantala Shivalingappa, avec une grâce de gazelle, «incarne Shiva qui permet au monde de se manifester et à l’espace de danser», note Aurélien Bory. La monstration qui accompagne ce principe est d’une infinie beauté et se déroule sur des percussions qui roulent du souffle à la tempête. Dans la scène baignée de nuit, Shantala apparaît de dos devant l’image d’une porte marquetée qui se fend et se reforme. Sa danse permet que la porte se fasse vague, habitée du souffle des cieux. La vague claque, se gonfle, ondule dans de grands claquements et la danseuse poursuit son invocation, tendue, déterminée sans se laisser impressionner par le tonnerre qu’elle suscite et qui gronde sur ses talons. La vague se couche au sol.

Avec un énorme pinceau de calligraphe qu’on croirait sorti de l’atelier de Fabienne Verdier, Shantala trace au sol un labyrinthe de cercles, sur lequel elle saupoudre de la cendre. Elle danse sur ce tapis où ses pas impriment des signes, rosaces dessinées au rond de jambe, fleurs ciselées avec la bascule des pieds, points façonnés par des tours. Le dessin du kolam est tendu à la verticale, la poudre tombe au sol dans laquelle Shantala danse encore, dessin horizontal en miroir du dessin vertical. Et l’air tremble du fracas des percussions.

Le rituel est accompli. Shiva le terrible s’en est allé. La danseuse redevient petite créature fragile et épuisée, tapie sous le dessin du kolam, immense feuille de papier kraft froissée. Mais le spectateur gardera longtemps ancré en lui le choc splendide de ce à quoi il vient d’assister.

Ariane Bavelier

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mediapart

aSH, les mille vies de Shantala Shivalingappa joliment chorégraphiés par Bory

Par Olivier Frégaville-Gratian d'Amore - 28 juin 2018

Mêlant avec habileté leurs univers, chorégraphe et interprète invitent à un voyage permanent entre culture ancestrale et technologie innovante, entre feu et glace, entre occident et orient.

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Corps fluet, gestuelle aérienne, exécutée avec une précision chirurgicale, Shantala Shivalingappa invite avec une grâce infinie à remonter le fil de son histoire singulière autant que plurielle. Réécrit par les talents de poète d’Aurélien Bory, le récit de cette vie, entre tradition et danse contemporaine, envoûte les sens et entraîne les spectateurs dans une balade aux confins du réel. Magique !

Dans la pénombre, un faisceau orangé éclaire le percussionniste Loïc Schild. Avec dextérité, il caresse ses instruments, fait chanter de douces litanies rappelant, vaguement quelques musiques indiennes, quelques sonorités rituelles. Le temps semble suspendu. Imperceptiblement une lumière feutrée, chaude, fait apparaître au centre du plateau, une silhouette gracile, immobile, dont on ne distingue qu’une longue natte de cheveux noir jais. Elle semble lointaine, absente.

Puis c’est le chaos, un immense fracas rompt la fragile harmonie. Des coulisses, une tempête gronde réveillant un vent puissant, gonflant l’immense bâche sombre qui sépare le devant, du fond de scène, faisant trembler le décor. Droite, hiératique, Shantala Shivalingappa fait front. Tel le dieu Shiva impassible, bien calme avant de réveiller sa colère destructrice, salvatrice, face au souffle forcené annonciateur de la mousson, elle ne plie pas, ne rompt pas. Elle attend son heure pour prendre le dessus sur ces éléments furieux qui viennent perturber sa méditation.

Lentement, elle s’anime, enchaînant avec une netteté, une exactitude, une précision d’orfèvre, quelques mouvements empruntés au kuchipudi, danse traditionnelle indienne, qu’elle étudie avec assiduité depuis son plus jeune âge. Chaque geste révèle l’élégance, la délicatesse, la technicité parfaite de l’interprète aussi à l’aise dans l’exécution de pas de danse rituelle que dans ceux contemporains, écrits pour elle par Pina Baush, notamment.

Né de l’union entre un ancien étudiant en physique reconverti dans la chorégraphie circassienne, et une fascinante artiste oscillant entre tradition et danse contemporaine, aSH vient clôturer la trilogie de portraits de femmes d’Aurélien Bory, initiée, il y a une dizaine d’années, après sa rencontre avec Stéphanie Fuster, puis continuée avec Kaori Ito. Mêlant avec habileté leurs univers, chorégraphe et interprète invitent à un voyage permanent entre culture ancestrale et technologie innovante, entre feu et glace, entre occident et orient.

Scénographe inventif et talentueux, Aurélien Bory offre à Shantala Shivalingappa un écrin sobre et contemporain où vient se nicher en filigrane les principaux attributs du dieu Shiva, tels les serpents grouillants sous la toile effondrée, ainsi que les rites immémoriaux des femmes dessinant dans la terre – cendre ici- des motifs de bienvenue.

Si aux premiers abords, le solo peut sembler froid, clinique, la présence scénique lumineuse de la danseuse, sa virtuosité hypnotique, les effets sonores et visuels, emportent tout et donne à ce parcours de vie, à cette évocation fascinante, une profondeur, une force terriblement envoûtante. Une balade magnétique hors du temps.

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore

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Compagnie 111: aSH review – godlike serenity and transcendent movement

Par Lyndsey Winship - 28 janvier 2022

Kuchipudi dancer Shantala Shivalingappa is hypnotically precise in a piece about renewal and transformation inspired by the Hindu god Shiva

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The Hindu god Shiva is an inspiration for aSH, and Indian kuchipudi dancer Shantala Shivalingappa has a presence so self-possessedly serene as to qualify as godly. Her stillness goes deep, but even when she’s moving there is hypnotic constancy in her circling limbs. Long arms stretch into precision-cut angles but she doesn’t slash or slice the air, it’s more like the air silently parts to make way for her.

 

Shivalingappa’s remarkable quality of movement has led her to be a muse for Peter Brook, Pina Bausch, Maurice Béjart and now French director Aurélien Bory, who has conceived this solo that Shivalingappa herself choreographed. The dancer is not entirely alone on stage. There’s percussionist Loïc Schild conjuring gentle tremolos and ominous rumbles, and there’s the set, designed by Bory, which is a character in its own right.

A vast sheet of thick metallic paper hangs behind Shivalingappa, the scene coloured a shadowy bronze. The paper begins to ripple and billow, launching forward like a giant beast or wave, threatening to engulf her. Yet it’s entirely possible to believe that Shivalingappa is silently controlling the forces around her.

 

The sheet becomes an instrument, Schild rhythmically rapping his fingers on it; it’s also a cocoon and a canvas, where Shivalingappa draws circles with what’s essentially a giant pastry brush and then scatters ash across the surface, tracing rings in the dust with her feet. An image is slowly revealed, like a rising sun or a powerful vortex, something mighty and beautiful. aSH is a story of constant transformation and renewal, of destruction and creation, of life’s circularity, and there’s Shivalingappa, without forceful presence or exertion, at the core of all this visual wonder.

Lyndsey Winship

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Shantala Shivalingappa dialogue avec les cendres

Par Rosita Boisseau - 21 février 2019

Impressionnant, terriblement magnétique par la puissance suggestive et sans cesse renouvelée de sa scénographie, aSH irradie à partir d’un noyau dur : Shantala Shivalingappa.

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Le thème était tout trouvé. En créant aSH, impressionnant portrait en creux de la danseuse Shantala Shivalingappa, le metteur en scène Aurélien Bory n’a pas cherché longtemps son sujet. Dans Shivalingappa, comme il le précise dans le programme du spectacle, il y a Shiva, dieu de la danse et de la mort dans les mythologies indiennes, divinité des champs de bataille et de crémation, qui crée autant qu’il ravage, le corps couvert de cendres et portant un collier de têtes de mort.

 

aSH donc, pour Shantala, Shiva et cendres (« ashes » en anglais). A l’affiche jusqu’au 1er mars, de La Scala Paris, ce solo, au goût somptueusement âcre, soutenu en direct par le percussionniste Loïc Schild, est le troisième et dernier chapitre d’une collection consacrée depuis 2008 par Aurélien Bory à des danseuses-chorégraphes. Le directeur de la compagnie 111, adepte des scénographies massives, allège momentanément son propos centré sur l’espace en se consacrant à une seule personne.

 

En 2008, la flamenca Stéphanie Fuster lançait la série avec le délicat et

épuré Questcequetudeviens ?, puis, quatre ans plus tard, c’était le tour de la Japonaise Kaori Ito qui bataillait dans une forêt de cinq mille fils pour Plexus (2012). Les deux spectacles sont encore en tournée. « Chaque pièce réalisée en collaboration avec un autre artiste donne une

forme à notre rencontre », résume Bory. Chaque solo livre une vision fantasmée, libre projection du metteur en scène sur l’interprète.

 

Shantala Shivalingappa, experte en kuchipudi, style traditionnel né au XVe siècle dans l’État de l’Andhra-Pradesh, au sud de l’Inde, est Shiva. Toute en noir, à l’exception d’un bracelet de minuscules brillants, elle surgit des ténèbres comme un éclair de chaleur zèbre la nuit, appelle la matière et la dompte. Une immense vague sombre gonfle et grimpe de plus en plus haut à l’assaut de la scène, s’arrêtant pile au dos de sa silhouette mince qui semble lever la tempête et la stopper comme bon lui semble. Cette étrange figure de proue trop tranquille pour ne pas être définitivement dominante est la maîtresse des éléments, jouant les déclencheurs et les paratonnerres, rythmant la lumière au tempo de ses mouvements et des percussions de Loïc Schild qui martèlent l’air.

 

Une gestuelle fulgurante

Impressionnant, terriblement magnétique par la puissance suggestive et sans cesse renouvelée de sa scénographie, aSH irradie à partir d’un noyau dur : Shantala Shivalingappa. Elle déploie une énergie phénoménale face au déchaînement du plateau qui se fait et se défait comme un cycle toujours en cours de création et de destruction. L’ombre définitive gagne, le raz-de- marée visuel et sonore continue de balayer la scène au diapason de la fureur cosmique de Shiva qui trouve ici une incarnation surprenante, à la fois tribale et technoïde, concrète et abstraite. La transformation des formes et des matières entretient une illusion

permanente. « Pour moi, le rapport à l’espace est proche de notre rapport à la mort, raconte souvent Bory. Il est vivant et raconte notre désir de sublimation. » Avec aSH, la métaphore opère à plein.

 

Avec aSH, Shantala Shivalingappa, 43 ans, a aiguisé un profil sombre qu’on ne lui connaissait pas

Entre tradition et contemporain, interprète de Maurice Béjart lorsqu’elle avait 13 ans, puis de Peter Brook, Bartabas, Pina Bausch, Shantala Shivalingappa contient la masse scénique. Sa gestuelle, qui trouve son énergie dans des pliés longs et profonds, est fulgurante. Elle décoche certains gestes des bras comme on tire à l’arc. Ses poignets se retournent comme on ponctue sec une phrase tandis que ses mains aux index pointés découpent l’air ou en activent rondement les turbulences. Paradoxe ambulant que cette danse graphique et ondulante ourlée d’une foule de détails rythmiques. Quant aux cercles tracés du bout de l’orteil dans le tapis de cendres par Shantala Shivalingappa, on les contemplerait pendant des heures. Son coup de compas est tout bonnement sublime.

 

Avec aSH, Shantala Shivalingappa, 43 ans, a aiguisé un profil sombre qu’on ne lui connaissait pas. Généralement solaire, souriante, joyeuse jusqu’à se lancer tête la première dans une comédie musicale sur l’air du Rêve bleu d’Aladdin pour Play (2010), avec Sidi Larbi Cherkaoui, elle illumine la scène. Elle trouve au contact d’Aurélien Bory et de son « théâtre physique » l’occasion d’explorer une autre facette de son talent plus proche de celui de la magicienne, de la sorcière, figure qui opère un retour en force depuis quelques années sur les plateaux chorégraphiques. Dans aSH, Shantala Shivalingappa dialogue avec les cendres jusqu’à en avoir plein la bouche. Luttant avec les éléments, comme avant elle Stéphanie Fuster dans l’eau et Kaori Ito au milieu des fils, elle conclut avec une grâce guerrière la trilogie de ces portraits de femmes qui dansent au cœur d’un cyclone.

Rosita Boisseau

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Shantala Shivalingappa, un entre-deux divin

Par Philippe Noisette - 15 février 2019

Des images renversantes, comme cette vague de papier, ces dessins au sol ainsi qu'un dialogue permanent entre la danseuse et le musicien Loïc Schild font de cette chorégraphie un tableau vivant.

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Qu’elle danse sur du Bach ou des percussions indiennes, Shantala Shivalingappa semble à sa juste place. En rythme. Son parcours est un voyage au pays du mouvement, de Pina Bausch à Aurélien Bory, de Ushio Amagatsu à Sidi Larbi Cherkaoui. Tout a commencé dans les pas de sa mère, la danseuse Savitry Nair. Shantala danse alors sans le savoir, sans penser que ce sera sa vie.

Née à Madras mais ayant grandi à Paris, elle excelle dans cet entre-deux. L’Inde et l’Europe, le classique Kuchipudi et le contemporain. À l’âge de 13 ans, elle se retrouve sur la scène du Grand Palais dans le spectacle hommage de Maurice Béjart à la Révolution française. Shantala Shivalingappa représente l’Inde presque toute seule, le temps d’un solo de dix minutes. De quoi vous donner des sueurs froides. Mais l’interprète est du genre à garder la tête sur les épaules.

Elle a travaillé avec Peter Brook ou Bartabas.

Puis il y aura la rencontre avec la chorégraphe allemande Pina Bausch, un des grands chocs de sa vie d’artiste. Shantala Shivalingappa n’hésite pas une seconde à intégrer cette famille de danse. S’ensuivent la reprise du Sacre du printemps ou des créations comme Nefès ou Bamboo Blues. Beaucoup découvrent alors la grâce irréelle de Shantala. Formée à la rigueur de la danse traditionnelle indienne, elle impose une présence certaine :  jeu du regard, virtuosité des pieds, ondulation des bras. On comprend la fascination que la soliste exerce sur des créateurs comme Sidi Larbi Cherkaoui (Play) ou aujourd’hui Aurélien Bory. Ce dernier a croisé Shantala Shivalingappa en Allemagne le temps d’un festival commencé par… Pina Bausch. Le monde est définitivement petit. Dix ans plus tard, ils partagent enfin l’affiche. Shantala sur scène, Bory à la mise en scène. « Avec ‘aSH’, Shantala Shivalingappa danse au-delà d’elle-même. Dans un dispositif de cendre et de vibrations, elle incarne Shiva qui permet au monde de se manifester et à l’espace de danser », résume Aurélien Bory, qui clôt ainsi sa trilogie de portraits féminins. Créé cet été durant Montpellier Danse, aSH a soulevé l’enthousiasme du public. Des images renversantes, comme cette vague de papier, ces dessins au sol ainsi qu’un dialogue permanent entre la danseuse et le musicien Loïc Schild font de cette chorégraphie un tableau vivant. Shantala Shivalingappa y déploie la vaste étendue de son talent : « Sa danse effectue un balancier perpétuel, quelque part entre mystique hindoue et physique quantique », s’émerveille Aurélien Bory. Pour le dire plus simplement, un miracle de poésie en mouvement.

Philippe Noisette

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Toute la grâce du monde

Par Emmanuelle Bouchez - 09 janvier 2019

Grâce à son art inspiré du kuchipudi, Shantala Shivalingappa envoûte la salle.

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Une gestuelle aérienne, une expressivité inouïe: Shantala Shivalingappa éblouit autant dans la danse indienne que contemporaine. Elle a séduit les plus grands, de Pina Bauschà Sidi Larbi Cherkaoui.

 

« Son nom, Shantala Shivalingappa, sonne comme une scansion musicale, voilà pourquoi j’ai voulu créer un spectacle avec elle! » répète avec humour le metteur en scène Aurélien Bory, qui vient de composer pour la danseuse un beau portrait scénique. Dans le aSH, on la découvre d’abord de dos, tout en noir, corps arc-bouté comme le dieu Shiva, jambes pliées à angle droit semblant fichées en terre pour l’éternité. Elle est aux aguets. Et son énergie de guerrière, sa gestuelle calligraphiée chevauchent bientôt la violence des percussions. Grâce à son art inspiré du kuchipudi – danse·théâtre du sud de I’Inde dont les racines plongent dans l’hindouisme-, Shantala Shivalingappa envoûte la salle.

Au lendemain d’une fracassante première au festival Montpellier danse, elle nous attendait au calme. Son élégance de femme fine aux longs cheveux de jais contrastant avec la puissance inouïe décochée la veille, sur scène. Et plus la conversation avance, plus la sagesse transparait… Sa carrière de danseuse chorégraphe fêtée en Europe comme à New York, où elle reçut, en 2013, un Bessie Award. Elle l’envisage à 42 ans comme «un chemin de vie au fil duquel je coule… ». Née à Madras (actuelle Chennal) mais élevée à Paris, elle fut initiée aux danses traditionnelles indiennes par sa mère, danseuse de bharata natyam et de kuchipudi ayant découvert Maurice Béjart en 1968, et amie de Pina Bausch. Dès l’âge de 15 ans, la jeune fille file chaque été à Madras dans l’académie du maître de sa mère, gourou dès les années 1950 du renouveau kuchipudi. D’abord séduite par l’aspect «explosif» de ce Style, Shantala Shivalingappa l’aborde comme une sprinteuse. Mais lors des intensifs séjours en Inde, elle

cultive aussi la grâce aérienne et sensuelle de cet art codé – soixante-quatre signes, rien que pour la main ! Aujourd’hui, elle en assume la fonction révélatrice: «Cette danse transcende la vie humaine et célèbre le divin en chacun de nous.»

Mûrissant entre deux cultures, elle a vite fréquenté la scène contemporaine. Peter Brook repère en 1990 ses capacités expressives et fait d’elle une très jeune Miranda dans La Tempête … Pina Bausch lui propose d’intégrer sa prochaine création. Quand elle débarque dans 0 Dido, fin 1998, elle a 22 ans: «J’étais perdue, je me suis laissé porter. Ma seule assurance était la confiance totale que j’avais en Pina. J’ai toujours appris en observant et en reproduisant. Alors j’ai appliqué la méthode, fascinée par les processus d’improvisation, le soin du détail et l’élan, si visibles chez Pina, qui travaillait avec son cœur. » Elle a participé au Sacre du printemps de la chorégraphe allemande et illuminé, la saison dernière, la reprise de Nefé. « Tous les moments vécus avec les danseurs du Tanztheater m’habitent quand je danse, même le kuchipudi. »

Shantala Shivalingappa aime passer d’une rive à l’autre. Les chorégraphes ne s’y trompent pas. Le Japonais Ushio Amagatsu, pilier de la danse buto, lui a écrit, en 2007, un solo. Elle y a découvert la lenteur. Avec l’Anversois Sidi larbi Cherkaoui, elle développe dans Play un dialogue d’une douceur infinie. Shantala Shivalingappa a le talent de l’échange : la danse la lie aux autres comme au monde.

Emmanuelle Bouchez

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La danse imagée d’Aurélien Bory

Par François Delétraz - 15 février 2019

On sort de la pièce émerveillé par tant de féerie et de poésie.

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Derrière Aurélien Bory le chorégraphe se cache un grand plasticien. Dans tous ses spectacles, la force de l’image est aussi importante que celle du geste. Chacun peut ainsi laisser son imaginaire s’y perdre, au-delà des frontières, des écoles et des formats. aSH, sa dernière pièce écrite pour la danseuse indienne Shantala Shivalingappa, ne déroge pas à la règle. Venue d’un pays et d’une culture où la danse et le sacré sont liés comme des jumeaux, elle incarne une symbiose unique qui a fasciné le chorégraphe. En effet, après une formation auprès d’un maître de kuchipudi, une danse traditionnelle indienne, Shantala Shivalingappa est passée chez Peter Brook et Pina Bausch.

Pour elle, Bory a imaginé un dispositif où les éléments de fond de scène et de plateau se mêlent. Tandis qu’une immense toile se déploie d’abord au sol puis dans les airs, Shantala officie, frêle comme une petite chose perdue au milieu des éléments dont elle finit par prendre possession. Il faut, pour bien profiter de la mise en scène, être assis en hauteur : on peut voir sur les planches des motifs dessinés avec de la poudre blanche, rappelant les géoglyphes découverts au Pérou.

Bory explique dans sa note d’intention du programme qu’il s’agit en fait de cendre, matière très importante dans les rites hindous.

Mais a-t-on vraiment besoin de lire ces notes pour voir ce spectacle ?

Pas sûr. Sa puissance poétique est telle que chacun peut l’appréhender sans idée préconçue et se faire son propre mode d’emploi, sa propre perception, son propre ressenti. Qu’il y soit question de sacré ou de profane, au fond peu importe : on sort de la pièce émerveillé par tant de féerie et de poésie.

 

François Delétraz

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L’espace Furieux

corps noir

Espæce

abcdesevilla

La pared lectora de Aurélien Bory

Par Marta Carrasco - 16 janvier 2019

Es un espectáculo en tres dimensiones, con ese sentido integral que le da Bory a sus creaciones y que las convierten en algo mágico.

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El teatro Central ha comenzando el año poniendo el listón muy alto con el estreno en España de ESPÆCE, una palabra que según su creador, Aurélien Bory, no tiene ningún significado y que está inspirada en el libro de Georges Perec, «Espéces d’espaces» (Especies de espacios).

Cinco años hacía que no estrenaba sus obras en el Central el creador francés. La última ocasión fue en 2014 con la obra «Plexus» acompañando a la bailarina japonesa Kaori Ito.

Para esta pieza, que estrenó en el Festival de Avignon en 2016, Bory ha reunido en escena a un actor, una cantante, una contorsionista, un bailarín y un acróbata, que conforman un universo asombroso, con una armonía que parecería a priori, no existir.

El concepto físico del espacio que trata el libro de Georges Perec ha sido siempre fuente de inspiración. En el año 2015 el MACBA de Barcelona realizó una exposición titulada «Especies de Espacios», y en mayo de 2016 el texto de Perec también inspiró la exposición del Centro Andaluz de Arte Contemporáneo de Sevilla, «Coleccionar, clasificar. Más allá del archivo y el documento».

El montaje es fascinante. Al inicio los artistas conforman con libros que crean letras una frase: «Vivir es pasar de un espacio a otro tratando en la medida de lo posible, no golpearse». Claire Lefilliâtre canta a capella una pieza de Shubert; el genial Olivier Martin Salvan interpreta a Perec de niño y a su madre, en una escena casera, hasta que ella salva a su hijo pero no se reúne con él. La escena es hilarante y brillante, y también angustiosa.

La pared del escenario se mueve con un ruido atronador, chirría, se convierte en un libro abierto, que aparece luego plagado de libros; por este muro sale la contorsionista, recorre el bailarín y escala el acróbata peligrosamente. El gran muro también es un intérprete más. Es un espectáculo en tres dimensiones, con ese sentido integral que le da Bory a sus creaciones y que las convierten en algo mágico. Magnífico comienzo de año en el Teatro Central de Sevilla.

Marta Carrasco

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Perec, de la page au plateau : mode d’emploi

Par Rosita Boisseau - 21 juillet 2016

Une lecture hybride et féconde qui irise le plateau de signes et de sens

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A l’Opéra d’Avignon, Aurélien Bory offre une lecture flexible et féconde de l’essai « Espèces d’espaces » 

Ecrire, lire, mettre en scène. Signer l’espace, y tirer des lignes, en feuilleter les couches comme on déroule des pages. Ce rapport intime entre texte et spectacle révèle un double fond magique de la nouvelle pièce pour cinq interprètes d’Aurélien Bory, Espæce, conçue sous l’emprise de Georges Perec (1936-1982) et en son hommage.

En s’adossant à l’oeuvre de l’écrivain français, et en particulier à son essai Espèces d’espaces – d’où le titre de la pièce qui superpose les deux mots -, le metteur en scène à déniché un complice de choix pour soutenir son addiction aux scénographes lourdes, vécues comme des métaphores philosophiques de la vie. Tout est affaire de décor, à prendre ici au pied de la lettre pour le corps happé dans une course permanente à la réactivité et à l’adaptation. Sauf à être éjecté rapidement du circuit, mieux vaut aiguiser sa capacité quotidienne à la flexibilité pour lancer l’assaut des environnements phénomènes, massifs et insolites (hautes murailles, robot géant…) imaginés par Aurélien Bory.

Un alphabet élastique

Un immense tableau noir, des pages blanches, et voilà que les lettres et les mots se propulsent les uns les autres dans un flux textuel et visuel qui s’annonce inépuisable. Espæce ouvre un livre qui grossit, grossit, jusqu’à coloniser toute la scène. Proposant ainsi une lecture hybride et féconde qui irise le plateau de signes et de sens. Paysage mental et architecture théâtrale s’imbriquent et coulissent au gré d’une haute paroi mobile qui se plie et se déplie comme un accordéon, composant un alphabet élastique et un ballet de formes tout aussi souple. Peu d’issues de secours à cette structure évolutive, quasiment animée d’une existence propre, qui se reconfigure sans cesse. Tantôt douce comme un habitacle, tantôt agressive comme un piège – des angles aigus comme ceux du Musée juif de Berlin conçu par l’architecte Daniel Libeskind subissent -, elle contient tout et son contraire, d’un simple tour sur elle-même.

Dans ce labyrinthe qui se teinte parfois d’une touche burlesque absurde, les cinq acrobates, dont une chanteuse, s’escriment à rivaliser avec les glissements de terrain et autres bascules de caps aussi rapides que les roulettes sur lesquelles est vissée la muraille. Les exploits modestes – s’allonger – se combinent avec les grandes prouesses – grimper tout en haut -, l’acrobatie étant le minimum syndical exigé pour dégainer des réponses rapides et efficaces à des situations physiques inédites, des épreuves de force à la limite du danger. Car l’objet, le décor, domine les interprètes et dicte toujours sa loi chez Aurélien Bory, ancien étudiant en physique et en acoustique architecturale, passé par le jonglage, à la tête de la Compagnie 111 depuis 2000. Il sait combien la balle ou la massue n’en font qu’à leur tête et retombent sans cesse, quoi qu’on fasse. A charge pour chacun de s’ériger une règle et prendre momentanément le dessus d’une partie perdue d’avance.

Tête à l’envers et tout de travers

Avec Espæce, Aurélien Bory revendique frontalement sa ferveur pour la scénographie comme socle artistique autour duquel l’humain joue les guirlandes en haut, en bas, tête à l’envers et tout de travers. Le cours du fleuve de la vie se déploie tout au long des métamorphoses de cette architecture imprévisible.

Très plastique dans sa progression, Espæce n’est pas loin de Plan B, conçu en 2003 avec Phil Soltanoff, et succès absolu depuis sa création. Le mur d’attaque incliné s’y révélait plein d’escaliers cachés, de chausse-trappes amovibles et autres tiroirs masqués. Le mythe de Sisyphe rôde toujours dans un coin du plateau chez Aurélien Bory, qui aime les champs imaginaires surdimensionnés pour lancer l’assaut comme on attaque un sommet. Géométrie de caoutchouc (2011) plantait un chapiteau sous le chapiteau et finissait par engloutir les acrobates ; Les Sept Planches de la ruse (2007) raffinait un équilibre merveilleusement précaire dans un jeu de tangram chinois.

Avec Georges Perec en complice, Aurélien Bory, qui fréquente son oeuvre depuis une dizaine d’années, a d’abord lancé en 2015 une série de trois Brouillons, sortes de galops d’essai vifs et légers, réalisés en une semaine, qui ont posé les piliers d’Espace. Il a voulu aborder la question fondamentale du vite, psychique et spatial, qui se comble peu ou prou, volontairement ou pas, au file de la vie et de la création. Si l’écrivain a travaillé, entre autres, autour de la disparition – de la lettre « e » par exemple, dans le roman précisément intitulé La Disparition -, Bory, lui, remplit le plateau en creusant les intervalles, dilatant les creux, les failles, pour y faire vibrer momentanément la fragilité humaine. Il cite cette phrase de Georges Perec : « Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner ».

 

Rosita Boisseau

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Aurélien Bory apprivoise les espaces

Par Emmanuelle Bouchez - 19 juillet 2016

Avec Espæce, Bory signe une oeuvre pleinement accomplie

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Avec “L’Espaece”, le metteur en scène et ses interprètes s’en réfèrent à Georges Perec pour s’approprier le monde.

Avignon 2016 ou l’édition des grands volumes… Après Het Land Nod du collectif anversois FC Bergman, où les acteurs sont confrontés aux hauts murs d’une salle de musée reconstituée, Aurélien Bory, scénographe-circassien-metteur en scène, fait entrer une haute muraille articulée sous les cintres de l’opéra d’Avignon. Mais là où les artistes belges parient sur les grands effets, Bory et sa troupe d’interprètes choisissent la finesse, le ténu, l’infime pour exister dans cette grosse machine et traduire leur appropriation sensible du monde.

Le sujet ? « L’espaece », contraction sémantique en référence au fameux essai de Georges Perec, Espèces d’espaces (1973-74, éditions Galilée), où l’écrivain fait de la perception de l’espace, plus encore que de celle du temps, la mesure de sa vie. « Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner… », écrit-il à la fin de l’avant-propos. Phrase qu’Aurélien Bory utilise d’une fort jolie manière dès le début du spectacle : la citation prend forme « à livre ouvert », au sens propre puisque que c’est en manipulant des bouquins blancs sur le fond gris du grand mur que tous composent la phrase lettre après lettre. Si Perec, dans son essai, rêve à la page comme à l’espace plane de son lit, ou à la surface verticale des façades d’immeubles aperçues lors de ses flâneries parisiennes, Bory, lui, s’autorise des déploiements tous azimuts dans le cadre de scène : en largeur, en hauteur, en volume…

L’homme fait l’espace

Il confronte ses cinq interprètes (deux femmes et trois hommes) à un gigantesque et sombre paravent mu par sa propre énergie qui grince-gronde quand il bouge. Rien de violent pour autant, les humains négociant au mieux avec « l’objet ». Il s’y frottent et en déjouent les pièges possibles. S’il faut s’aplatir nez contre terre pour que la muraille puisse passer au ras des fesses, le sympathique embonpoint d’Olivier Martin-Salvan ne s’y pliera pas… et la chose reculera ! C’est l’homme (l’espèce) qui fait l’espace nous disent Perec/Bory et tous les interprètes – y compris la cantatrice Claire Lefilliâtre qui, au pied du mur, vient chanter des amorces de lieder romantiques – finissent par y trouver leur place. En s’y lovant doucement, en s’y perchant comme des oiseaux.

Aurélien Bory cherche depuis toujours, entre cirque, danse et dispositif plastique, à apprivoiser la matière et les perspectives… Depuis le très réussi Plan B (créé en 2003) jusqu’à Sans objet (2009) – trop mécanique et moins convaincant – où il s’agissait de danser avec des minipelleteuses… Avec Espaece, il signe une œuvre pleinement accomplie. Où la beauté de l’installation – ce mur-éventail bénéficie d’une vraie personnalité recto-verso – s’accorde à la présence humaine d’interprètes facétieux (Salvan habitant ce monde en clown) ou risque-tout (Katell Le Brenn, Guilhem Benoît, Mathieu Desseigne-Ravel). Du coup, la poésie gagne de plus en plus de terrain dans sa rêverie scénique.

Emmanuelle Bouchez

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Les jeux de Georges Perec et du théâtre

Par Didier Méreuze - 17 juillet 2016

Un spectacle enchanté et enchanteur

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Magicien d’un théâtre qui conjugue tous les arts, Aurélien Bory traduit à sa manière Espaces d’espaces. Un spectacle enchanté et enchanteur.

Alignés en rang d’oignons devant un haut mur semblable à un immense tableau noir, ils lisent, s’interrogent, répondent, en silence, à des questions posées, à des ordres donnés. Forment des mots et des phrases qu’ils dessinent en un habile agencement des livres qu’ils tiennent à la main. Ils courent, glissent, dérapent, s’affalent, s’agrippent à des barres de métal descendues des cintres et qui les ballottent dans les airs, en perpétuel mouvement.

Ils s’appuient, se heurtent, se mesurent au grand mur du fond qui soudain avance, qui soudain recule, un coup bien droit, un coup de travers, reconfigurant en permanence le plateau. Ils le tournent, le retournent au terme d’ahurissants efforts acrobatiques. Lui donnent des allures piranésiennes, à la fois tour et bibliothèque Se suspendent à sa paroi, corps à l’horizontal au-dessus du vide, perchés comme des oiseaux.

De cri à réécrit…

Un coup, une femme s’adonne à des exercices de contorsion ; une autre, la seconde se met à chanter. Lui fait écho la voix aiguë d’un homme, enchaînant en même temps qu’il les mime, de grands airs mélos du répertoire lyrique, à mi-chemin entre parodie d’opéra et bel canto.

In fine, après une dernière apparition des interprètes en ombres sur fond d’éclatantes lumières sombre, tel une page blanche, un grand écran se couvrent de mots tapés par une machine à écrire descendue des cintres. On peut y lire, entre autres : « ERRE-CRI – ECRIRE – REECRIT ».

Un OTNI (objet théâtral non identifiable)

Ainsi s’achève Espæce, la dernière folie d’Aurélien Bory, inventeur patenté d’OTNI. C’est-à-dire des Objets théâtraux non identifiés, non identifiables, mais toujours magiques, entremêlant, en une suite délicieuse, toutes les disciplines qui peuvent se conjuguer sur un plateau – acrobaties, théâtre, chant, danse…

Accompagné de trois hommes (Guilhem Benoit, l’acrobate ; Mathieu Desseigne Ravel, le danseur ; Olivier Martin-Savan, comédien et chanteur) et de deux femmes (Katell Lebrenn, la contorsionniste ; Claire Lefilliâtre, la chanteuse), il s’est emparé du livre de Georges Perec, Espaces d’espèces(d’où le titre du spectacle, contractant les deux termes), non pour simplement en rendre compte, mais pour lui rendre vie à sa manière.

Sans chercher à l’adapter tel quel, page par page, il vise à restituer la structure, les pulsations, la respiration, l’esprit, défiant toutes les règles de la gravité et des équilibres pour donner la parole aux seuls corps entraînant jusqu’au vertige.

Un « ailleurs » enchanté

Dans une apparence de chaos et de désordre, sont mis en exergue, sur le double mode du puzzle et de l’interrogation intérieure, la remise en cause de l’espace tant physique que rêvé. Sont mis en abyme les mots, porteurs de réflexions existentielles sur le verbe, le livre, la mémoire ; sur l’« espèce » humaine, sa place, la trace, la béance, le vide, la disparition…

La représentation dure à peine plus d’une heure. On ne la voit pas passer, emporté dans un « ailleurs » enchanté. Pourtant, longtemps après avoir quitté le théâtre, une formule trotte toujours dans la tête : « Vivre c’est passer d’un espace à l’autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. »

 

Didier Méreuze

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Espæce

Par Agnès Santi - 30 août 2016

Un pari relevé avec maestria et sensibilité

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Aurélien Bory donne forme à une émouvante évocation théâtrale en reliant sur le plateau l’écriture et l’histoire de Georges Perec. Un pari relevé avec maestria et sensibilité.

Pour un créateur aussi audacieux qu’Aurélien Bory, qui conçoit le théâtre comme un art de l’espace, et se plaît à entrelacer divers champs artistiques – cirque, danse, théâtre… -, il n’est guère surprenant que Georges Perec soit devenu une infinie source d’inspiration. Aux affluents multiples et complexes. Embrassant toute la subtilité de cette écriture qui juxtapose – entre autres – veines fictionnelle et autobiographique, la réussite émouvante du spectacle provient de la volonté d’Aurélien Bory de fonder son travail sur les articulations et les échos entre l’écriture liée à diverses contraintes formelles et l’histoire tragique de l’auteur, jeune orphelin dont le père perdit la vie au combat et la mère mourut assassinée à Auschwitz. Une mort sans sépulture effacée comme des millions d’autres. Evitant l’écueil de l’illustration, Aurélien Bory réussit à construire une œuvre où la forme et le sens s’imbriquent et résonnent, une œuvre parfois profondément bouleversante où se croisent l’écrasant et l’infime, l’artisanal et le symbolique, sans oublier quelques traits d’humour. Il a pour cela observé « des motifs récurrents dans ses textes, tels que le vide, le trou, l’absence ou la trace, celle qu’on laisse mais aussi celle qu’on suit. »* Si l’essai Espèces d’espaces, qui répertorie en treize chapitres autant d’espaces différents, a constitué une excellente entrée en matière dans l’univers de Georges Perec, c’est toute l’œuvre de cet immense écrivain qui fonde cet opus patiemment réfléchi, qui fut précédé de plusieurs B(r)ouillons, présentations publiques de travaux en cours. « L’objet de ce livre n’est pas exactement le vide, ce serait plutôt ce qu’il y a autour ou dedans » note Georges Perec à propos d’Espèces d’Espaces.

Une machine théâtrale imbriquant la forme et le sens

L’œuvre s’intitule Espæce : un e en plus, une superposition d’espèce et d’espace comme pour marquer que l’espèce humaine habite ici l’espace scénique, dans une tentative artistique obstinée et ambitieuse. Hommage à l’auteur et au livre, objet qui emporte dans un riche imaginaire et aide à supporter le monde, la machine théâtrale se compose de quatre vastes pans de murs en mouvement qui se plient et se déplient, avalant les personnages au passage. Comme l’Histoire avec sa grande hache a englouti l’enfance de l’auteur. L’acrobate Guilhem Benoit, le danseur-équilibriste Mathieu Desseigne Ravel, la contorsionniste Katell Le Brenn, la chanteuse lyrique Claire Lefilliâtre et le comédien Olivier Martin Salvan unissent leur talent pour créer un puzzle mouvant à jamais inachevé, marqué par une conscience aiguë de l’absence et du vide, par une sorte de fébrilité implacable et toujours répétée. Cette course millimétrée semble être la proie d’un hasard risqué, imposant le défi permanent d’essayer de « ne pas se cogner », et culmine dans une scène magnifique, où la trace s’interrompt, où s’affiche le E (eux) des chers disparus – la lettre E est absente du roman La Disparition –, où s’élabore aussi un mots croisés poignant – Georges Perec fut un verbicruciste chevronné –, et où résonne un triste Kaddish désincarné. Grâce à l’espace d’invention du théâtre, Aurélien Bory donne vie à la scène en artiste accompli.

Agnès Santi

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Aurélien Bory, l’espace de l’espèce

Par François Delétraz - 16 septembre 2016

Visuellement, Bory dessine des tableaux marquants dans un clair-obscur parfaitement maîtrisé

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Aurélien Bory n’est pas du genre à s’asseoir des heures devant une feuille blanche à attendre l’inspiration ! Chez lui tout naît d’une idée forte, qu’elle soit esthétique ou intellectuelle. Chacun de ses ballets devient ensuite l’exploration de cette idée, qu’il triture, détricote et peaufine dans tous les sens. Dès lors, on ne sent jamais chez lui cette impression de vide que peut parfois donner la danse contemporaine.

C’est justement de ce vide dont il est question dans sa dernière pièce : Espæce, une des créations phares du dernier Festival d’Avignon. L’idée aurait germé à la lecture d’Espèces d’espaces de Georges Perec il y a dix ans. Aurélien Bory en a arpenté les lignes et les mots, et transpose aujourd’hui le projet de Perec sur scène: interroger notre environnement quotidien, la chambre, la maison, la rue et les murs qui nous cloisonnent. Espèces d’espaces, Bory l’a résumé en un mot Espæce. La superposition explique sa démarche scénique: remplir le vide. Au début, des lettres projetées sur le fond de scène, puis un immense mur qui va devenir une frontière sans cesse en mouvement.

Ce que Perec révélait de l’espace avec ses mots, Bory le restitue avec ses propres outils : lumières, décors et interprètes inouïs. Trois circassiens, une cantatrice et un comédien montent dans les cintres, se faufilent par une porte dérobée pour composer avec cet espace imposé, «sans jamais se cogner», sur une scène qui n’en finit pas de tourner sur elle-même. « Je cherche l’éphémère et l’éternel », confie le metteur en scène. Ses personnages eux aussi sont animés par un paradoxe: celui de vouloir préserver leurs jardins secrets tout en craignant de rester anonymes.

Visuellement, Bory dessine des tableaux marquants dans un clair-obscur parfaitement maîtrisé. Une surprise en amène une autre ; on passera donc sur quelques redites sans doute volontaires. Le public est sous le charme, heureux d’assister à une pièce originale, à mi-chemin entre théâtre et danse. Le propos est fin, sans pour autant être complexe. Que l’on recherche du divertissement, de la réflexion ou les deux à la fois, on peut y aller sans avoir lu le livre de Perec.

François Delétraz

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Aurélien Bory sulle tracce di Perec

Par Giuseppe Videtti - 04 octobre 2017

Nel teatro si rifà, si ricostruisce. E si dimentica. È arte viva, destinata a morire, a rinascete e rigenerarsi.

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LA VITA, lì fuori, scorre come un film muto. I finestroni dell’edificio industriale incorniciano lo spazio più caro a Aurélien Bory, nella città che culla le sue ardite sperimentazioni teatrali. La Compagnie 111 crea tra le mura del vecchio Théâtre de la Digue, concesso dalla municipalità di Tolosa a un intellettuale che di drammaturgia, filosofia, architettura e fisica ha fatto una sola arte. «Non me l’hanno dato questo spazio, me lo sono preso!», precisa Bory, 45 anni, regista, scenografo e coreografo che dopo il trionfo ad Avignone presenterà per Romaeuropa il suo Espæce — fortemente ispirato al romanzo Specie di spazi di Georges Perec (1936-1982) — al Teatro Argentina il 7 e 8 ottobre. «Volevo inventare uno spazio, proprio perché il mio teatro è arte dello spazio », aggiunge, mostrando fiero il plastico del progetto che entro il 2018 trasformerà quelle antiche mura nel polo d’attrazione delle avanguardie della città rosa.
È proprio l’ossessione per lo spazio che l’ha condotto a Georges Perec e a Specie di spazi.
«Tutta l’esistenza è condizionata dalla relazione tra noi e l’esterno — e intendo relazioni tra gli uomini, degli uomini con la natura, degli uomini con l’universo», spiega. Bory è un pozzo di saggezza, spazia da Aristotele alla Bauhaus e Oskar Schlemmer, che gli hanno ispirato la trilogia sullo spazio ( IJK, Plan B, Plus ou moins l’infini), da Gropius a Klee, da Kandinsky a Heinrich von Kleist, da Bach a Steve Reich, da Calvino a Perec e Valère Novarina «il più grande scrittore di teatro contemporaneo». Solo il nostro Romeo Castellucci (Socìetas Raffaello Sanzio), che lavora a Cesena in uno spazio altrettanto suggestivo, sarebbe in grado di sostenere una conversazione sul teatro tanto erudita. Bory ci legge nel pensiero: «Castellucci è il mio artista preferito, una grande ispirazione. M’incantano le sue riflessioni, il modo in cui si appoggia sulla drammaturgia, le idee originalissime e potenti ».

Cosa dobbiamo aspettarci da « Espaece » ?

«Lo spettacolo è una sovrapposizione — proprio come la parola « espaece » (spazio+specie) — di cose che non stanno bene insieme: il canto lirico che si sovrappone alla danza che si sovrappone al circo che si sovrappone al vuoto del teatro, che a sua volta è una sovrapposizione, nel senso che noi continuiamo a scrivere sulle tracce di spettacoli precedenti. Nel teatro si rifà, si ri-costruisce, si ri-presenta. E si dimentica. È un’arte viva, e come tale è destinata a morire, a rinascere e rigenerarsi — a ri-scrivere sulle orme del passato. Espaece è uno spettacolo sulle tracce; Perec ha cercato nella scrittura tutte le tracce della sua storia, di sua madre e dei parenti scomparsi a Auschwitz quando aveva cinque anni. È stata quella la ragione per cui è diventato scrittore. Scrivere è far sopravvivere qualcosa, vincere la morte, sconfiggere il tempo. Volevo applicare il vuoto interiore di Perec, causato dell’assenza della madre, allo spazio scenico. All’inizio proietto sul muro una frase, riprendendo fisicamente il libro: « Vivere è passare da uno spazio all’altro cercando il più possibile di non farsi male »».

Sembra il manifesto dell’incomunicabilità, Antonioni avrebbe adorato.

«È la frase chiave del romanzo e della drammaturgia dello spettacolo; Antonioni ma anche Chaplin, ci sono tracce di entrambi nell’opera di Perec. La vita deteriora l’essere umano, lo danneggia. Mi fa pensare alla filosofia di Jacques Derrida, ogni istante della vita è sopravvivenza, fuga dalla morte. A partire da questa unica citazione, lo spettacolo è fatto di spazi che s’allontanano progressivamente come su Google Earth — camera, appartamento, palazzo, via, quartiere, città, regione, stato, mondo. Quel che Perec vuole comunicarci è che la scrittura è uno spazio; quel che io voglio comunicare è che lo spazio è una scrittura».

Perec è ispirazione e ossessione: ne ha seguito le tracce, ha persino voluto incontrare sua moglie, che è morta l’anno scorso.

«Ma ha fatto in tempo a vedere lo spettacolo. Una lettura non è sufficiente per scoprire la profondità di Specie di spazi, non è un romanzo come un altro. È un libro che va contato, decifrato. Sono ossessionato da Perec come Perec è ossessionato dalle cifre, ce ne sono di ricorrenti: 11, 2, 43 — la data della deportazione di sua madre a Auschwitz. Con lui non ci si annoia, quando pensi di averlo scoperto ti porta per mano in un altro posto».

Chi sono i protagonisti di « Espaece » ?

«La specie che cerca di abitare lo spazio (quello del teatro), vuoto, inospitale, niente porte né finestre, tristemente illuminato, una scatola nera. È la scomparsa della specie nello spazio ma più sorprendentemente la scomparsa dello spazio stesso».

Sarà molto esigente con la sua compagnia per realizzare una forma di teatro così fisicamente impegnativa.

«Infatti, la prima cosa che m’interessa è il lavoro fisico, lo pretendo anche dalla cantante lirica, Claire Lefilliâtre, e da un attore di parola come Olivier Martin Salvan, che sono in scena con un ballerino, un contorsionista e un acrobata con i quali lavoro da anni per esplorare la fisica del teatro e la verticalità, una dimensione in cui gli artisti del circo sono perfettamente a loro agio. Claire esegue il Winterreise di Schubert (in riferimento a Viaggio d’inverno, viaggio d’inferno scritto da Perec con una data scolpita in mente, 11 febbraio 1943, quando il treno coi deportati partì alla volta di Auschwitz)».

Lei ha studiato fisica e architettura acustica, ha esordito come giocoliere e acrobata, poi che è accaduto?

«Mi sono reso conto che non avevo il fisico adatto per continuare. Il movimento degli oggetti ha influenzato tutto il mio lavoro, è stato naturale passare da giocoliere a scenografo. Il mio primo desiderio fu la musica, il rock, suonavo da adolescente, che gioia!».

E il teatro? È sofferenza?

«Un po’… in realtà ha molto a che fare con la morte. Come dice Georges Perec: tutto è destinato a scomparire, noi prima di tutto, è solo questione di tempo. Io rappresento il tentativo disperato di lasciare dietro di noi una traccia, un solco, un rottame, una piccola luce nell’immenso buio metafisico ».

Giuseppe Videtti

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Azimut

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Les effets de sens d’«Azimut»

Par Gilles Renault - 09 juin 2014

Aurélien Bory est un artiste formidablement doué qui surprend et émeut à presque chacun de ses spectacles.

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Peut-être vaudrait-il mieux éviter de le crier sur tous les toits, de crainte qu’il ne finisse par attraper un jour la grosse tête –ce qui serait bien dommage–, mais Aurélien Bory est un artiste formidablement doué qui surprend et émeut à presque chacun de ses spectacles. Le grand public a pourtant peu de raison d’identifier ce grand garçon au crâne dégarni et au sourire pondéré ; homme de l’ombre qui prend tout au plus la peine de venir se présenter sur scène, au moment du salut final, au côté de celles et ceux qu’il dirige au gré des projets hybrides qui, depuis dix ans maintenant, forgent sa renommée. C’est ainsi le cas, ces jours-ci à Paris, au Théâtre du Rond-Point où, après une heure de haute (en)volée, on l’aperçoit au côté de la dizaine de membres du Groupe acrobatique de Tanger – et des deux musiciens traditionnels qui complètent la fine équipe. Dix ans après Taoub, joué plus de 300 fois à travers le monde, Azimut, spectacle créé en septembre 2013 à Aix-en-Provence, est la seconde collaboration entre le metteur en scène natif de Colmar et établi à Toulouse (où il a fondé en 2000 la Compagnie 111), et la troupe marocaine. Dans les pyramides humaines de cette dernière, le premier voit «une façon de se rapprocher du ciel». De même, il associe ses sauts au «tracé d’un cercle», l’ensemble renvoyant selon lui «aux origines spirituelles liées à Sidi Ahmed Ou Moussa, un sage soufi du XVe siècle». Et Bory d’extrapoler autour de «la question du “chemin”» – azimut renvoyant à l’étymologie arabe du mot – et «du motif du retour vers la terre-mère comme orientation de l’existence pour celui qui, parvenu au ciel mais regardant la terre et ses hommes, préfère revenir». Styles. Pour dissiper toute équivoque, précisons cependant qu’il n’y aura aucune honte à ne comprendre que pouic au propos qu’entend véhiculer Azimut, se laisser (trans)porter par la succession de tableaux pouvant aisément suffire à procurer une douce sensation de ravissement.

Moins immédiatement spectaculaire que Plan B, la pièce (inclinée) qui avait révélé Bory en 2003, ou Plexus, le fascinant écrin high-tech dans lequel il faisait évoluer cet hiver aux Abbesses la danseuse et chorégraphe japonaise Kaori Ito, Azimut entremêle les styles, élargissant à nouveau la notion de cirque (c’est tout de même en passant une tête au début des années 90 à l’école du Lido de Toulouse que Bory a été touché par la grâce gravitationnelle) à la musique, au théâtre et à la danse.

Travail ciselé qui se joue de la notion de temps et d’espace jusqu’à confiner parfois à l’expérience sensorielle, Azimut fait surgir de la pénombre des silhouettes masculines entravées qui montent et descendent au milieu de gros sacs de toile, dans un ballet vertical à la fois étrange et fascinant. Plus loin, c’est un amoncellement de corps qui, par on ne sait quelle autre complétion, décolle du plateau. Ou, tant qu’à grimper dans les sphères de l’enchantement, un homme qui se déplace à quatre pattes, mais la tête en bas, puisque plaqué au sommet de la structure (mais comment font ses habits pour ne pas flotter ?) : un comble – à prendre aussi au sens architectural du terme.

Illusions. Une fois encore, Aurélien Bory tire le plus grand bénéfice de ces lumières tamisées qui se révèlent des alliées essentielles dans ces mirages de l’imagination auxquels il donne forme. Ordonnateur des illusions, il invente pour l’occasion une structure inédite, sorte d’immense grille métallique remplissant le fond de scène qui ne se dévoile – au sens propre – que vers la fin du spectacle. Autant dans Géométrie de caoutchouc, créé en 2011, ses interprètes s’empêtraient dans un agencement contraignant (un chapiteau, à l’intérieur de celui où le public suivait la représentation) dont ils ne savaient pas trop quel parti tirer, autant ce châssis-là se révèle synonyme de mouvement ascensionnel. Sinon sensationnel.

une apparition a la 13e nuit blanche

En marge des créations qu’il signe, Aurélien Bory, homme de rencontres par excellence, multiplie les collaborations. Tout en subtilité, le scénographe intervenait ainsi en mars dans le nouveau spectacle que présentait Vincent Delerm au théâtre Déjazet, dans le prolongement de son album les Amants parallèles. Le 4 octobre, Aurélien Bory sera également une des attractions de la 13e Nuit blanche parisienne, dont la direction artistique a été confiée à José-Manuel Gonçalvès, le directeur du CentQuatre. Son intervention s’intégrera dans le cadre d’un «parcours-performances» dont on connaîtra prochainement les détails.

Gilles Renault

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Aurélien Bory se met en Tanger

Par Rosita Boisseau - 03 juin 2014

Du beau, du doux, du mystérieux.

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Le Groupe acrobatique de Tanger sur la grille métallique suspendue d' »Azimut »

Du beau, du doux, du mystérieux. Qui laisse muet, mais donne aussi envie d’en parler. Qui apaise et file une pêche intense. Le spectacle Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, possède les vitamines de l’invention et de l’émotion sans jamais tirer sur la corde des multiples images qu’il fait défiler.
Et pourtant il en pleut des images, toutes plus épatantes les unes que les autres. Des corps chutent et puis remontent, apparaissent et disparaissent. La lévitation est le maître mot de ce plateau où accessoires et interprètes font étrangement bloc en comptant sur l’obscurité pour ne pas dévoiler leurs dessous techniques chics.

ENTRE CIRQUE, THÉÂTRE ET MUSIQUE LIVE

Le surnaturel spectaculaire d’Azimut, avec ses ombres, ses fantômes, ses esprits, sert parfaitement la cause de l’irrationnel et de la pensée magique tels qu’ils irriguent la vie quotidienne au Maroc. Ils trouvent une issue inhabituelle dans cette cérémonie familiale entre cirque, théâtre et musique live. Sur les traces de Sidi Ahmed Ou Moussa, sage soufi du XVe siècle et saint patron des acrobates marocains, Azimut (de l’arabe as-samt qui veut dire chemin), comme son titre l’indique, a tracé la route en se risquant sur son côté… azimuté.
L’impact de ce groupe d’acrobates composé de neuf hommes et une femme – une deuxième complice féminine joue dans le spectacle sans participer directement aux figures de cirque – éclate dans des constructions humaines faussement simples. Une cordée de personnes qui se grimpent sur les épaules les unes les autres finit par tresser une guirlande sans fin ; des corps s’agglutinent pour faire front. Accompagnées par deux chanteurs et musiciens traditionnels, toutes les architectures humaines d’Azimut, massives et vulnérables à la fois, disent la communauté, son poids, sa protection, son cocon.
Les fondamentaux d’Aurélien Bory s’offrent une intéressante mise au point. L’addiction du metteur en scène aux scénographies lourdes est devenue l’un de ses paramètres identitaires. Un mur mobile soutenait Plan B (2003), une toile de chapiteau, Géométrie de caoutchouc (2011)… Il a imaginé ici une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène qui lui permet tous les stratagèmes. Il lui suffit aussi tout simplement d’une forêt de câbles qui vibre dans le noir pour allumer un feu de sensations.

« CETTE COLLABORATION EST L’INCARNATION DE LA BARAKA »

Est-ce l’humanité et la culture des acrobates marocains qui a drainé un tel souffle chez Aurélien Bory ? Il a déjà prouvé, dans des pièces consacrées à des interprètes telles Erection (2003) pour Pierre Rigal ou Plexus (2012) pour Kaori Ito, qu’il sait, avec empathie, amplifier le talent des autres tout en musclant son écriture.
Aurélien Bory a rencontré les acrobates tangérois en 2003, trois ans après la création de sa compagnie basée à Toulouse. Avec eux, il a mis en scène Taoub (2004), énorme succès public, auquel Azimut semble donner suite. Noyautée autour de la famille Hammich, dont les membres sont acrobates depuis sept générations, cette troupe a marqué son parcours d’une pierre blanche. Il aime à dire que « cette collaboration est l’incarnation de la baraka. Pour eux qui tournent dans le monde entier depuis dix ans, pour moi parce que cette rencontre a pris une place immense dans ma vie ».

Rosita Boisseau

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les-echos

Aurélien Bory fait voler Tanger

Par Philippe Noisette - 03 octobre 2013

La poésie visuelle d’Aurélien Bory fait mouche.

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L’histoire est autant familiale qu’artistique : le Groupe acrobatique de Tanger a un jour croisé la trajectoire d’Aurélien Bory, un des représentants du nouveau cirque. Ces jeunes pousses, plus habituées à se produire sur la plage que dans des théâtres, se lancent alors dans l’aventure de « Taoub » sous la direction du Toulousain Bory. La Fondation BNP Paribas accompagne les interprètes dans cette aventure singulière, qui entamera une tournée de plus de deux ans. Un second opus, « Chouf Ouchouf » voit le jour : à chaque fois, les acrobates, tenants d’une tradition faite de roues et de pyramide humaine mains à mains, remettent leur savoir en jeu.

« Azimut », qui les voit pour la seconde fois dirigés par Aurélien Bory, est un accomplissement. Dans un décor clair-obscur constitué de lourds sacs pendants, les acrobates se glissent marchant sur la paroi du décor. Plus tard, on les verra escalader un quadrillage géant, comme autant de personnages sur une feuille de dessin vierge. Aurélien Bory semble avoir évacué la seule acrobatie virtuose au profit de scènes de genre comme cet accouchement à répétition ou ses pauses statuaires, les corps pris dans la toile de fond. 

Pour autant, « Azimut » n’est pas déconnecté du réel : on y entend des chants arabes, on y devine des silhouettes de fous, comme ces individus que la société moderne voudrait cacher. Lorsqu’un des artistes du Groupe acrobatique de Tanger évolue renversé, agrippé au plafond, la poésie visuelle d’Aurélien Bory fait mouche. On verra encore des corps défiant l’apesanteur, flottant dans l’espace de la scénographie. « Le saut est, pour l’acrobate, la tentative sans cesse répétée du vol », résume Aurélien Bory.

Grand frere artistique

Créateur prolifique, il sait aussi donner aux autres, que ce soit le Groupe acrobatique de Tanger, les acteurs de l’Opéra de Dalian ou la danseuse japonaise Kaori Ito. On sent à chacun de ses rendez-vous une écoute rare et généreuse. Comme autant de familles, dont il serait le grand frère capable de révéler la fibre artistique de chacun. Surtout, en s’investissant de cette manière, ce créateur permet à chacun de repenser son art. « Azimut » en est la preuve parfaite. Aurélien Bory a couvé cette production plusieurs semaines à Aix-en-Provence, où a eu lieu la première. Parti pour une série de représentations jusqu’au mois de juin (la troupe passera alors par le théâtre du Rond-Point à Paris), le Groupe acrobatique de Tanger n’a pas fini de nous surprendre.

Philippe Noisette

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Defying Reality

Par Alex Parry - 01 décembre 2014

Ancient religious tales of North Africa, overcoming gravitational limits, voyaging into the universe: South Australia is in for a Moroccan astronomical treat as the Adelaide Festival of Arts presents "Azimut".

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A family acrobatics show drawing on concepts of physics, technology, spirituality and culture in a theatrical playground, Azimut is set to connect Australian audiences with the athletic and religious traditions of Morocco’s Berber culture – perhaps a first encounter for many viewers. Famed French director Aurélien Bory works with acrobats and musicians from the company, Le Groupe acrobatique de Tanger, to create magical visual effects and challenge our understanding of creative and physical limits. 

Speaking while on tour from his hotel on the island of La Réunion, Bory says he is full of enthusiasm to bring Azimut to Australia for the first time. 

“WE SEE THE LIGHTS, THE FORMATIONS, THE IMAGERY AND WE KNOW IT’S NOT REAL – BUT WE HAVE TO BELIEVE. WE HAVE TO BELIEVE IN THE MAGIC OF THEATRE BECAUSE THAT IS WHAT DRIVES OUR IMAGINATION,” 

 “We are very excited to be a part of the Adelaide Festival in 2015 and present this work to an audience on the other side of the world,” he says. “My intention with this work is not only to represent and promote the Moroccan Berber rituals and traditions, but to use the physical skills of the artists to connect with other forms of art, where the theatre space becomes a plane for the acrobats to fly.” 

 It is not the first time Bory has toured works inspired by the expertise and physical skill of Moroccan acrobats. Bory encountered the artists training on the beach in their home country more than 10 years ago. His immediate attraction to the way they moved and the ancient Berber culture led him to create, along with director Sanae El Kamouni, Le Groupe acrobatique de Tanger and their first production, Taoub, in 2004. 

From an early age in Morocco, these artists train morning until night, living and breathing art and traditions spanning many generations. They are often referred to as the “children of Sidi Ahmed Ou Moussa”, a 16th century Sufi thinker who later became known as the Patron Saint of Moroccan Acrobats. 

 Azimut is the Sufi word referring to the space between earth and sky – which, Bory says, can be related to our journey of life: the everlasting thirst to reach the top. As he developed this work with the artists, Bory was led to ask himself such questions as: “Is there a sky to reach, or are we already in it?” And, “When we are striving to be a part of something bigger than ourselves, is there little point in connecting with something outside of us – is it about what is inside?” 

“In the legend of Sidi Ahmed Ou Moussa, when the wise man reached the heavens, he looked back at Earth and men, and settled upon going back. Among others, his path led me to embrace the return motif as the core of the writing,” Bory says. “We can reach what we believe to be the sky, only to realise that all we can really do is live on Earth. But it is this desire for escape and for flight that drives us.” 

Azimut’s artists move and play in ways that defy reality – including walking on the ceiling and using a 17th century flying machine. The acrobats’ bodies are tools to explore cultural and scientific possibilities, constructing enormous formations based on old ritual symbols and performing incredible feats on a giant metal grid. Bory uses technology, sound and fabrics to produce fantastic sensory experiences – but he doesn’t want viewers to think too deeply about how they are produced. 

“We see the lights, the formations, the imagery and we know it’s not real – but we have to believe. We have to believe in the magic of theatre because that is what drives our imagination,” he says. 

Like many artforms globally, Bory says the survival of Morocco’s acrobatic culture is indeed under threat, and gratefully acknowledges the special feat of being able to share this with audiences on the other side of the world. He also credits corporate sponsorship as being essential in enabling him to realise his artistic vision and to help make Azimut available to tour to audiences worldwide. 

Closer to his native France, Aurélien Bory is also the founder of the Toulouse-based theatre Company 111, which has toured internationally with works such as Plan B, More or less infinity, and IJK. While his genre of theatre has not always been easily definable by global audiences, his skill in combining performing and visual artforms with technology and science to stimulate the senses and imagination has been widely celebrated. Bory’s creative direction is inspired by ideas that are universal rather than specific to a location or culture. Prior to his life in artistic direction, Bory studied physics and architectural acoustics – inspiration perhaps, to create a new category of performance. 

Alex Parry

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Acrobats in suspended animation

Par Laura Cappelle - 25 mai 2014

Bory draws on the religious dimension of Moroccan acrobatics to explore the boundary between earth and sky, and does so with his customary visual invention.

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Cartwheels are more likely to evoke playground fun than serious artistry, but in the centyries-old tradition of Moroccan acrobats, this simplest of moves is akin to a ritual. Halfway through Aurélien Bory’s Azimut, seven men from the Groupe Acrobatique de Tanger walk to the side of the stage and start slowly turning cartwheels, one by one, landing with feline grace : as they pick up the pace, their limbs blur, drawing immaculate circles in the air.

It’s a mesmerising image that brings to mind other Sufi performers, such as Turckey’s whirling dervishes, but Azimut only hints at the troup’s potential. The Groupe Acrobatique de Tanger was co-founded by Bory and director Sanae El Kamouni a decade ago as a contemporary outlet for acrobats who trained on a tanger beach. Bory directed their first production, Taoub, and the company’s efforts to combine traditional virtuosity and modernity drew the attention of programmers.

Azimut, new last autumn and presented this month at the Théâtre du Rond-Point, is in some ways a more mature creation. Acrobatic stunts have given way to a subdued atmosphere. Bory draws on the religious dimension of Moroccan acrobatics to explore, we’re told, the boundary between earth and sky, and does so with his customary visual invention. With just a black backdrop and a metal grid initially hidden behind it, he plays with gravity and perspective to dazzling effect, helped by Arno Veyrat’s dusky lighting.

Acrobats curl up and nest in fabric folds mid-air, or walk upside down on the celling ; elsewhere, as they climb on to each other to form a human pyramid (another moroccan tradition) and suddenly vanish as if through traps, you wonder if you’re actually watching them from above.

Modest narratives emerge, too : a pregnant woman is led onstage by a man, and later the entire group crawls between her legs, emerging like newborns. Two musicians who drift in and out contribute plaintive, haiku-like songs in Arabic and Berber.

As Azimut unfolds, however, Bory tips the scales against movement. He has worked extensively at the crossroads of circus, dance and theatre, but is rightly credited here as director and stage designer rather than dance-maker. Aside from the cartwheel sequence, the tableaux are mostly static : what Azimut lacks is a choreographer who can tap further into the acrobats’ nimble physicality. As they navigate Bory’s optical illusions, their weighlessness belies their apparent ordinariness : they deserve more of a challenge.

Laura Cappelle

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Plexus

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Aurélien Bory – Dialogue avec la gravité

Par Marie Pons - 01 avril 2015

Aurélien Bory invente des mondes parallèles stupéfiants, aux pans inclinés et à la perspective inversée.

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Aurélien Bory invente des mondes parallèles stupéfiants, aux pans inclinés et à la perspective inversée. Chacune de ses mises en scène navigue entre acrobatie et poésie pure, qu’il s’agisse d’une pièce impliquant un chapiteau (Géométrie de caoutchouc) ou pour 12 artistes chinois et sept blocs de bois de 100 kilos (Les 7 planches de la ruse). Avec Plexus, il tisse un portrait tout en nuances de la danseuse Kaori Ito, au sein d’une gigantesque toile d’araignée. Renversant.

Le metteur en scène s’exprime avec calme lorsqu’il retrace le chemin qui l’a mené de ses études en sciences – en acoustique architecturale – à la découverte du cirque. Il en garde un goût prononcé pour la physique, source d’inspiration première de son travail : « Je crée un théâtre physique dans tous les sens du terme : je m’intéresse autant aux corps qu’aux lois physiques qui régissent l’espace du plateau ». C’est en poussant la porte de l’école du Lido à Toulouse qu’il entre dans le monde du spectacle. Il y apprend le jonglage, la mise en scène, fait des rencontres décisives. Et frappe fort dès 2003 avec Plan B, premier succès d’une trilogie sur l’espace qui forge son style, où quatre acrobates-jongleurs défient la gravité en jouant avec la perception visuelle du spectateur.

Je crée un théâtre physique dans tous les sens du terme
Géométrie

Depuis la création de la Compagnie 111 en 2000, Aurélien Bory manifeste un génie pour la scénographie. Il compose avec une géométrie fascinante, mais toujours traversée par des corps en mouvement. Chacune de ses pièces réserve une série de contraintes aux interprètes. Autour d’une idée-force, il cherche le maximum de configurations pour bousculer le cadre originel. « Il s’agit de confronter l’homme à quelque chose qui le dépasse, dit-il. De définir son rapport au monde ». Ainsi, dans Les 7 planches de la ruse, monté en Chine en 2007, les artistes de l’Opéra de Dalian circulent entre les pièces d’un jeu de tangram géant (aux 2 000 combinaisons possibles) et orchestrent un ballet où le moindre geste risque de démolir l’ensemble. C’est en admirant ces acrobates évoluer entre ces immenses blocs noirs que Kaori Ito envisage de travailler avec le Toulousain.

Rencontre au sommet

Kaori Ito est Japonaise, danseuse émérite qui a fait ses armes chez Preljocaj, Alain Platel et James Thierrée. « J’ai eu envie de créer quelque chose spécialement pour elle », se souvient Aurélien, qui a entamé la réalisation de portraits sur-mesure avec Qu’estcequetudeviens ? pour Stéphanie Fuster, en 2008. « Ce qui m’intéresse c’est de regarder comment une personne peut se déployer en un paysage. D’explorer son espace intérieur pour le donner à voir ». Pour écrire Plexus, il puise dans l’histoire de Kaori Ito : « Elle a quitté le Japon à 18 ans pour danser, une vraie rupture dans sa vie. J’ai travaillé sur cette perte, ce déplacement ». Il réalise alors « son double, une marionnette à son effigie. Je lui ai dit : « voilà ton professeur de danse ». On la manipulait avec des fils, Kaori a adapté ses mouvements, sa pesanteur. Ensuite, j’ai seulement gardé les fils pour concevoir un espace ».

Ombre et lumière

L’architecture de Plexus se bâtit comme un réseau, une forêt de cinq mille fils où la danseuse flotte, tente de se déplacer. Un décor qui s’écrit en clair-obscur : « L’ombre est très importante au Japon. Elle enveloppe des esprits, c’est inquiétant, évanescent ». Fluette silhouette évoluant tout en grâce, Kaori Ito s’y révèle tour à tour présence fantomatique et pantin désarticulé. La pièce reflète son monde intérieur et l’espace dans lequel elle lutte pour trouver sa place. « Elle y est enfermée comme à l’intérieur de son propre corps ». Elle se débat lentement, suspendue entre ciel et scène. D’une certaine manière, c’est aussi un anti-portrait, un effacement progressif de l’interprète. Et une réflexion sur la condition humaine.

Marie Pons

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Avec « Plexus », Aurélien Bory frappe en plein coeur

Par Philippe Noisette - 22 décembre 2014

Aurélien Bory et Kaori Ito touchent une fois de plus en plein cœur.

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« Plexus » est une forêt faite de 5.000 fils de nylon dans laquelle il fait bon se perdre. Elle est habitée par une danseuse rare, Kaori Ito, petit bout de talent d’origine japonaise, révélée chez Philippe Decouflé puis James Thierrée. Il a fallu qu’Aurélien Bory la rencontre pour que naisse ce miracle de poésie graphique qui emballe la France entière.

Après ce deuxième passage parisien – et en attendant des dates jusqu’à Londres – le doute n’est plus permis : Bory est un génie des formes. Il avoue avoir pensé à plusieurs dispositifs « contraignants » pour ce portrait vivant. On se souvient de ses plateaux inclinés ou de ses scénographies qui voyaient les interprètes grimper aux murs du théâtre. Pour ce projet au beau titre de « Plexus », il a imaginé une marionnette à fils, à l’image de Kaori Ito.

Au final, le metteur en scène a enlevé la poupée articulée et gardé les fils. Kaori Ito en joue, tête à l’envers dans une figure renversante, effet d’apparition/disparition aussi. Elle semble suspendue au-delà de la gravité. Son habitacle a la fragilité d’un origami (ces papiers pliés japonais) et la belle tenue d’un décor de cinéma fantastique, tels ces films asiatiques où les protagonistes pratiquent des combats en volant littéralement. Mais dans « Plexus » l’effet spécial numéro 1, c’est Ito… On est d’abord bluffé par l’environnement lumineux ou sonore qui habille « Plexus » et sa soliste. Puis par la danse même, qui paraît ici en perpétuelle évolution. Jouant sur la lenteur comme sur le risque, Kaori Ito parvient à nous emporter dans son monde. Certains verront dans cet exercice solitaire une gravité inédite – l’approche de la mort – d’autres l’esquisse d’une femme artiste qui ne cesse de se réinventer.

Un chant d’amour

Aurélien Bory prouve surtout une nouvelle fois son goût des autres : il a créé en marge de sa compagnie, avec des Chinois de l’Opéra de Dalian, le Groupe Acrobatique de Tanger ou la danseuse flamenco Stéphanie Fuster. Quant à Kaori Ito, elle est aussi à l’aise avec les Ballets C. de la B. qu’avec le comédien Olivier Martin Salvan, comme cet été à Avignon pour un duo tout en drôlerie « Religieuse à la fraise ». « Plexus » est un sommet d’intelligence dans le parcours des deux artistes – parcours qui croise les disciplines. De la danse au nouveau cirque, du théâtre à la performance en un seul tour de magie. Aurélien Bory et Kaori Ito touchent une fois de plus en plein cœur. « Plexus » est à leur image, un chant d’amour.

Philippe Noisette

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« Plexus » jette un sortilège sur la scène du Théâtre des Abbesses

Par Rosita Boisseau - 16 janvier 2014

Un plateau mobile, cinq mille fils en nylon, et le mirage opère.

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« Plexus », un bijou de théâtre optique d’une grande beauté, qui croise la magie, l’art de la marionnette et le cinéma.

Un trou noir, une forêt, un cyclone. Une femme, un pantin, un fantôme. Plexus, solo conçu comme un conte initiatique par le metteur en scène Aurélien Bory pour la danseuse japonaise Kaori Ito, jette un sortilège sur la scène du Théâtre des Abbesses, à Paris. Sous la pluie ou ébloui par une lumière électrique, on suit à la trace le périple d’une femme qui lutte contre les éléments pour mieux s’y dissoudre finalement.

Avec Plexus, portrait en creux de Kaori Ito, Aurélien Bory réalise un bijou de théâtre optique d’une grande beauté qui croise la magie, l’art de la marionnette et le cinéma. Un plateau mobile, cinq mille fils en nylon, et le mirage opère. Sous les feux lumineux, les textures du spectacle s’inversent et se métamorphosent. Le dur devient mou, l’immobile prend soudain de la vitesse, le métal explose en jets de lumière. L’habillage scénique luxueux, design, de Plexus, réussit parfois à suggérer un environnement organique, cosmique, au creux duquel le personnage féminin lui aussi se fait bois ou fumée. Et c’est au carrefour de ces univers à première vue incompatibles que cette pièce, proche d’une performance-installation, trouve une saveur incomparable.

Ce solo offre au spectateur un tremplin parfait pour un portrait rêvé de Kaori Ito. On la découvre en 2003 à Tokyo, cheveux rouges et femme insecte, dans le spectacle Iris, de Philippe Decouflé. Depuis, cette artiste de 34 ans, formée à la danse classique dès l’âge de 5 ans, enchaîne les partenariats stylés avec Angelin Preljocaj, James Thierrée, Alain Platel, Denis Podalydès. Parallèlement, elle chorégraphie ses propres spectacles depuis 2008. Et la voilà dans Plexus, femme-pantin qui se libère en prenant la voie des airs. Sous influence des mythologies japonaises du shintoïsme, la terrienne aux bottes plombées vit aussi entourée de fantômes. L’histoire de la déesse de la Lumière qui disparaît dans une cave en laissant la planète dans l’obscurité a sans doute soufflé à Aurélien Bory l’idée de cette cage de fils et l’atmosphère de la pièce.

Après la danseuse flamenca Stéphanie Fuster dont il avait tissé, en 2008, un portrait fragile et ténu dans Questcquetudeviens ?, Aurélien Bory persiste dans une veine miniaturiste. Il contrebalance son penchant pour des productions de groupe plus massives tout en affirmant son talent pour la mise en scène de dispositifs.

Qu’il s’agisse du mur à chausse-trapes de Plan B (2003), son premier succès toujours en tournée, ou de la toile de chapiteau de Géométrie de caoutchouc (2011), Bory affronte un espace d’abord. Ancien étudiant en physique et en acoustique architecturale, il conçoit des scénographies déterminantes pour accrocher son geste de metteur en scène passé par le jonglage. Sas existentiel, épreuve de force, métaphore philosophique, ces décors vissent différentes problématiques en générant un théâtre de situations, d’images et de gestes à chaque fois différent. Si la chorégraphie se révèle un peu répétitive dans Plexus, elle enfonce le clou d’une lutte pour la liberté et l’identité qui signe le parcours de Kaori Ito.

Rosita Boisseau

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liberation

Droit au « Plexus »

Par Marie-Christine Vernay - 12 janvier 2014

Poupée mécanique manipulée, elle semble cassée aux articulations, les membres bringuebalant avant de conquérir son espace en se hissant sur des agrès invisibles.

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Aux Abbesses, Aurélien Bory, très inspiré par le cirque, met en scène un solo de la Japonaise Kaori Ito. Une splendeur visuelle.

Aurélien Bory a toujours l’air de rêver, même si son actualité est plus que chargée avec six spectacles en tournée (1). Mais sous les airs de Pierrot lunaire s’active le bricoleur qui ne recule de- vant aucun obstacle afin d’inventer des paysages mentaux féeriques. Né en 1972 – avec quelques attaches familiales en Guyane, où il n’est jamais allé bien que ses spectacles tournent de l’Europe à Bangkok–, Aurélien Bory, avant de trouver dans le cirque et la danse de précieuses matières pour nourrir son univers, se destinait au théâtre. Mais le metteur en scène manquait d’espace, qu’il alla chercher dans d’autres disciplines. Après avoir fondé sa Compagnie 111 en 2000 à Toulouse, la ville où il est implanté tout en étant depuis 2011 artiste associé au Grand T à Nantes, il ne cesse de voyager, partant à la rencontre d’autres savoir-faire.

ACROBATIE.

En 2004, il travaille avec des acrobates marocains et son spectacle Taoub permettra la fondation du Groupe acrobatique de Tanger. Cette année, il revient à la charge en créant, toujours autour de l’acrobatie marocaine, Azimut. Azimuté lui-même? Non, le metteur en scène trace des lignes claires dans toutes ses pièces. On se souvient encore de l’émotion et du choc esthétique que fut en 2007 les Sept Planches de la ruse, créé en Chine avec des artistes de l’Opéra de Dalian – dont quelques retraités. Tout y reposait sur le déséquilibre, le danger palpable et une stratégie minutieuse pour que le moindre poids ne provoque pas une catastrophe définitive.

Il en va de même pour Plexus, composé spécialement pour la danseuse et chorégraphe japonaise Kaori Ito. Afin d’exprimer son amour incommensurable pour les personnes, leurs formes et leur espace intérieur, Aurélien Bory s’est improvisé portraitiste. Il a commencé par écrire pour la danseuse de flamenco Stéphanie Fuster, en 2008, et reprend à Paris, au Théâtre des Abbesses, le solo fait sur mesure pour Kaori Ito, créé en 2012 mais très peu représenté. Là encore, il ne faut pas s’attendre à une démarche conventionnelle. Si la danseuse est bien le modèle du metteur en scène, elle n’est en rien sa muse ni une simple matière à copie. Aurélien Bory se concentre beaucoup plus sur l’essence de l’être que sur les canons esthétiques trop normatifs. En totale osmose avec l’interprète, il dresse le portrait d’une femme forgée par la danse classique dès l’âge de 5 ans, qui quittera ensuite son pays pour aller elle aussi à la découverte d’un ailleurs inconnu, chez Alain Platel, Angelin Preljocaj, Philippe Decouflé… jusqu’à proposer ses propres chorégraphies.

BALANÇOIRE.

On devine dans Plexus tout ce cheminement, toutes ces expériences qui ont traversé son corps. Le solo commence par des battements de cœur et des respirations amplifiés : l’essentiel devant un rideau noir qui disparaîtra pour laisser place à une structure balançoire tissée de mille fils. Dans cette toile d’araignée, Kaori Ito joue une Spiderwoman qui n’a rien d’une hé- roïne. Poupée mécanique manipulée, elle semble cassée aux articulations, les membres bringuebalant avant de conquérir son espace en se hissant sur des agrès invisibles. Elle flotte, tel un ange noir descendu du ciel. Oiseau pris au piège d’une cage dont il ne sortira qu’en devenant fantôme, la danseuse se sert de la toile pour jouer de la harpe sur une partition délicate, jusqu’à l’effacement. Même si l’on croit entendre encore ce qui cogne au plexus, elle a abandonné sa forme humaine, presque virtuelle, personnage pour une application iPad. C’est là, à ce croisement entre le réel et l’hologramme, qu’elle rejoint ses ancêtres selon la tradition japonaise. Elle n’est plus qu’un voile qui s’ébat dans la cage, rigolant en accord vibrant avec l’âme des disparus. Techniquement irréprochable, plastiquement superbe, ce solo pour harpiste chevronnée est un poème à l’encre noire. Kaori Ito a su briser la marionnette qui la faisait se mouvoir. Le modèle a pris le pas sur le portraitiste, qui s’est volontiers laissé faire.

(1) «Azimut» pour le Groupe acrobatique de Tanger, «Plexus» pour Kaori Ito, «Géométrie de caoutchouc», «Sans objet», «Qu’est-ce que tu deviens ?» pour Stéphanie Fuster, «Plan B» avec le metteur en scène Phil Soltanoff.

Marie-Christine Vernay

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Plexus at Sadler’s Wells

Par Naomi Joseph - 25 janvier 2015

One can’t help but leave feeling spellbound at this stunning display of artistic investigation by Aurélien Bory and Kaori Ito.

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The room is plunged into a complete and claustrophobic darkness. Slowly the figure of Kaori Ito is illuminated standing against a billowing sheet. Ito then fixes a microphone to her body allowing the audience to become aware of the finely tuned mechanics that form it; the rhythm of her heart and the regularity of her breath, Ito’s Plexus.1615

Plexus is part of an on-going series of portraits by Bory that aim to investigate individual female dancers. Plexus refers to the muscles’ inner system: the interlacing network of blood vessels or nerves. While tonight’s Plexus is an exploration of Japanese dancer Kaori Ito’s anatomy, it is also an exploration of how her body has been formed by dance – how experiences have intertwined to produce the Ito of today. This is the intention of the show’s director, French visual artist and choreographer Aurélien Bory.

Bory is known for his pieces that incorporate stunning design; Plexus delivers on this front as Ito disappears into the curtain that, as it swallows her, falls to reveal a floating cube of taught strings, a space that confines the dancer.

A proliferation of voices is experienced in the piece as Bory explores how Ito has been informed by her collaborations with other choreographers. Ito is trapped in her prison of strings moving in fantastic abrupt phrases – floating, thrashing, pausing in wonderful shapes – and as if not by her own volition. She is portrayed as a vehicle through which choreographers voice their visions, a puppet whose strings are unseen. Through being a muse for a series of contemporary choreographers such as Alain Patel, Angelin Prelijocaj and James Thierrée, Ito has developed.

While Ito and the cube are enough to amaze, Bory’s use of sound design, which is created by Ito’s interaction with the strings and movement of the cube, and light projection are also ingenious. A stamp of her feet and a thud echoes through the audience; a change of light and Ito disappears. The intertwining of these elements is the grand illusion of it all as Ito is simultaneously master and subject. It is unclear where one begins and the other ends. While it is an environment that limits her and affects her dance it is also an environment that she acts upon and it she who creates. She is equal with it, as sound, staging, lighting and dancer intertwine seamlessly to create a visual masterpiece.

One can’t help but leave feeling spellbound at this stunning display of artistic investigation by Aurélien Bory and Kaori Ito.

Naomi Joseph

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Retrato de bailarina en las cuerdas

Par Rosalia Gomez - 29 mars 2014

Fantástica.

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Aurélien Bory, creador multidisciplinar y viejo conocido de este teatro, regresó anoche con un retrato femenino.

Plexus, en efecto, es un impresionante retrato en tres dimensiones de la bailarina Japonesa Kaori Ito. La unión de ambos es sencillamente asombrosa. Él le aporta todo lo que sabe de imágenes -que es muchísimo- y una dramaturgia que la lleva casi a la narración, al cuento fantástico se podría decir, ayudado por una iluminación prodigiosa y por una efectivísima banda sonora.

Pero lo que podría ser una exhibición de técnica o una hermosa instalación artística, se convierte en puro teatro gracias a la verdad, al cuerpo de la mujer, de la bailarina que acepta los límites que él le impone: un increíble habitáculo de 8 x 8 metros atravesado en vertical por miles de delgadas cuerdas de barco. Ito, que comienza haciéndonos sentir con un micro sus latidos, sus vibraciones, su vida en suma, es parida hacia el cuadrilátero por un inmenso útero de tela y, una vez en él, se desnuda para mostrarnos su peripecia existencial.

Poco a poco va trascendiendo la prisión que la quiere petrificar, como un insecto en el ámbar, y se hace cada vez más fuerte. Dejando atrás quién sabe cuántas tradiciones orientales, pisa con fuerza la tierra hasta moverla, abre la maleza con golpes certeros y se eleva a lo más alto sin necesidad de huir. Fantástica.

Rosalia Gomez

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Géométrie de caoutchouc

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Aurélien Bory : Géométrie de Caoutchouc

Par Thomas Hahn - 03 septembre 2012

Entre chorégraphie, arts du cirque et arts plastiques, Aurélien Bory, imperturbable, continue de tracer sa route.

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Paris / Parc de La Villette

Quand dans votre maison habite déjà une autre maison, dans laquelle des deux allez-vous danser ? Quand dans votre chapiteau habite déjà un chapiteau habité, comment allez-vous faire circuler sa quadrature ? Ici, dans la géométrie d’un match de boxe, le public est déjà assis sur les quatre côtés. mais chacun n’en voit qu’un seul. Au début en tous cas.

Aurélien Bory aime les défis formels et architecturaux, travaillant soit avec des matériaux qui imposent leur rigidité (Plan B), soit avec des supports qui se dérobent aux acrobates-danseurs (Taoub). Et comme son nom l’indique, Géométrie de caoutchouc met en scène le passage de l’un à l’autre. 

Un groupe de huit humains va naître sous cette tente blanche qui occupe le plateau. Chacun tente de l’escalader, de la maîtriser. Glissades, luttes, efforts collectifs. Et finalement, disparition. Le caoutchouc avale ce qu’il avait donné : la vie. Devenu agrès, le chapiteau impose son rythme. Le toit s’envole tel un cerf-volant et le groupe tire sur les cordes pour le transformer en oeuvre d’art.

Imperceptiblement, la chorégraphie naît de cet effort solidaire qui s’adresse à l’utopie céleste d’une blancheur immaculée. Entre chorégraphie, arts du cirque et arts plastiques, Aurélien Bory, imperturbable, continue de tracer sa route.

 

Thomas Hahn

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telerama

Trois questions à… Aurélien Bory, créateur de « Géométrie de caoutchouc »

Par S.Ba. - 30 novembre 2011

Faire évoluer huit artistes "sur" un mini chapiteau de caoutchouc, une idée insolite.

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Faire évoluer huit artistes « sur » un mini chapiteau de caoutchouc, une idée insolite. Physicien de formation, Aurélien Bory est adepte d’un cirque… expérimental. Ici, il place le chapiteau sur la scène.

Pourquoi un chapiteau dans un chapiteau ?

Aurélien Bory : Le projet est né en 2008 d’une discussion avec Marc Jeancourt, le directeur du Théâtre Firmin-Gémier/La Piscine et de l’Espace Cirque d’Antony. Comme il y a peu d’écritures contemporaines pour le chapiteau, Marc souhaitait proposer à des créateurs de s’emparer de cet espace. Moi qui l’étais consacré uniquement à la scène classique, j’ai répondu que cela m’intéresserait si je trouvais un dispositif qu’on ne pourrait adapter que sous un chapiteau. Le public serait alors installé dans un chapiteau autour d’un chapiteau.

Comment avez-vous mis cette idée en place ?

A.B. : J’ai cherché. Paul Fanni, créateur et loueur de chapiteaux, m’en a montré un à Castres, non loin de Toulouse, où nous travaillons. Il était carré. Je ne savais même pas que cela existait ! Or la forme résolvait certains problèmes : elle permettait de créer en quadrifrontal, avec un plateau carré et des mâts qui constituaient le cadre de scène, tout en offrant un dispositif visuel confortable pour le public. J’ai donc demandé au constructeur italien Ortona de réaliser une réplique au tiers de ce chapiteau, avec une bâche en plastique de 300 kilos et des mâts en aluminium et en acier.

Quelles difficultés techniques avez-vous rencontrées ?

A.B. : Le spectacle joue sur les chutes et le déséquilibre des corps sur le chapiteau. La toile s’élève et s’affaisse, si bien qu’on peut la comparer à une machinerie de théâtre. Le dispositif technique a été très long à mettre au point. Il a fallu trouver la résistance et le poids idéal pour la bâche, régler les contrepoids… Enfin, pour les artistes, évoluer sur un chapiteau (c’est-à-dire rester dans l’instabilité pendant plus d’une heure) est une épreuve d’endurance, physiquement éprouvante. Mais le public ne s’en rend absolument pas compte !

 

 

 

S.Ba.

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L’arc-en-ciel de la gravité

Par Daniel Marvon - 13 octobre 2011

Après avoir exploré toutes les virtualités de l'objet chapiteau, le spectateur se découvre sur un arc-en-ciel de gravité.

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Vidés, les huit acrobates. Et pourtant, ils n’ont pas défié la mort sur un trapèze, escaladé une échelle de cordes. Ils se sont juste battus avec un chapiteau. Au début, on a même eu peur de s’ennuyer. Du cirque sans accessoire. Sans cirque. Sans acrobatie. Du tout neuf sans repères, juste la musique qui nous prend par la main pour 1 h 15 sans filet.

Huit comédiens en imperméable style Giulietta Masina dans La Strada. Et un bébé chapiteau arrimé et lesté. Baleine capable de vous avaler comme Jonas. Méduse géante. Tente diabolique – style Quechua. « C’est bien un spectacle de garçon, ça », constate une spectatrice en observant le système de câbles, de suspentes et de contrepoids qui rend possible tout ça. C’est vrai, il y a de l’abstraction dans ce spectacle sur l’instabilité.

Un truc de matheux, ce spectacle en boucle parfaite qui va des huit personnages enfermés dans un chapiteau, avec leurs inquiétantes reptations, jusqu’à leur retour dans cette matrice, en passant par la courbe gracieuse de tous leurs titubements d’humains.

Après avoir exploré toutes les virtualités de l’objet chapiteau, le spectateur se découvre sur un arc-en-ciel de gravité. À notre insu, Aurélien Bory a mis en nous la comédie humaine (Charlie Chaplin et Paulette Goddard, suggère une autre spectatrice), le goût enfantin de l’escalade, des glissades dans les dunes, le mythe de Sisyphe, les tremblements de terre, le Pakistan submergé, tout l’effroi du monde et le terrible bonheur d’exister.

Daniel Marvon

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The Rule of Art: Aurélien Bory Interview

Par John Ellingsworth - 26 octobre 2011

Amid the bustle of Festival Circa, Compagnie 111 director Aurélien Bory talks to John Ellingsworth about new work Geometrie de Caoutchouc, science fiction and the posthuman, mathematics and art, the attraction of circus, and bodies becoming space

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Amid the bustle of Festival Circa, Compagnie 111 director Aurélien Bory talks to John Ellingsworth about new work Geometrie de Caoutchouc, science fiction and the posthuman, mathematics and art, the attraction of circus, and bodies becoming space

Inside the vast dark tent is another tent, a one-third replica, lit from within by green, suffusing light. From four sides the audience watch it, the miniature, as figures press the material out — silhouettes the shape of a man, a woman, a bird, swimming up and drifting down. It takes them some time to emerge from their shelter; and when they do, they do so slowly. The motionless head and shoulders of a woman glide silently out from under the hem of the tent, as though on a conveyor, then retract. Others follow, climbing fully into open air. They are new humans, moving like young birds navigating a slope on foot, ungainly and unaware, as yet, of their inborn capacity. Their movement is rapid and halting, their bodies still in factory condition, flexible and unworn. They meet in ones and twos at the edges of the tent and then, with much trouble, climb the slick curves to stand atop it. With nowhere to go, they turn their attention to the material beneath their feet…

 

The director Aurélien Bory has been making work with circus artists for a little over a decade now — mostly under the aegis of the company he founded with acrobat Olivier Alenda in 2000, Compagnie 111 — and yet Géométrie de caoutchouc, his latest piece, is the first to be performed inside a circus tent. Technically, at times, it’s performed inside two tents, with the audience watching and surrounding, on rectangular banks of seating placed on four sides, a scaled-down replica of the venue they occupy. As a feat of matryoshkan set design, the staging gives a first indication of Géométrie’s intention to situate itself in a disruptive relationship with the traditional idea of the chapiteau as an icon of circus, but then Bory is not, and has never been, a traditional circus director.

 

Since the foundation of Compagnie 111 and debut piece IJK — an acoustic and spatial extrapolation of the fundamental aspects of juggling — Aurélien Bory has made a name for himself with a series of large-scale works that explore the properties of materials and spaces to create a kind of living scenography or architectural puppetry: in Les sept planches de la ruse fourteen Chinese acrobats animated a moveable set of geometric shapes inspired by the Tangram; in Sans Objet the stage was dominated by a towering industrial robot arm (formerly part of a factory-line that assembled cars); and in Taoub, his collaboration with the Moroccan collective Groupe acrobatique de Tanger, the changing set formed and reformed from a single sheet of fabric. In Géométrie de caoutchouc, which premiered at Le Grand T in Nantes before heading to Auch and Festival Circa, it is the tent itself that comes to life: once the performers have emerged from inside the replica, the ropes tying it down are disengaged and the canvas flies up like a genie or rushing god, billowing and settling high above. Its face, squarish and pale, not unlike the face of a colossal heavenly owl, is animated by two metal discs with a transfixing gaze.

 

Thinking of this moment of startling animation, I first ask Bory, when I meet him at Circa, what the creative impetus was behind Géométrie de caoutchouc. Was he working with the tent as a rich, historic symbol, or simply with the physical properties of its material — the ways it moves, reacts, rests? ‘It was part of my interest to take an architectural space that is very well-known,’ answers Bory, ‘and to make it so that very soon there is not this idea of the tent as a symbol, but just the idea of the space itself and the relationship between the actors and the space. I’m very much more accustomed to theatre spaces, but in all my shows I try to start with questions about the space. I take the stage as very important and think about that, and all my work is around space: theatre seen as the art of space. Sometimes I am asked, Where is the humanity in your pieces? And I say I try to put humanity in the space — the architectures in Les sept planches de la ruse are alive; the space in Géométrie is a kind of… something. At the beginning it is more or less static, but it becomes more and more alive; it moves. And the actors themselves, I like it when sometimes the actors are less alive — they are alive but, for example when they slide very slowly down the fabric of the tent, they are less alive; they are like objects becoming part of space. They are not human beings anymore, they are just little pieces of space. So I try to make space more human and to make humans more like space.’

 

The performers in Géométrie de caoutchouc are not always inert, but they do act passively — or allow the space to lead them. Once the new humans are out in the open we see them draw together and form a sort of proto-society, becoming like a broken memory of a working group, cooperating to perform actions which its members don’t understand. When the tent is released the performers, eight of them, each take a rope and race and fall across the stage to pull the canvas down into a sail, looking tiny and confused as they scramble amid a chaos of ropes; later, with the tent held back at ground level, they run jerkily around its edge, appearing and disappearing behind billowing canvas that receives the image of mad shadows skitting along. Always there is something disconnected in their movement that suggests they are navigating from one impulse to the next, no thoughts beyond the present action.

 

In Géométrie perhaps it has found very pure expression, but all of Bory’s work begins from the idea of considering the space as itself an actor: ‘I try to work with materials that do something to the actors and to which the actors can do something. It is the actors themselves that push the elements together to build these architectures, but at the same time they are passive, doing what the space tells them to do.’ Is it the ability of the circus performer to flexibly occupy and respond to space that attracts Bory to the artform? ‘Most of my shows are with circus artists, and their background is in circus, but in my work it is with more of a theatrical conception. In terms of action or in terms of relationship to the audience there’s something theatrical and not something circus. What I tried with Géométrie was to take this space, this circus space, and try to push it toward the theatre.’

 

Working on the borders of theatre, circus and design, perhaps the unusual quality of Bory’s work lies in a desire to extrapolate the qualities of a circus artist and gift them to an object or a space — an idea that found its clearest expression in Les sept planches de la ruse, where a triangular block, balanced precariously on its point, had some of the same tension and simple drama as an artist holding a handstand. Bory nods at this: ‘It is the same drama. It is a mix between puppetry and circus. But if you think of circus artists, they are dealing with objects most of the time — even the acrobats because they have the trapeze. With the trapeze or the unicycle or the juggling ball what they are doing actually is just testing the possibilities of this object, and I think that space, in all of my shows, is a little bit like that. The actors have to find or experience a possibility of this space or object, and this is why I like to work with circus artists: a dancer is dealing more with the body itself or the body in relationship to the floor — the floor is very important in dance. For the circus artists, yes the body is a tool, but it is not really enough — what the circus artist is doing is experiencing the possibilities of the body in relationship to some simple or complex object, or with some simple or complex space. This is exactly why I’m making my shows with circus artists. Of course they are also puppeteers. They are trying to make alive something that isn’t alive; something that is just a rock or piece of wood. I feel really at the intersection of all these forms — circus, puppetry, theatre, dance.’

 

Working with circus artists and circus skills also comes naturally to Bory as a former performer. He hasn’t been onstage for a long time, but he trained as a juggler and performed in Compagnie 111’s IJK. ‘I feel close to circus artists,’ he says, ‘and in terms of process I’m exactly the same as when I used to be a juggler. I could say in fact that I am a juggler now, even though I’m not juggling. I think I haven’t changed — I’m interested in the same problems. You can think of Les sept planches de la ruse as a big juggling, balancing problem, and what I liked with that show, and what I didn’t expect, was the danger — we felt the danger of circus. With circus most of the time now we don’t feel this danger… I don’t know if it is a good or a bad feeling. I don’t know if I like it or not, but I know there is some danger in Les sept planches and I like the idea of danger — not real danger of course, but the idea that life is dangerous. Very much as you say in French mortelle.’

 

Mortality — and, more broadly, the nature of humanity — is something that seems to lie at the heart of Bory’s recent output. Sans Objet, particularly, was a striking science fiction fable that explored the idea of machine obsolescence as a metaphor to approach the question of what qualities make a human being a human being, interrogating the assumption that humanness can be identified by a checklist of physical characteristics. In Géométrie de caoutchouc, after the new humans have released the tent and explored the stage — explored the limits of their containment — they try to go back: bring the tent to earth and crawl back under the canvas, which, its energies dissipated, lies flat across the stage. They’re where they began, but clearly it’s not the same, and can’t ever be.

 

Whether Géométrie’s simple movement from order to chaos to void is read as a metaphor for the rise and decline of religious belief, an environmentalist parable, or a tiny enactment of the eventual heat death of our universe, the show is grappling with some of the big themes of science fiction. Is Bory conscious of this? ‘To me it’s funny because science fiction is not very easy with theatre,’ he says. ‘I think cinema or literature are fantastic for science fiction, but theatre… most often you see something very cheap; you can’t do big effects so you have to play with the idea. With Sans Objet the science fiction theme was very obvious because with these robots I wanted to talk about posthumanity and where it is that we’re going — but also about our past because technology is not from today. It is an old idea, technology, and I try to say in Sans Objet that technology has been part of humanity from the beginning, and humans and technology developed in parallel. Technology is now the dialogue of the everyday, and it will be more and more. Nothing can stop that. I didn’t want to say if it was good or it was bad — not at all — but to say that it is part of our world and it modifies our relationship to the world, how we live…’

In Géométrie, though, the technology isn’t at the centre of the discussion because there is no technology. ‘Instead there is this idea,’ says Bory. ‘What is the experience of living? What is the experience of living on Earth and in this universe? So there’s a universe at the beginning of the show, with the shadow puppetry, and at the end also when there’s this space. At these moments I see something physical connected to the universe; another person could see something else, but for me, in my imagination, it is something connected with physics, the universe, elements. What is the life and what is around the life? What is before the life and what is after the life? So this show is kind of first life and then the afterlife — a flat nothing which is like planets with no life, a desert. It is less of a science fiction show, but it is connected with another world because it is another world. It is a dream of another world which finally finished the same.’

 

But even though he has his own narrative interpretation, Bory is insistent that the work should be left open for the audience: ‘The show is experienced by an individual as a unique set of ideas, stories, references, and this is the real story — not the one I used to create the show. I used to say, “Yes, this is my understanding of the show”, but now I know that my understanding of the show is not more important than any other understanding. I want the imagination of each person to be very active during the performance, and this for me is very important: that a dialogue starts between the viewer and what’s happening on stage. This relationship is really for me the definition of art. Art is a relation; it is not the object itself. Only if there is a dialogue when this object is made, only if it makes me think something more, makes some connection, makes me think of this or that, makes me feel this or that. Because then we can say this is art because it is happening in our inside space. This is why I really care that there is space for slowness in my shows. I want to create some space for people to have time to choose their reason. I don’t want to rush things — which is also struggling a little bit against the circus concept, which is to rush things.’

 

One of the most unusual and obvious manifestations of Géométrie de caoutchouc’s slowness is that there are no unique actions — every movement is repeated. When the new humans slide down the fabric of the tent they do so over and over; when the tent is released and they pull on its ropes to draw it this way and that, every configuration is repeated four times, for the four sides. ‘It is at the same time something good and something bad,’ says Bory of this repetition, ‘because what I did is very logical. I followed a very mathematical structure. There is less life in that idea — it is an organised way of doing things. One time for each side; four sides, four times. So there is some mathematics here, but that’s not really why I wanted it: the repetition is more to embrace the whole thing and all the possibilities. Meaning life is a finite space; when you have experienced all that you can experience there is nothing else. And I really wanted to give that idea — that it is all that we can do; possibilities are not infinite. It’s a pity, it’s sad, but it’s true. And the older we get the fewer and fewer possibilities there are; so this is more at the end of the show. At the beginning of the show you have the sense anything could happen, that everything could happen. When they’re at the top it is chaos, it is possibility, it is people, many people, everything. At the end there are very few possibilities, so it is sad. They don’t have a lot of possibilities or choice anymore, so they just do what the space asks them to do.’

 

Matching the at times austere dramaturgy, the piece has an unusual score — sparse, solo piano composed by Alain Kremski. ‘It was a very odd proposition to bring this composer to a circus tent,’ says Bory, ‘because of course a piano solo is not music for a tent. But I had this intuition to have a solo piano, and I was pleased to find that this intuition really worked in the space. His music tells us something about the space, even the acoustic of the tent; we really use the acoustic of the tent. We don’t know where this music comes from — it comes from everywhere. You cannot say where the speakers are. I struggle with that all the time. I don’t know where to put speakers in order not to hear them, to not hear the origin of the sound, but in this tent you don’t know the origin of the sound. And this piano works very much in this composition about space… We also had some noise from the stage — all the noise that we hear in this performance is live; it is the sound of the tent, of the set. I used the acoustics of the tent because inside the little tent what you hear is incredible; we just put four microphones inside to produce all these fantastic sounds. So it was a good combination of beautiful piano — very simple, very economic, very slow, but very beautiful — and these sounds that are also very beautiful but in a different way, closer to the idea of chaos or accident.’

 

In light of these decisions — the repetitive structure, the slowness, the unusual music, the big, diffuse ideas — I’m curious whether Bory feels that Géométrie was a difficult or a risky show, and ask him as well whether it represents a change in his way of working. ‘Géométrie is my tenth show,’ he says, ‘so I have more confidence now to try some very difficult things. My problem in my previous shows was to seduce: I had to seduce the audience in my first shows because I was very frightened to disappoint people. And of course with that mindset, consciously or not, you put some limit on the work. Always in my work it was this combination with humour; I like very much humour, and in my previous shows there was a lot of humour to balance a little bit the reports that I had from the audience in slower moments or when it came to some more visual element. And I really like this mix, but… I did that.’

 

‘For Géométrie I wanted more. I had to say, OK, do something. Do the thing that you really feel, not considering if this person or that person will be disappointed or not. To be more courageous. And what happened to help me was I had some partners, co-producers, and the Fondation BNP Paribas helped me a lot, so there were all these people putting money in and giving me time to work hard on this project. And I said, OK, now the only rule I have to listen to is the rule of art. To try to make something the most sincere, and the most deep, the deepest I can. To try to make something important. And not to say that it is good — because I don’t want to say that. But to say I have to be the servant of art — more and more to be this servant. It gave me more courage to face criticism or people’s disappointment. And this kind of art you can have in some places of course, but putting it under a tent in front of 700-800 people… it was very dangerous, but I really wanted to experience that.’

 

‘Each night in Circa there are people walking out before the end. I have no problem with that. I know that it will happen. But I like this situation, and for me it makes some sense that some people are going out after 20 minutes and other people really take this show on their soul forever. It is a big contrast — art is made for that I think. I like humour, but there is no humour in that show. It is not what the work needed.’

John Ellingsworth

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Sans objet

le-figaro

Danse avec le robot

Par Ariane Bavelier - 02 mars 2010

Aurélien Bory signe une pièce aussi originale que réussie.

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La scène baigne dans la pénombre. Des lumières se reflètent sur une bâche étendue comme un lac sous la lune. D’un coup, ça remue là-dessous. Qu’est-ce ? Quoi ? La forme qui se dessine ? Ce pourrait être Loïe Fuller faisant voler ses voiles gigantesques, puis un pénitent caparaçonné sous sa capuche. On distingue bien comme un corps surmonté d’une tête, qui se balance avec de grands mouvements dans une pavane solitaire.

Surviennent deux hommes. Propres sur eux, costumes cravates et cols blancs. Ils veulent savoir ce qu’est ce grand totem qui danse devant eux. Sous la bâche, un robot apparaît, un de ceux qu’utilisait l’industrie automobile dans les années 1970. Sans objet. Il n’y a là que deux hommes et pas le moindre bruit de carrosserie.

La rencontre est tendue. Le robot happe la tête d’un homme et ensevelit l’autre. Les deux semblent comprendre qu’une bête pareille s’apprivoise avec des façons. Curiosité, besoin de s’adapter. Ils essaient, la chevauchent, dessinent des mouvements qui épousent ses drôles de lignes. La machine se soumet un temps, puis les lance dans une danse combat, dérobant le sol sous leur pieds, aménageant des trous, des murs, coupant les corps en deux. Cela se termine au bout d’une heure et quart par une pluie d’étoiles.

Aurélien Bory a su, encore une fois, jouer les enchanteurs. Rien de lourd ou de didactique dans cet inconcevable pas de trois. De l’humour, une tonne d’idées et beaucoup d’incongru font de cette rencontre burlesque entre l’homme et la technologie une digression contemporaine sur Les Temps modernes, de Charles Chaplin.

Ariane Bavelier

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le-monde

Pas de trois inédit pour robot et acrobates

Par Rosita Boisseau - 02 mars 2010

Bory signe une pièce optimiste sur le merveilleux robotique de l'ère technologique.

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Aurélien Bory présente sa nouvelle pièce, « Sans objet », au Théâtre des Abbesses, à Paris

Une station orbitale avec cosmonautes en apesanteur, une lampe géante pour surveillance de chantier fictif, une sculpture comme un jeu d’enfant que l’on manipule en direct… De multiples images surgissent en contemplant Sans objet, nouvelle pièce pour un robot et deux interprètes-acrobates du metteur en scène Aurélien Bory, présentée, dans son programme théâtre, au Théâtre des Abbesses, à Paris, jusqu’au 6 mars. Car la vedette de ce pas de trois inédit et incongru est un immense robot, un gros bras en fer articulé, dont la vitesse de manoeuvre est identique (ou presque) à celle de ses partenaires. Le point de départ de Sans objet était de déplacer un robot d’industrie utilisé dans les années 1960 pour la construction automobile, sur un plateau de théâtre.

Le déménagement opéré, la chose est bien là. Superbe, magnétique, elle est posée au centre d’une petite scène surélevée grise, et domine de sa beauté métallique ses deux comparses en costard-cravate et chemise blanche. Selon ses mouvements – vrilles sur lui-même, changements d’axe de son bras, aplatissement sur le plateau… -, le robot prend des accents anthropomorphiques.

A force de faire cligner les projecteurs qui lui servent d’yeux et de souffler comme une vieille chose, la machine devient terriblement humaine. Le propos d’Aurélien Bory aurait pu se figer dans quelques acrobaties esthétiques autour du thème cliché de l’homme et du robot. Mais le directeur de la Compagnie 111, passé par des études de physique, d’acoustique architecturale et de cinéma, creuse toujours son sujet au plus fécond. Bory a dû d’abord longtemps observer le robot, en explorer toutes les possibilités pour en extraire une telle gamme de dialogues avec ses deux complices présents d’un bout à l’autre sur le plateau.

De l’apprivoisement en tournant autour de la bête jusqu’à la construction d’une muraille en plaques amovibles, l’investigation menée par Bory fait surgir de chaque situation un autre cas de figure dans un système d’association d’idées et de glissement progressif de l’action. De rebondissements en surprises, Sans objet croise l’art et la mécanique, la logique du rêve et de la technique en s’amusant de tous les scénarios. Dominant-dominé, manipulant-manipulé, les jeux de rôle évoluent, faisant endosser aux deux acrobates le statut d’homme-objet, d’ouvrier d’un autre monde, de mutant mi-chair, mi-métal. Avec toujours en creux, parfaitement interprétées par Olivier Alenda et Pierre Cartonnet, des virgules burlesques et des incises absurdes qui évitent à Sans objet de virer à la démonstration d’invention. Une fois encore, Aurélien Bory épate. Sa dextérité à se couler dans des univers situés à l’opposé en fait un cas à part. Ses deux pièces récentes surfaient sur des atmosphères sans comparaison. En 2008, Les Sept Planches de la ruse mettait en scène quatorze interprètes chinois, experts en Opéra de Pékin. A partir d’un jeu chinois très ancien, le qi qiao ban, autrement dit le tangram, composé de cinq triangles, un carré et un parallélogramme aux tailles variées, il dressait une architecture géométrique puissante comme un casse-tête géant. Plus récemment, Aurélien Bory a imaginé Questcequetudeviens ? pour la danseuse Stéphanie Fuster un trio flamenco plein de délicatesse, gorgé d’obscurité. Avec Sans objet, soutenu en direct par le programmeur et pilote du robot au millimètre, Tristan Baudoin, Bory signe une pièce optimiste sur le merveilleux robotique de l’ère technologique.

Rosita Boisseau

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Aurélien et sa « dance machine »

Par Philippe Noisette - 26 février 2010

C'est tous les fondamentaux d'un cirque contemporain qui sont revitalisés.

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Chef de file d’un art spectaculaire qui brasse cirque, danse et théâtre visuel, le Toulousain Aurélien Bory adore surprendre son public. Après son travail autour de la ligne ou de l’infini, ses collaborations avec des interprètes marocains ou chinois, sans oublier une relecture du flamenco, le voici qui met en scène un robot. Et deux acteurs-acrobates ! « Sans objet » se veut à la fois une réflexion sur un futur technologique où sera repensée la place de l’homme et une divagation poétique. Ce robot, acheté à une usine GM et simplement repeint en noir, occupe une place centrale dans ce dispositif : il mène la danse, menace ou cajole ses partenaires et finit par leur voler la vedette. Empaqueté de bâche sombre au départ, il rappelle l’Alien cinématographique de bonne mémoire, forme anthropomorphique presque gracile.

Mais, au détour d’un duo, c’est tous les fondamentaux d’un cirque contemporain qui sont revitalisés : suspendu, étiré, voire découpé par l’effet gag d’une paroi qui se meut, l’interprète se plie au petit jeu de la robotique dominante. Ce bras articulé n’en finit pas de démonter le décor – des pans coulissants sur une scène surélevée -, assez japonisant. « Sans objet » perd parfois en intensité, justement quand l’humain s’absente du spectacle le temps de quelques manœuvres. On préfère alors cette projection d’ombres ou ces vidéos déformées. Aurélien Bory, à l’imagination sans limite, ose même un final comme un ciel nocturne : une trouvaille dont on préfère taire le principe. A vous de le découvrir in situ.

« Sans objet » est aussi et surtout un travail d’équipe, Olivier Alenda et Olivier Boyer sur le plateau, Tristan Baudoin, le pilote du robot, entre autres. Humains, après tout.

Philippe Noisette

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Mechanical Movement, Human Partners

Par Gia Kourlas - 13 novembre 2012

In the end the robot is more sentient than the men; and that’s the scariest part of all.

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You never know what you’re going to get with the French director Aurélien Bory’s nouveau cirque productions. Mr. Bory masterminds illusory works that encompass a multitude of specialties, including dance, theater, circus and technology. It can get gimmicky, but when his fertile imagination is intact, he doesn’t play around. Or rather it’s when he does play around that he strikes the right magical note.

In “Sans Objet,” a work both sinister and beautiful performed by Mr. Bory’s Compagnie 111 at the Brooklyn Academy of Music’s Howard Gilman Opera House on Friday evening, the agenda is man versus technology. Olivier Alenda and Olivier Boyer appear in the flesh, yet the real lead is an imposing robot, created, according to press materials, in the 1970s by the automotive industry and programmed and operated for the performance by Tristan Baudoin.

Developed to carry heavy pieces in assembly lines, the robot, which stands in the middle of the stage on a platform, mirrors the movements of an arm: a long segment with an elbow reaches forward or swings around. It extends to resemble a lean dinosaur’s neck and even possesses something of a face, which in profile recalls the inquisitive E.T. What is it about a robot head that can be so darn cute?

At the start the robot is covered with thick black plastic. As it twists, the rippling material wraps itself around the base like a skirt. In “Sans Objet,” which translates to “objectless,” the plastic moves as fluidly as a body, swallowing up the stage with its mass and then melting down again. Under Arno Veyrat’s silvery lighting this steel object pulsates with life.

When Mr. Alenda and Mr. Boyer appear, they are all business in white shirts and black suits and ties. They fight to pull off the plastic and embark on a sensory dance with the machine, hanging from it as if they were floating in space; their balance and ability to freeze time and challenge gravity is strangely hypnotic.

Such precision is necessary when moving with a machine, but the robot’s elegance gradually turns ominous. More than once Mr. Bory refers to Stanley Kubrick’s “2001: A Space Odyssey”; his robot pulls apart the platform stage and places panels upright like the monoliths that appear in the film. The stage is transformed into skyline, and the men are prisoners of a machine.

But while the robot is certainly menacing, “Sans Objet” isn’t so much about showing technology’s destructive side as it is a mesmerizing juxtaposition of the living and the dormant. In the end the robot is more sentient than the men; and that’s the scariest part of all.

Gia Kourlas

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Compagnie 111:Aurélien Bory, Queen Elizabeth Hall, London

Par Zoé Anderson - 27 janvier 2011

That robot is the star of the show. It has amazing range and delicacy of movement.

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Aurélien Bory’s Sans Objet is a work for two acrobats and a 1970s industrial robot. The human performers, Olivier Alenda and Olivier Boyer, are taut and disciplined, but that robot is the star of the show. It has amazing range and delicacy of movement: flowing and twisting, picking up and setting things down, pulling the floor from under its human partners’ feet.

Bory’s Compagnie 111 comes to the South Bank as part of the London International Mime Festival. This celebration of visual, (mostly) wordless theatre covers everything from acrobats and puppets to lectures on laughter. Bory is a regular visitor, staging large-scale works in some of the festival’s biggest venues. In one of his recent shows, an acrobatic cast played a giant version of the Chinese geometric game Tangram, where the pieces were bigger than the people playing with them.

The robot, operated by Tristan Baudoin, is an articulated metal arm that was originally used to make cars. The show starts with the machine under wraps, draped in black plastic sheeting. As it turns and undulates, the plastic ripples over surprisingly fluid movements.

It’s a strong image, though Bory does linger on it. Sans Objet is a clever work that explores its ideas at slightly too much length. Some of the pacing may be technical – how quickly can the robot adjust to a new task? It’s also a matter of tone, an urge to philosophise.

The human performers are men in suits, hiding their suppleness under jackets and ties. Hanging on to the machine, they’re strong enough to stretch their bodies out in firm horizontal poses. Their demeanour suggests matter-of-fact office workers; perhaps they’ve become mechanised, too.

Zoé Anderson

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Questcequetudeviens?

ballroom

Stéphanie Fuster – Un Aller-Retour France-Espagne

Par Nathalie Yokel - 01 décembre 2014

C'est Aurélien Bory qui a su, dans "Questcequetudeviens?" lui offrir le plus beau des solos.

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Aujourd’hui, Stéphanie Fuster plaisante de toute cette aventure : « J’ai la chance d’avoir une tête d’espagnole, alors je n’ai pas souffert d’exclusion ! Cela a simplement pris du temps, et je me suis glissée dans cet univers. Je ressentais le flamenco de façon très personnelle, et ça, ils y étaient très sensibles« . A l’époque – et cela a bien changé en quinze ans – les « étrangers » ne sont pas nombreux à apprendre le flamenco, et les réseaux n’existent pas comme aujourd’hui. Pourtant, elle poursuit son apprentissage du flamenco traditionnel, et se produit – chose rare- pendant presque deux ans dans un tablao de Séville.

Tout quitter, une histoire de famille

Pour en arriver là, il a fallu en faire, des choix, aussi radicaux que déterminants ! Pourtant, Stéphanie Fuster parle d’un parcours à Toulouse assez « naturel », où elle ne se pose pas de question. Comme toutes les petites filles de l’époque, elle lit Martine petit rat de l’Opéra et reste fascinée par la dernière image où l’héroïne monte sur scène. Comme toutes les petites filles, elle suit donc des cours de danse. Et comme c’est d’usage dans sa famille, elle se lance dans les études, jusqu’à obtenir un DEA en droit public. Elle affiche tout de même parallèlement au compteur un nombre assez incroyable de techniques : classique, contemporain, modern’jazz, danses de caractère… et avoue trouver dans la danse un moyen de se révéler. Le déclic viendra de sa rencontre avec Isabelle Soler, grande figure de la danse flamenca à Toulouse et héritière de La Joselito. Qu’est-ce-qui fait qu’un beau jour, Stéphanie pousse la porte de son Atelier Flamenco Andalou ? «  C’était à la fois un désir de danse, de flamenco, d’ouvrir des portes dans ma vie et de me donner de nouveaux possibles. En arrivant dans son studio, je suis vraiment entrée en vibration avec ce monde-là« , nous confie-t-elle. Mais en creux, on ne peut s’empêcher de voir dans cette démarche la suite plus profonde d’une histoire familiale.

Stéphanie est la petite-fille d’immigrés espagnols, qui ont fui leur pays et la dictature de Franco. Elle se trouve sans le savoir à ce moment-là au coeur d’un questionnement identitaire et culturel, qui se cristallise autour du flamenco dans lequel elle se lance à corps perdu. Alors que les choses s’écoulaient naturellement dans sa vie, la voilà amenée à faire le plus difficile des choix : celui de partir, de faire le chemin inverse, et de tout quitter. « Cela a été radical, parce que j’y suis allée d’un coup. Le chemin de l’art, la question de ma place, de ce que j’avais à dire à l’intérieur, tout cela n’allait pas de soi« , se souvient-elle. « C’était un peu comme faire le grand plongeon : on ferme les yeux et on y va, il n’y a pas de possible retour en arrière. C’était de toute façon une nécessité : je voulais apprendre le flamenco, je voulais danser, je voulais entendre cet art-là, donc quelque part je n’avais pas le choix !« 

Entre tradition et expérimentation

Son apprentissage du flamenco traditionnel pendant huit années à Séville passe aussi par l’écoute de la musique, du matin au soir et du soir au matin. Avec Maria Angeles Gabaldon et Juan Carlos Lerida, elle fait l’expérience du flamenco contemporain, qui l’emmènent sur la création du spectacle Immigracion. Elle danse et tourne ensuite pour Israel Galvan, et découvre encore un autre monde : « J’apprends en le regardant travailler et je vois sa liberté, je comprends ses références, je vois qu’il se nourrit de tant d’autres choses que le flamenco dans sa gestuelle elle-même ! Il expérimentait, et je n’avais jamais vu cela avec le flamenco. » Mais sous son sourire et son accent chantant, se cache une femme qui doute et qui n’a de cesse de chercher son chemin. Le flamenco fait incontestablement partie de sa vie : « J’aime beaucoup la définition qu’en donne le guitariste Pedro Bacan, d’un art de la tension maîtrisée. C’est au plus proche de ce que je ressens. C’est l’expression d’une opposition intérieure qui crée de la tension, il y a toujours un geste, ou une pulsion qui est contredite, et cela crée cette tension et cette espèce de vitalité interne. Ce sont des choses très contenues, cela se passe à l’intérieur du corps avant d’être avec le corps.« 

Le flamenco vers d’autres imaginaires

Mais c’est à une autre forme d’opposition intérieure que Stéphanie sera confrontée : l’envie d’expérimenter d’autres aventures, qui vont au-delà d’une discipline, et d’exprimer une vision du monde, qui ne vont pas de pair avec « un carcan qui était devenu trop petit« . Ses conversations avec son ami de Toulouse le metteur en scène Aurélien Bory, ou avec le danseur Pierre Rigal, continuent de nourrir un appétit et des questionnements toujours plus profonds, après des années de tournées en Espagne, en France, en Allemagne, en Australie, en Turquie, en Russie…

Son expérience avec Vicente Pradal dans El Divan del Tamarit la pousse à la chorégraphie. Rentrée en France, elle s’exprime alors à travers ses propres projets, cherchant dans la forme du cuadre flamenco une écriture personnelle (Odisea, Andanzas). Elle poursuit son travail avec le guitariste compositeur José Sanchez, qui n’est pas étranger à sa façon de déconstruire le flamenco. Mais c’est précisément Aurélien Bory qui a su, dans Questcequetudeviens? lui offrir le plus beau des solos : celui d’une femme en prise avec son histoire, ses désirs, prenant le contrepied de la frénésie et de la saturation pour mieux accepter le flux et l’instabilité de sa vie.

Aujourd’hui, la forme collaborative attire la danseuse, qui depuis 2006 est à la tête de son propre lieu à Toulouse, la Fabrica Flamenca. Pourquoi ne pas travailler avec des artistes comme le dramaturge Raimund Hogue ? « Son écriture est faite de tellement de silences… J’apprécie qu’elle laisse beaucoup de place pour le regard et pour l’imaginaire. Le flamenco a tendance à proposer un produit tellement complet qu’il nous happe, qu’il remplit d’emblée l’imaginaire. Alors je rêve de me connecter avec d’autres gens. » Un choix radical et déterminant, encore une fois.

Nathalie Yokel

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danse

A question banale, réponse éclatante

Par Annie Rodriguez - 28 juillet 2011

Magie, illusion, fantaisie, tout y est.

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C’est une question banale qui fuse lorsque surgit au coin d’une rue, dans une ville familière, un visage ami, ou lointainement aimé, après quelques années où le rideau était retombé le temps d’une entracte. Et, celui ou celle à qui on la pose, voit soudainement défiler en quelques secondes tout ce temps que le regard de l’autre n’a pas connu. Aurélien Bory a posé la question à Stéphanie Fuster et a mis en scène sa réponse. Et pendant cinquante minutes Stéphanie va nous rejouer, en trois actes, le film de sa jeune vie, de la naissance de sa passion à sa réalisation.

Stéphanie

De la petite jeune fille élégante et discrète, brillante étudiante en droit à la jeune femme possédées par le « duende » du flamenco, c’est l’histoire d’une passion qui nous est donnée à voir dans ce spectacle. L’histoire de Stéphanie, qui des rives de la Garonne la mène à celles de Guadalquivir. Partie pour quelques mois, elle y reste 8 ans, peaufinant auprès des plus grands maîtres sévillans ce qu’elle avait déjà commencé à apprendre à Toulouse auprès d’Isabelle Soler.

Le temps de l’illusion

Sur une scène dépourvue de rideau, dans une lumière sourde et irréelle, résonne longuement un accord de guitare, répétitif, lancinant. Sur scène 3 éléments sortent peu à peu de l’ombre : un cube blanc, un préfabriqué tout aussi blanc et vitré et un carré au sol qui occupe le devant de la scène. Sortant de l’ombre également, apparaît alors une fine silhouette disparaissant sous les volants carmins de la, pour nous, typique robe « flamenca ». Stéphanie s’avance et se penche au bord de cette scène-piste, comme attirée par un miroir (aux alouettes ?). Et puis une main dessine une volute dans l’air, des onomatopées rappellent un rythme flamenco, ou bien est-ce une manière de se moquer d’elle-même, de ce qui n’est encore qu’un rêve. Rêve de petite fille qui esquisse les premiers pas de cette danse, qui elle le sait déjà, sera sa vie, qui joue avec les volants de cette robe qui va devenir symbole de cette culture flamenca, si codifiée et parfois bien galvaudée. La femme émerge peu à peu de ce carcan, le promène, s’en pare comme une madone lors d’une procession, tandis que la voix profonde du chanteur Alberto Garcia clame une saerta où les mots de « divina », « cruz » et « penitencia », annoncent le long chemin de croix qui attend cette chrysalide parvenue à se débarrasser de cette enveloppe rigide qui l’enfermait dans une tradition détournée.

De sueur et de sang

L’acte deux commence par une transition incongrue : un guitariste flamenco, jouant assis sur une chaise de bureau, poussé, comme par jeu, par un chanteur assis sur ce même type de siège. Stéphanie réapparaît en tenue de travail, dans ce préfabriqué-studio, séparée du public par une vitre, seule face à son miroir. Et là commence le long travail d’apprentissage ; le talon qui frappe encore et toujours, labourant le sol, comme pour prendre racine dans la terre nourricière de la danse. Les bras qui s’élancent vers le ciel, jouent avec leur ombre sur le mur et le miroir, formant un extraordinaire kaléidoscope qui ondule au gré des gestes de la danseuse. Et puis l’épuisement, le découragement, la tentation de tout abandonner, et le sursaut, la reprise avec encore plus la rage d’y arriver. La sueur qui peu à peu voile la vitre du studio, la chaleur perceptible qui pousse Stéphanie à se défaire à nouveau du superflu, pantalon, tee-shirt, chaussures, maillot, tout tombe à terre, et sur la vitre embuée l’empreinte d’un corps, du bras, des mains, abandonnés comme la mue d’un reptile dans l’herbe sèche.

Maintenant et toujours ?

Troisième acte. Nous revoici sur la scène-piste, les lampions de piste sont éteints, la petite robe noire a remplacé les volants et le maillot de danse. La danseuse va s’élancer, mais un bruissement léger l’arrête. L’eau envahit lentement le sol ; l’eau, l’élément déstabilisant. Qu’en sera-t-il de cette danse quand faire résonner la terre sous les coups de talon en est l’essence même ? Et le miracle arrive. On retrouve la fougue, l’énergie incroyable de Stéphanie qui transforme cet écueil liquide en partenaire, s’auréolant de mille gouttelettes irisant là grâce de ses bras. Et l’on retrouve dans sa chorégraphie ce « flamenco nuevo », qui casse les gestes, raidit les mains qui, quelques secondes avant, agrippaient une ombre, cambre les corps encore plus que naguère.

C’est là qu’éclate de façon encore plus confondante la totale osmose entre la guitare (quelle sensibilité chez José Sanchez !), le chant (magnifique Alterto Garcia) et la danse. Avec, toujours sous-jacent, ce sentiment d’urgence, de marche inexorable, vers quoi ? « Reniego de mi sino » dit la copla qui accompagne cet instant,  » je nie farouchement ce destin qui est le mien… » Et la danseuse prend à bras-le-corps ce nouveau défi. Stéphanie dompte l’eau, s’en amuse, s’y immerge jusqu’à conjurer le sort et triomphe en s’y étendant, immobile tandis que la guitare reprend le même accord lancinant du début du spectacle, et que la lumière meut lentement.

Aurélien

Le magicien de cette tranche de vie c’est Aurélien Bory, directeur artistique de la Compagnie 111, à qui l’on doit des spectacles « détournés » de leur sens premier, comme « Les sept planches de la ruse » ou « Taoub« , avec toujours une approche singulière d’autres visions artistiques venues d’autres continents.

On retrouve dans celui-ci le travail de l’illusion : la robe rouge avale la danseuse, à la verticale ou à l’horizontale ; le cirque et sa guirlande de petites ampoules autour de la scène ; la fantaisie qui fait chanter un chanteur de flamenco, tombé de sa chaise à roulettes et qui continue son chant, à plat ventre ! Mais ce qui sous-tend tout le spectacle c’est la notion d’enfermement présente à chaque séquence. Stéphanie se retrouve enfermée dans une robe, dans son studio, dans son art, dans la solitude où vivent les artistes et les créateurs. Magie, illusion, fantaisie, tout y est, plus l’art consommé de Stéphanie Fuster, celle dont Vicente Pradal dit « qu’elle est l’une des meilleures danseuses flamencas que l’exil ait jamais données » et qui a su se nourrir aux sources du « flamenco nuevo » d’Israel Galvan, pour nous en donner une magnifique interprétation personnelle.

Annie Rodriguez

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La fragilité choisie d’Aurélien Bory

Par Rosita Boisseau - 06 octobre 2009

Quelques notes de guitare dans l'obscurité, une voix qui écharpe l'air, une robe rouge à volants comme un fantôme surgi du fond de la mémoire ...

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Le chorégraphe a conçu une ode au flamenco

Questcequetudeviens? La banalité du titre de la nouvelle pièce du metteur en scène Aurélien Bory, à l’affiche du Théâtre Nanterre-Amandiers, ne donne aucun indice sur le spectacle. Bien au contraire. Il se situe résolument à l’opposé. Ce trio, entre une danseuse flamenco (Stéphanie Fuster), un chanteur (Alberto Garcia).et un guitariste (José Sanchez), possède la saveur indéfinissable d’un plat exotique et inédit. On en teste d’abord longuement chaque bouchée avant de l’adopter.

La recette de Questcequetudeviens? fait dans la légèreté, la fragilité, le peu. Quelques notes de guitare dans l’obscurité, une voix qui écharpe l’air, une robe- rouge à volants comme un fantôme surgi du fond de la mémoire … Paradoxalement, ce qui pourrait ressembler à des faiblesses devient les qualités d’un spectacle qui s’aime et se revendique fluet, fuyant, bâti avec trois fois rien sur un espace vide.

À quoi tient alors la solidité de ce trio flamenco ? À son travail du plateau et une foule de détails ajustés. Quand ils ne tuent pas, on sait combien les détails signent un propos. Entre l’abri façon cabane de chantier en verre, qui se transforme en petit studio de répétitions, et le carré de planches surélevées qui accueille la danseuse, les interprètes passent et disparaissent, jouent à cache-cache, glissent sur des fauteuils à roulettes. Aurélien Bory aurait presque pu chorégraphier cette pièce dans un couloir où les personnages se croiseraient comme dans un rêve.
Une image, une seule, pour l’exemple, qui fait l’originalité, magique de Questcequetudeviens? Soudain, des plaques de buée recouvrent la vitre de la cabane jusqu’à opacifier le lieu. L’hiver passe en quelques secondes, avec les bouches et les cheminées qui fument.

Le talent des interprètes, en particulier celui de Stéphanie Fuster, est pour beaucoup dans la beauté de cette pièce qui prend imperceptiblement la tournure d’un portrait et d’une déclaration à la danseuse.
En cinquante-cinq minutes, Stéphanie Fuster glisse de la petite fille déguisée en Espagnole à la femme d’aujourd’hui pour qui le flamenco est devenu un code d’accès à la vie.

Sa danse est retenue, sèche, toute en arêtes. Lorsqu’elle explose dans l’air comme un coup de feu, elle dessine un graphique électrique. Son zapateado (frappe des pieds) semble arracher du sol des tremblements, des secousses qui irradient jusqu’au bout de ses doigts. L’obstination à trouver son mouvement se lit dans chacun de ses gestes. Stéphanie Fuster est une femme dure à danser, élégante.

Respiration

D’origine toulousaine comme Aurélien Bory, elle a quitté la France pour Séville et le flamenco. De 1998 à 2006, elle se forme auprès de Manolo Marin, puis d’Israël Galvan, avec lequel elle collabore pour différents spectacles. En 2006, elle crée la Fabrica Flamenca à Toulouse. C’est elle qui a demandé à Aurélien Bory de la mettre en scène. Il a dit oui.

Questcequetudeviens? ressemble à une prise de respiration dans la production d’un metteur en scène qui aime les pas de côté. Bory fait tourner actuellement son gros format Les Sept Planches de la ruse, créé en 2007 pour quatorze acrobates chinois, et répète un nouveau spectacle avec un robot, intitulé Sans objet. Depuis 2000, le parcours de celui qui aime fusionner des choses a priori incompatibles ne cesse de surprendre. L’acoustique architecturale d’abord, puis le cirque, le jonglage, le théâtre et la danse, font partie de ses munitions. Ciseler une miniature comme Questcequetudeviens? accroche un nouvel exploit à son palmarès.

Rosita Boisseau

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Questcequetudeviens?

Par Juan Maria Rodriguez - 12 mars 2011

Un hipnotico tour de force formalista

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No creo que los flamencos hayan captado realmente el sentido reversible que la declaraci6n como patiimo­ nio universal puede inyectarle a su género. Lo pienso contemplando el patio de butacas del Teatro Central, vado de flamencos, ante Questœqueludeviens, el bri­ llante ejercicio formalista que Aurélien Bory y la Compagnie l l l -teatreros de vanguardia que cueœn su radical funambulismo ecléctico mezclandolo todo, sin reconocer jerarquias culturales ni mostrar culpa ni acomplejamiento aiguno- y que esta vez han coci­ nado una cosa, digamos, flamenca, para Stéphanie Fuster, una francesa estupenda que hace 15 af!os cumpli6 a rajatabla con el mito actualizado de los via­ jeros romanticos: ya fonnada en clasico y contempo­ raneo, la bailarina lleg6 a Sevilla buscando para su danza un perejil de pintoresquismo con una beca pa­ ra sels meses. Gui6n clâsico: inhal6 T1iana, seengan­ ch6 al flamenco y se qued6 8 af!os. (Qué nos gusta a los indigenas contar estas historias de deslumbra­ rnientos exteriores. Parece que nos ratifican en que aqui somos la hostia, iverdad?) Pues con esa mezcla impetuosa de curiosidad, descaro, brillantez y tenaci­ dad que muestran tantos guhis animados compulsi­ vamente a Io nuestro, Stéphanie, fo1jada en el magis­ terio de Mano Io Marin, se hizo râpidamente un sitio hasta acabar en el combo de Israel Galvan, el kami­ kaze.

Corno la chica es honesta, se sabe balla rina -que no bailaora- tiene cosas que decir y no tenfa el menor in­ terés en pasarse el resto de su vida ejerciendo en An­ dalucfa de ex6tica imitadora de los viejos maestros, que es Io que los flamencos habtian quelido, un flore­ ro francés, se volvi6 a Toulouse para hacer Io que ella es: el flamenco a la francesa. Y eso es Questcequetu­ deviens, que elocuentemente significa «iEn qué te es­ tas convhtiendo?» (ella y, justamente, el flamenco): un intelectual y c6mico ejercicio de caban visual estillsti­ camente depuradisimo, con puesta en escena de Io mas original y antiflamenca : como que la firma el gambe1ro (y franchute) Aurélien BOIY, obispo de la ico­ noc!astia europea mas actualîsima para el que el fla­ menco es s6lo otro ingrediente mâs de su cocido sofis­ ticadamente deconstrnido.

El resultado es un hipn6tico tour de force formalis­ ta: cantaor y guitruTista autoparodiando el hlstri6nico exœso de teatralidad y de tragedia en el flamenco cho­ candose en cada «iayl» mientras se deslizan en sillas de oficina o la Stéphanie despojada de su escarlata vestido de faralaes, que se le separa del cuerpo con una mngica autonomia encantadoramente su1Tealista . Pues eso no le mola a los cabales, acantonados en su canon indigenista, incapaces de sentir la cmiosidad de ver qué es el flamenco para unos artistas europeos in­ terdisciplinares ni dedigerir la propuesta en el contex­ to del mestizaje de todos los lenguajes.

Nada: imposible. Como este escénico quejio y este balle no son, ni remotrunente, pura sangre -aunque al fondo viéramos la nuez flamenca despojada de câsca­ ra y virntas- el espectaculo pasa de puntillas oes acu­ sado de gelidez noiteila; de falta de racialidad y pelliz· co. Quieren comparai·la arraigada tradici6n flamenca de Toulouse con la denominaci6n de 01igen de Uti-era . iYno coinciden: qué pena! Lo dicho: yo no creo que los flrunencos hayan captado el sentido reversible l uni­ co quizâ innovador – de esa orla del pattimonio univer­ sal que aqui (creian) solo trae1ia mas subvenciones de la Unesco. Pues abran juego, senores, porque el casi­ no se ha hecho grande.

(P.D. José Luis Castro la lia en el Cervantes de Ma­ laga, al que los integlistas de la secta antitabaco acu­ san de desacatar la ley porque en El secreto de Susa­ na, de \Volf-Feffari, iqué escândalo!, la protagonista fuma. iClaro, es la historia de una senora cuyo ocul­ to vicio tabaquista prende los celos del marido, que olisquea su ropa y sospecha que el pestazo es del hu­ mo de otro hombre! José Luis prob6 con un probo pi­ tillo de atrezzo elect r6nico: pero el chupete era lidi­ culo, fosfo1-eaba extraterrestre y exhalaba un humi­ lia tan blandlblu que la viciosilla quedaba en una bendita pu ritana salida de la desintoxicaci6n en una clinica. Mas velismo da el denso humazo de un t6xi­ co cigarro verdadero. Y eso ha catapultado al Ce1van­ tes hasta los titulru-es nacionales a los que apenas tœ­ pa. Censura, catecismo progre y estùpida ortodoxia, es Io que hay. Lâstima, no puedo ir: yo pagaiia por so­ lo oler ese pitillo).

 

Juan Maria Rodriguez

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Bashing Out A Blood, Sweat And Tears Flamenco At The Barbican

Par Belindal - 31 janvier 2014

Refreshing, surprising and often funny, What’s Become of You enables us to really appreciate the dance by unleashing it from its cultural prism.

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Traditional flamenco can be spellbinding to watch. Yet the swirling skirts and polished moves can become repetitive after a while. This unconventional one woman show, What’s Become of You, and part of the London International Mime Festival, literally throws off the shackles of the red flamenco dress to offer us a deconstructed, grittier and ultimately, more rewarding version of the Spanish dance.

Arriving on stage we see the typical flamenco dancer, but there’s something wrong. This one is speaking gibberish and randomly clicking her fingers, her arms forming spasmodic flamenco shapes. Her red dress, too, seems to sit frumpily on her shoulders. But all is to be revealed as her dress becomes the prop for a much more entertaining mime sequence; a funeral hearse, a warrior chieftain.

Two further marvellous scenes transpose flamenco into ordinary situations, dressing it in new clothes. In a portakabin our soloist, Stéphanie Fuster, furiously practises 90 miles per hour flamenco feet rhythms to her critical reflection in the mirror, dressed in masculine khaki trousers and t-shirt. Fuster dedicated herself to perfecting flamenco for eight years and this scene underlined the sweat and tears that must have taken her on that journey. Next, water dramatically oozes like black treacle across the stage. She could now be an office worker, wandered out in her black shift dress to wade in a city fountain. She stomps the ground, the water splashing to create a beautiful and lasting image in our minds.

Refreshing, surprising and often funny, What’s Become of You enables us to really appreciate the dance by unleashing it from its cultural prism. Accompanied by guitarist and singer, transporting us to Spanish rustic landscapes, we nonetheless aren’t cheated of its romance. A fitting note for the London International Mime Festival to end on (this weekend) it is a true celebration of the unusual, the visual and the sublime.

Belindal

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Les sept planches de la ruse

le-monde

La danse comme des mathématiques

Par Rosita Boisseau - 01 février 2009

Le résultat scénique est un ballet acrobatique d'objets dont la méticulosité de manipulation est extrême.

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Aurélien Bory propose « Les Sept Planches de la ruse » au Théâtre de la Ville. Une variation autour d’un jeu chinois.

Le titre faisait rêver à chaque fois qu’on passait devant une affiche du spectacle dans le métro. Les Sept Planches de la ruse, pièce conçue en Chine par le jongleur et metteur en scène Aurélien Bory, ressemblait à une formule magique propice à des scénarios rocambolesques, entre kung-fu, manga et western asiatique. De quoi s’agit-il ? Sur le plateau du Théâtre de la Ville, à Paris, sept gros blocs sombres aux formes géométriques glissent sur un tapis noir et remplissent l’espace. Autour de ces masses pesant quelques centaines de kilos chacune, quatorze interprètes chinois s’activent à petits pas. Ils les poussent, les font ricocher lentement, construisant et déconstruisant des architectures abstraites aux arêtes vives.

Ces sept blocs correspondent aux sept pièces d’un jeu ancien chinois, type casse-tête, qui donne son titre au spectacle : les sept planches de la ruse, le qi qiao ban, autrement dit le tangram. Il se pratique avec cinq triangles, un carré et un parallélogramme aux tailles variées, qu’Aurélien Bory a grossi comme pour des joueurs géants. Le résultat scénique est un ballet acrobatique d’objets dont la méticulosité de manipulation est extrême. Un millimètre de décalage et le cube tombe à côté du triangle. Alternativement, on est suspendu aux interprètes en train de surveiller la rotation des pièces, puis fasciné par la pointe d’un triangle en train de chuter sur la tranche d’un rectangle.

C’est à Dalian (Chine) qu’Aurélien Bory a recruté ses acteurs, experts de l’Opéra de Pékin (mixte d’acrobatie, d’arts martiaux, de danse et de chant). Ils sont âgés de 18 à 58 ans. Sept sont retraités et c’est finalement leurs cheveux blancs, leurs visages un peu fanés, qui donnent à ce spectacle d’une grande beauté formelle sa dose de vulnérabilité. Une note de perplexité aussi, quant à l’exactitude des calculs mathématiques qui déterminent l’équilibre des pièces. Puzzle, jeu de construction proche de l’enfance (Aurélien Bory a d’abord travaillé sur une maquette), travail de marqueterie à grande échelle, Les Sept Planches de la ruse décline tous les assemblages possibles des morceaux. Là est sans doute la limite du système qui, une fois enclenché, perpétue sa ligne de conduite en y accrochant de très jolies acrobaties.

Et la ruse au fond là-dedans ? Peut-être réside-t-elle dans une articulation aiguisée de concepts éloignés. L’artisanat, le travail manuel des acrobates, proches de bâtisseurs, fait l’objet d’un traitement design, accentué par des lumières opalescentes. L’abstraction des volumes évoque aussi des images concrètes : soulèvements volcaniques, glissements de plaques tectoniques, construction de pyramides… On peut donc s’amuser avec ce Sept Planches de la ruse qui donne une envie : aller acheter un jeu de tangram pour apprendre ses règles.

Rosita Boisseau

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liberation

Les sept planches de la ruse

Par Marie-Christine Vernay - 08 février 2008

Inspiré d'un puzzle chinois à géométrie variable, le spectacle "les Sept Planches de la ruse" est bluffant de poésie et de prouesse équilibriste.

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Aurélien Bory, 35 ans, directeur artistique de la Cie 111, après des études de physique, un diplôme de cinéma, une formation en acoustique architecturale puis en jonglage, est parti les mains dans les poches en Chine, à Dalian, ville portuaire entre la mer Jaune et la mer Bohai. Ce jongleur et metteur en piste n’avait aucune idée de ce qu’il allait trouver, déjà débarrassé des nombreuses chinoiseries qui encombrent les projets artistiques. Il s’est contenté de regarder et d’entrer en contact avec les artistes « locaux ». Mieux qu’à la Star Academy, les quatorzes interprètent qui se sont engagés à ses côtés excellent ausis bien à l’acrobatie qu’à la danse, au chant ou au jeu d’acteur. Il a choisi deux circassiens et douze acteurs de l’Opéra de Dalian. Chose peu commune, sept sont retraités, âgés de 45 à 58 ans, et c’est un des points essentiels de ce spectacle inouï.

Casse-tête

En Chine, Aurélien Bory a découvert et expérimenté le tangram, ou qi qiao ban, qui signifie « les sept planches de la ruse » dont il titre le spectacle. Ce jeu antique décline les possibilités combinatoires de la géométrie. Casse-tête chinois, c’est le cas de le dire, ce puzzle comprend sept éléments, cinq triangles de trois tailles différentes, un carré et un parallélogramme qui s’épaulent pour composer des figures équilibristes. Ainsi le metteur en piste avait-il trouvé sa base : « Un territoire transculturel, dit-il, à travers les mathématiques, à la fois science fondamentale de le pensée chinoise et pilier de la culture occidentale. » Pas besoin d’autre argument dramaturgique ; une plongée dans le Livre des mutations ou Yi King, autre trésor de la culture chinoise, et le socle du spectacle était là. Aurélien Bory a ensuite expérimenté ces matières premières, vérifié sur maquette si ses propres ruses fonctionnaient. Ce n’est rien de dire qu’elles sont opérationnelles. Les Sept Planches de la ruse sont de toute beauté, grâce notamment à cette entente mathématique qui n’a pas besoin de mots pour communiquer. Les acteurs vêtus de noir s’affairent. Une minute d’inattention, un surpoids en trop, et le château des sept planches peut d’écrouler…

Défi

Cela pourrait renvoyer aux constructions du Bauhaus d’Oskar Schlemmer, ou à la sphère de Laban. mais nous ne sommes pas dans la danse, dans la composition chorégraphique. Le corps est ici tenu à la prouesse et au défi. Les acrobates réalisent des équilibres sur des surfaces elles-mêmes fragiles, au bord de la disparition. On passe, en fonction des lumières d’Arnaud Veyrat, d’un univers à l’autre, de la Chine ancienne à la Chine des gratte-ciels. La composition musicale de Raphaël Wisson opère le même voyage d’un siècle à l’autre. La chorégraphie joue des marches et met en valeur un détail, un petit geste d’art martial par exemple, pour mieux passe à autre chose. Quant aux interprètes, ils savent faire masse, corps commun construisant les architectures les plus audacieuses. Ils se distinguent aussi en des partitions personnelles ; descendant par exemple des pentes de plus de 80°. La scène telle une banquise qui explose en morceaux pour mieux se reconstruire, est comme une métaphore de la place Tiananmen. La foule est là. On se dresse contre un char. Si l’exercice est mathématique au départ, il n’est est pas moins charnel sur scène. On ne quitte pas des yeux les interprètes, ni la musicienne souvent éjectée sur un petit bout de banquise, renversée.

Dans ce spectacle qui est un paysage changeant, rappelant la fragilité et la résistance lorsque l’un se glisse dans un interstice dangereux, on ne trouve pas de plage de tranquillité. C’est l’ « intranquillité » telle que la pensait Pessoa.

 

Marie-Christine Vernay

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La force des mathématiques

Par Philippe Noisette - 15 janvier 2008

Les variations d'Aurélien Bory autour du tangram chinois font rimer la poésie visuelle avec la géométrie.

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Comme souvent dans le travail d’Aurélien Bory, la première image du spectacle donne le ton. Lorsque commence Les Sept Planches de la ruse, on entrevoit une femme à son erhu, le violon chinois à deux cordes, posée là sur des éléments du tangram. Ce jeu ancien est composé de sept éléments – cinq triangles de trois tailles, un carré et un parallélogramme. Bory en a fait réaliser un modèle plus grand que nature, des pièces de centaines de kilos et quelques mètres de hauteur. Passé l’effet de surprise façon ombres chinoises – les bien nommées – d’un horizon de fessiers, la mécanique se met en branle. Bien vite, le reste de la troupe de l’Opéra de Dalian, ville de Chine du Nord, va s’activer autour de la soliste, déplaçant dans un ballet somptueux les morceaux posés sur le plateau.

Géométrie en trois dimensions où l’humain doit trouver sa place. Au point de parfois se glisser entre les interstices laissés à vue. Une fois triangles et autres dressés, la scène a des allures de paysage de montagne avec sommets et grimpeurs. On escalade les parois, les descend également façon varappe. Plus d’une fois, la structure de bois vernis semble aspirer ces interprètes qui s’y risquent, défiant la force des mathématiques – il y a autant de possibilités que de côtés dans ces figures en scène. Aurélien Bory, après le moint, le plan et l’infini, se laisse aller avec délice à cet ouvrage combinatoire, trait d’union entre mode de pensée occidentale et culture chinoise. Et se régale.

Il a passé plusieurs mois à Dalian pour trouver les perles rares, des artistes venus du cirque ou de l’opéra. De 18 à 58 ans, son éventail est large, comme autant de familles recomposées. Il a dû lutter, on s’en doute, pour éviter le mimétisme des écoles d’art locales. Le résultat est soufflant : ces belles individualités ont une présence rare. Les images se succèdent comme dans un temps suspendu offrant de nouveaux espaces à l’imagination de Bory. Grand écart féminin qui épouse l’arête d’un triangle, suspension du bout des pieds dans le vide, accumulation de corps détachés des murs.

Pourtant, Les Sept Planches de la ruse va au-delà de la virtuosité. On sent bien que l’adresse est nécessaire mais pas suffisante aux yeux du metteur en scène de la Cie 111 ainsi transporté en Chine. Il fait chanter trois femmes, air populaire des années 1930 ou traditionnel de l’Opéra de Pékin. Il imagine une longue marche où se croisent comédien fantasque, gamin des rues ou apprenti Bruce Lee.

A Dalian, lors de la création du spectacle au théâtre municipal, les enfants riaient avant de prendre peur. Toute une gamme d’émotions parcourt ce tangram vivant. Au final, nous ne sommes pas certains d’avoir vu les individus dompter les sept planches en question, mais notre imagination a gagné d’autres confins méconnus. Ce frottement de cultures mis en oeuvre par Aurélien Bory et son équipe est comme une promesse sensible. La Chine des humbles est, on s’en doutait, plus belle que celle des puissants.

 

 

Philippe Noisette

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Eloquence without words

Par Ian Shuttleworth - 20 janvier 2009

Even geometric blocks seem to possess a grace of their own.

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There is something at once entirely abstract yet universally eloquent about the ways in which Aurélien Bory works with geometry onstage and it is perhaps this aesthetic elegance that suggested a collaboration with Chinese performers. Les Sept Planches has, in effect, a cast of 21: of these, 14 are Beijing Opera practitioners from the city of Dalian, the others are huge blocks shaped like pieces in the game of Tangram – « the seven boards of skill » from which this piece takes its title.

We first see these pieces lying flat on the stage, forming a rostrum from behind which the human performers slowly emerge to the accompaniment of a bowed erhu . They are pushed into new configurations – at first slowly and flat – as performers move along, around and on them, fall through a gap between pieces or occasionally seem to vanish into the « edge » of one. But one by one, though, the blocks are moved into vertical configuration, revealed as triangles of varying sizes, a square, a parallelogram. They become landscapes: a vista of mountains, city blocks behind which we glimpse various movements, a row of air vents on a building’s roof. Men and women stand on them, move around and over them, are menaced by them when they seem to form a set of clashing animal or mechanical teeth.

When the pieces are combined into more complex vistas, the pieces are seldom left static for more than a few seconds; as they are pushed together and apart, gravity is allowed to turn them from one side up on to another, and thus they appear to be taking part in the same kind of acrobatics as their human complement. People stand, sit, walk across triangular bridges above shifting crevasses, balance their way over delicately modulating alps . . . In effect, they are negotiating their way through an impermanent world, and Bory’s remark in the programme that « a game is a way of representing the world » is startlingly realised.

Four years ago, Bory’s Plan B astounded me on its visit to the London International Mime Festival, playing dazzling games with dimension and perspective. Les sept planches does the same with gravity, and does so with such skill that even geometric blocks seem to possess a grace of their own. ****

Ian Shuttleworth

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Acrobats in a Ballet of Blocks Showing the Poetry of Wood

Par Jason Zinoman - 07 novembre 2008

This precisely choreographed ballet of blocks takes you back in time, rediscovering an elemental pleasure of childhood.

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When a toddler focuses on a group of blocks, what does she see?

It could be a puzzle or some weapons or perhaps the materials for a spectacular tower. The possibilities are as endless as the imagination allows. The same could be said of the inventively conceived and flawlessly produced show “Les Sept Planches de la Ruse (The Seven Boards of Skill),” a seamless mix of circus arts, minimalist dance and visual art that at its core is nothing more than playing with blocks.

Running through Saturday as part of the Brooklyn Academy of Music’s essential Next Wave festival, this wordless, slowly paced show features 14 acrobats pushing around huge three- and four-sided wood shapes (the largest are 500 pounds) on a carpeted floor. The director, Aurélien Bory, is French, and the performers, whose faces are often obscured by shadow, are Chinese, but the language is pure geometry.

Bathed in warm red and yellow hues — Arno Veyrat’s sober, elegant lighting is miles away from the Big Top — the pieces slide against one another and topple over, forming clean lines that look like shrinking tunnels, growing mountains and teetering houses. This beautiful, constantly shifting architecture presents challenges for the limber, gravity-defying actors. In between scaling slender quadrilaterals and hanging from the top of a triangle are occasional jolts of surprise, old circus tricks (high dives, surprise appearances) that lighten the severe, high art mood.

If you look for metaphors in “Seven Boards,” inspired by the puzzle game Tangram, you can find them pretty easily, and the deliberately mechanical performance style makes the cast seem like cogs in pieces of a mighty machine that’s struggling to fit together. But the impact can be more direct and abstract, creating suspense, fright and even emotional engagement merely by the movement of shapes.

At one point the night I saw the show, members of the audience gasped at the unexpected way a triangle fell to the stage. Perhaps they were worried that it would hit someone. Or maybe this precisely choreographed ballet of blocks takes you back in time, rediscovering an elemental pleasure of childhood. It’s fun to play with blocks.

Jason Zinoman

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Plus ou moins l’infini

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Aurélien Bory – Déclinaison des Possibles

Par Emmanuel Daydé - 01 mai 2014

Le théâtre physique d'Aurélien Bory est aussi une métaphysique.

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Après avoir enfermé la danseuse japonaise Kaori Ito dans une forêt de fils dans Plexus, Aurélien Bory fait voler le Groupe Acrobatique de Tanger dans Azimut. Metteur en scène de la gravitation universelle et des odyssées de l’espace, ce jongleur céleste fait de l’acteur l’objet même de la dramaturgie. Piste aux étoiles pour un théâtre physique et métaphysique.

Echapper à la gravité

Au début du 19e siècle, le comte de Saint-Simon proposait de remplacer Dieu par la gravitation universelle. En faisant – dans son dernier spectacle Azimut – de l’acrobatie marocaine une pratique rituelle soufie qui ramène du ciel à la terre, Aurélien Bory aurait presque pu reprendre l’assertion a son compte. A condition de remplacer la gravitation par tout ce qui régit l’univers. Car, dit-il, « la scène est l’un des seuls domaines de l’art où l’on ne peut pas échapper à la gravité et aux lois de la mécanique générale ». Si ce n’est que Bory s’efforce de trouver des échappatoires à la théorie de la gravitation mécanique de Newton et défie, de manière à la fois volontaire et désespérée, le phénomène de l’attraction terrestre.

Dans l’univers de ce qu’il appelle son « théâtre physique », les corps des danseurs, des jongleurs ou des acrobates refusent de tomber pour mieux s’élever. Leur saut est le vol d’Icare. Dans Erection, Pierre Rigal cherche à passer de la position couchée à la position debout. Dans Taoub et Azimut, le Groupe Acrobatique de Tanger marche sur les murs, escalade un quadrillage du ciel et édifie des pyramides humaines, où les dizaines de corps empilés cherchent à ne faire plus qu’un vers l’infini. Quant à Plexus, on voit à la fin du spectacle Kaori Ito tenter de remonter inlassablement le long des fils dans les hauteurs du plateau, pour rester chaque fois un peu plus comme suspendue – ou perdue – en apesanteur dans l’espace, personne ne vous entend crier. Sensible à la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, le metteur en scène prend en compte les déformations de l’espace-temps afin de renverser la gravitation traditionnelle. Dans l’espace, rien ne peut freiner un objet – encore moins un homme ou une femme. Si l’on reprend l’analogie développée par Einstein, l’espace peut alors s’apparenter à une toile, sur laquelle les corps exercent des plis. Ces plis selon plis trouent la courbure de l’espace-temps, comme le font les acrobates sur le grand tissu de Taoub, ou sur la bâche qui recouvre le bras mécanique de Sans Objet

Antigéométrie

Usant d’un imaginaire lié aux lois physiques, mariant avec aisance, effronterie et quasi-mysticisme le jonglage et les mathématiques, tout en faisant de la danse et de l’acrobatie des moyens neufs mis à la disposition de l’acteur, le théâtre physique d’Aurélien Bory renouvelle les formes en créant du vide et en étudiant l’espace. Apprenti chercheur en physique à Strasbourg avant de travailler dans un bureau d’études d’acoustique architecturale, Bory pensait avoir totalement rompu avec son passé scientifique lorsqu’il est devenu jongleur dans une école de cirque, puis acteur dans une troupe, finissant par fonder la Compagnie 111 à Toulouse. Mais lorsqu’il aborde la scène – le rectangle du plateau et le volume d’air correspondant -, tout lui revient en mémoire. Et c’est l’idée vertigineuse des trous noirs et de l’antigéométrie qui l’inspire pour son art vertical et combinatoire, aussi bien que la découverte du boson de Higgs, ce décalage d’énergie – enfin identifié comme « particule de l’espace » en 2012. Sans oublier le théâtre d’ombre, auquel l’avait initié son instituteur. Et bien sûr le théâtre grec, littéralement « l’endroit d’où l’on voit », qui fait du théâtre non pas une pratique mais une relation.

En s’attachant au mouvement des objets et à la mécanique de l’espace, le metteur en scène cherche, comme Kleist, à décrypter la mécanique de la grâce. Le dramaturge allemand faisait, on le sait, l’éloge des marionnettes, qui ont l’avantage, disait-il, d’échapper à la pesanteur : « Elles ne savent rien de l’inertie de la matière, propriété des plus contraires à la danse, poursuivait l’écrivain. Car la force qui les soulève est plus grande que celle qui les retient à la terre. » Refusant toutefois d’être assimilé à un simple montreur de marionnettes – un vil Mangiafuoco directeur de petits Pinocchio -, Bory rompt avec l’inertie de la matière en faisant de l’acteur « celui qui fait ». « Le théâtre est certes régi par des lois physiques comme l’espace et la gravité, convient-il, mais aussi par la vie et la mort qui règnent sur chaque drame. »

La scène est un monde

S’il répugne à expliciter ces composantes sensibles – qu’il abandonne à la seule perception -, c’est afin de laisser le spectateur libre de sa propre interprétation. « Ne pas savoir ce que l’on va voir est certainement pour moi l’une des meilleurs façons d’aller au théâtre », plaide-t-il. Il n’empêche : « Au théâtre, c’est notre semblable que l’on regarde. La scène est un monde. L’acteur se situe dans cet espace, et l’interrogation porte sur la place de l’homme dans le monde. » cette accession à l’intériorité invisible de l’être s’avoue particulièrement saillante dans les deux portraits de femmes qu’il a réalisés. Dans Questcequetudeviens?, la danseuse Stéphanie Fuster s’évertue ainsi à apprendre le flamenco, coincée dans l’espace confiné d’un Algeco, image d’une rupture passionnée et de son infinie solitude. Dans Plexus, Kaori Ito – danseuse (le mot n’existe pas en japonais) déplacée d’un continent à l’autre – disparaît progressivement dans sa prison cubique et ouverte de fils noirs, revenante fantomatique happée par le culte des ancêtres. Une même mélancolie décalée et teintée d’humour trouble ses solos masculins – que l’on pourrait qualifier d’autoportraits. Pierre Rigal tente de se relever pour marcher dans Erection, tandis que Vincent Delerm (qu’Aurélien Bory vient de mettre en scène, par amour de la chanson – ce « son de l’âme ») joue avec ses propres ombres dans les Amants parallèles :  » Comme si nous avions pratiqué dans des piscines parallèles la natation synchronisée… »

Ce théâtre minimaliste, en forme d’hommage au carré, au cercle, au cube, à la géométrie en général (y compris musicale), renvoie aussi au spectaculaire cinématographique de Gravity, le blockbuster américain d’Alfonso Cuaron : « Le grand spectacle, reconnaissait Mathieu Macheret dans les Cahiers du Cinéma, renoue ici avec des notions primitives de distance et de proximité, de coup impossible et de plénitude du temps. » Parce que la gravité universelle ne se trompe jamais, Aurélien Bory s’intéresse, comme Cuaron, à cette plénitude temporelle : « L’espace nous modèle, il est plus fort que nous : l’espace nous porte, puis l’espace nous engloutit. Dans ce laps de temps se situe l’humanité. » Une humanité qui a le visage de Sandra Bullock en docteur Ryan Stone, et celui de tous les danseurs, acrobates, chanteurs ou metteurs en scène, aux airs de « cosmonautes de la station Mir », auxquels Bory fait appel. De sorte qu’il nous vient un soupçon quant au dieu caché de cette harmonie des sphères.

Loin de s’apparenter à une froide déclinaison des possibles mathématiques, ce théâtre existentiel pourrait bien prendre le relais des romances sans paroles du dernier Beckett. Celui des rites crépusculaires de Quad et de sa danse muette autour des angles d’un carré. Ou encore du ballet fantomatique du Dépeupleur, avec son large cylindre peuplé de captifs qui cherchent à remonter le long d’échelles (symboliques) pour tenter de rejoindre les « asiles de la nature ». L’être humain se confond alors avec la matière dont il est issu. Le théâtre physique d’Aurélien Bory est aussi une métaphysique.

 

Emmanuel Daydé

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L’être et le néon

Par Armelle Héliot - 14 avril 2007

Ce spectacle nous parvient comme un manifeste esthétique.

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C’est un spectacle tout en mouvement que nous proposent les jeunes artistes de la Compagnie 111, compagnie toulousaine très originale qui, loin des recettes et des tendances dominantes, poursuit une recherche amusante et amusée sur quelques effets, simples d’apparence et très sophistiqués dans leur conception.

Tout commence magnifiquement par un ballet de bâtons que les lumières très subtilement réglées (Arno Veyrat) fardent en tubes de néon. Les jeux géométriques dans l’espace qui sont développés dans cette ouverture sont absolument fascinants et l’on est d’entrée sous le joug d’Aurélien Bory, concepteur de Plus ou moins l’infini, et du metteur en scène, Phil Soltanoff.

Chez eux, la cinétique est reine.

Pas de paroles, un peu de musique (elle est signée Soltanoff, et Alenda et Cassier, deux des interprètes), un plateau creusé de sillons, cinq garçons et une fille dans des costumes gris, quatre personnes tout aussi importantes en régie, et le tour est joué : le ballet nous enivre. Les actions sont simples, mais elles sont exécutées avec une grâce et une légèreté qui arrachent des rires aux enfants comme aux adultes. Il y a là une malice et un charme, du travail, une discipline, de l’inventivité et un renouveau.

Car, si cette jeune équipe n’est pas sans évoquer quelques collectifs d’artistes aux frontières de la danse, du cirque et du théâtre, et qui savent utiliser à merveille la vidéo, Compagnie 111 propose un univers très particulier et ce spectacle nous parvient comme un manifeste esthétique. Il est heureux que de jeunes équipes travaillent du côté de l’enchantement, dans un vocabulaire très actuel.

Armelle Héliot

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Ligne 111

Par Bruno Masi - 10 décembre 2005

Un magnifique spectacle minimaliste où architecture et géométrie s'invitent sur scène.

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A Sceaux, la compagnie de cirque 111 offre avec «Plus ou moins l’infini» un magnifique spectacle minimaliste où architecture et géométrie s’invitent sur scène.
Jamais un spectacle de cirque n’aura débuté d’une manière aussi radicale et bouleversante. Durant les cinq premières minutes de Plus ou moins l’infini, imaginé par la Compagnie 111, aucun être humain ne monte sur scène. Seuls des bâtons suspendus, animés d’un même mouvement, dessinent des formes dans le vide. Le bruit des tringles et des fils coulissants meuble le silence. Les lumières incandescentes, bleues ou rosées, donnent du volume à ces rangées de mâts qui s’inclinent ou se dressent, avant de rejoindre les cintres et de rendre le plateau à l’obscurité. Seulement alors, des mains sortent du plancher.

En janvier 2003, la compagnie 111 présentait Plan B, une formidable variation autour de l’idée géométrique du plan, inclinable ou non: les acrobates glissaient sur le mur, jonglaient sans balles mais avec des sons, puis finissaient au sol dans une réjouissante joute kung-fu retransmise sur un écran géant. Un cirque visuel et frigorifique tirant plus de Matrix et de la culture nerd que des chapiteaux de voleurs de poules.

Dans Plus ou moins l’infini, il est à nouveau question de géométrie. Les Toulousains, tous passés par l’école de cirque du Lido, ou par le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, couplant à leurs formations artistiques des études de physique et d’acoustique, optent cette fois pour la ligne.
Mise en scène par Phil Soltanoff (le directeur artistique de Mad Dog, une compagnie de théâtre expérimental basée à New York), cette nouvelle création explore les possibilités de mouvement dans l’espace exigu. Puis s’attaque à la ligne comme à son pire ennemi ; jusqu’à la tordre, la briser ou l’effacer. Au beau milieu, un peloton d’hommes (et une femme) évolue en costumes-cravates, sortes de business class dont toute pensée aurait été traduite en algorithme.

Si le cirque contemporain entretient depuis plus de vingt ans d’étroites relations avec le théâtre et la danse, c’est dans l’architecture, les arts plastiques et les sciences, que les six comédiens ont trouvé ici matière à dérivations. L’installation Op’art inaugurale, la lumière stroboscopique qui fige les mouvements, et les mâts auxquels s’agrippent les acrobates pour décrire une course au ralenti, multiplient les sens possibles. Un mur de perches blanches apparaît en fond de scène. Des mains se glissent dans les interstices et lancent des anneaux phosphorescents. Dans la nuit, une partie de Space Invaders semble débuter.

Plus ou moins l’infini est un spectacle de son temps, conçu par une génération de trentenaires dont les références viennent autant de la télévision et des jeux vidéo que des traités sur l’équilibre à dix mètres du sol.

Du cinéma aussi, avec ces effets permanents d’apparition, ces collages de silhouettes en ombres chinoises, ou ces défis convoquant Star Wars et les jeux de tennis sur console Atari. Dans ce panoptique, la musique bruitiste synthétique joue comme un climatiseur monté à l’envers : elle refroidit ce qui déjà paraît glacial. Les lignes projetées sur l’écran, figurées par les bâtons ou incarnées par les corps à l’horizontale, se transforment en courbes du CAC 40. Les droites s’incurvent et les bâtons sont moins rigides. Debout sur des patins, les acrobates glissent en travers de la scène comme des curseurs. Même conceptuel, ce cirque garde pour moteur l’idée de défi, humain ou technologique. Une image chasse l’autre, plus énigmatique, ou fugace. Une dernière ligne apparaît sur le mur. Lentement, l’obscurité la ronge et l’éteint.

Bruno Masi

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First Night

Par Donald Hutera - 13 janvier 2006

Watching it is like having your eyes and brain tickled for 70 minutes.

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The 2006 edition of the London International Mime Festival has got off to an asuspicious start with the latest work from Toulouse-based Compagnie 111. More or Less Infinity is just the sort of playful, stimulating and wordless visual theatre that the festival has been championing for close to three decades. Watching it is like having your eyes and brain tickled for 70 minutes.

The production is the third part of a trilogy exploring interactions between people, objects and movement in one, two and three dimensional space. The two previous pieces concentrated on the cube and the plane. The focus of Infinity is the line in all its variety – straight, curved, actual, virtual and human.

Steered by the American director Phil Soltanoff, the show is episodic, witty and often mesmerising. Near the start several neat rows of white rods descend slowly, like icicles, from above the stage. These free-floating wands assemble into various configurations – a giant X, a gaping maw. When a low, stark light passes before them they suggest a forest casting shadows behind itself.

It is not long before people, or selective parts of them, begin to appear. Armes sprout from discreet grooves in the floor ; they are another kind of line, as are the fingers of each hand.

The tone waxes comic and a tad bizarre. A lone male head connects with a body bent over ostrich-like into the floor. Another man rests his head upon an arm that scampers behind him down to his ankles, scratching as it goes. Such sight gags give way to new, athletic forms of pole dancing, suggesting both diversion and aggression.

Clad in business suits, the six performers carry and walk about upon bendy, rubber-tipped poles like office workers testing unknown skills. The lone woman turns the tables on the tentacular poles that threaten her. One man spins on a U-shaped while another wields one like a huge, hard yet undulant spaghetti noodle.

The show thrives on crack timing and the element of surprise. Long poles suddenly swing down like pendulums in a perfectly calibrated, canonic style. A clever shadow dance segues into slow-motion pole vaulting.

Towards the end one actor hauls away the enlarged video image of his face, and a glow-in-the-dark string figure is unravelled like a mummy.

The performance stays on the surface, but the play of ideas – about socialisation, perception and identity fragmentation in the digital age – makes for some dazzling fun.

Donald Hutera

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More or Less Infinity, Queen Elizabeth Hall London

Par Sarah Hemming - 13 janvier 2006

And always the show treads a fine line between elegance and comedy

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This delightful show from Compagnie 111 and Phil Soltanoff, which kicks off the annual London International Mime Festival, brings a whole new meaning to pole dancing. It is the third in Compagnie 111’s trilogy of pieces exploring spatial concepts and, after the cube and the plane, the line takes centre stage.

The French company, directed by Soltanoff, opens the show with a lone trombonist, whose music appears to summon a line that creeps along the back wall. From then on, the performers share the stage with various lines, rods and poles, playing with them, fighting with them, aided by them, burdened by them.

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As the title suggests, the show uses the potential of the straight line to create images that touch on the way humans grapple with the concept of infinity – at one point all six performers appear to drag endless lines behind them – but more often it simply plays with sticks. And that is the appeal: it is endlessly, wittily ingenious but at its heart is a simple activity that has amused mankind since time began. So the performers experiment with the poles that come their way, spinning on them, bouncing on them, tottering about by using them as stilts. Soon there is rivalry, as those with smaller sticks attempt to keep pace with those who stride like giants on longer poles. One man’s discovery that he can make a line move by approaching it leads to an increasingly edgy duel between him and another man.

The company does a nice line in fusing old ideas with new technology: by using two lanterns they create a great new spin on shadow play; by scoring the stage with linear gullies they are able to double up to perform stunts such as crawling along after their own heads. They project their faces on to a huge screen of poles, creating an eerie, dismembered look. And always the show treads a fine line between elegance and comedy: one mesmerising scene has all six performers repeatedly gliding across the stage on giant poles, brilliantly defying gravity, until one suddenly stops and maroons its occupant high above the stage – that is poor line management, I guess.

Sarah Hemming

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Taoub

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Taoub, le tapis volant nouvelle manière

Par Marie-Pierre Genecand - 04 septembre 2008

Un spectacle chaleureux, inventif et métissé.

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Le théâtre de Vidy ouvre sa saison avec un spectacle marocain d’acrobaties sur tissu qui secoue l’imaginaire.

Ca s’écrit taoub, mais se prononce tsaoub. Tissu en arabe. Pour tous ces foulards, tapis et toiles de parachute qui étoffent ce spectacle d’ouverture du Théâtre Vidy-Lausanne. Mais aussi pour le tissu social. Aurélien Bory, artiste français du nouveau cirque qui signe ce travail, insiste sur le caractère inédit de la démarche qui donne à ces génies des airs un véritable statut. « Pour la première fois, on a marié la tradition de l’acrobatie marocaine et la notion de création artistique. »

Jusque-là, ces douze acrobates, de véritables virtuoses techniques, accomplissaient leurs prouesses sur les places publiques, sans volonté d’innover. Ils imitaient leurs ancêtres qu’ils avaient vu ainsi virevolter et passaient ensuite le chapeau parmi les badauds. Cette pratique, propre au Maroc, existe toujours. Mais il y a cinq ans, Sanae El Kamouni, séduite par la richesse de cet art populaire, a mandaté Aurélien Bory pour créer avec eux un spectacle plus élaboré. Aux acrobaties, il mêle la vidéo, le chant, la musique et les ombres chinoises.

Taoub ne raconte pas une histoire linéaire, mais rassemble des moments de poésie, comme cette séquence où les acteurs en djellaba blanche se placent côte à côte, de dos, et forment une muraille sur laquelle sont projetées des images de paysages et de visages. La musique, entièrement jouées en scène, associe chants et mélodies populaires. Et l’humour vient aussi questionner cet art ancestral. Au total, un spectacle « chaleureux, inventif et métissé », salue la critique française.

Créé en 2003 à Tanger, ce spectacle a immédiatement séduit le public de la médina et tourne depuis. Quelque 300 représentations dans près de 20 lieux. Un succès qu’Aurélien Bory et le Groupe Acrobatique de Tanger n’ont pas volé. « Au début, les acrobates ne comprenaient pas ce frottement entre tradition et invention. Ils ne voyaient pas ce que je voulais amener à leur pratique, explique l’artiste français.

Heureusement, Sanae El Kamouni était là et a servi de courroie de transmission entre eux et moi. » Ainsi, flic flac, sauts périlleux et autres cabrioles se sont intégrés dans une poétique mystérieuse où les robes s’allongent et les corps s’étirent. Pour le prochain spectacle du Groupe acrobatique de Tanger, ce sont les Suisses Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot qui s’aventureront sur ces terres, ou plutôt dans les airs, de ce collectif secoué.

Marie-Pierre Genecand

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Acrobaties Orientales

Par Jean-Luc Martinez - 28 mai 2008

Un spectacle original qui mêle son approche du cirque contemporain à la pratique ancestrale de l'acrobatie marocaine.

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« Taoub » d’Aurélien Bory pour deux soirs à Odyssud

Avant de retrouver le grand plateau du TNT, la saison prochaine, pour présenter sa nouvelle création « Les Sept planches de la ruse » avec les artistes chinois de l’Opéra de Dalian, Aurélien Bory continue à métisser son art d’une pointe d’exotisme.

L’artiste et metteur en scène toulousain présente, vendredi et samedi, deux représentations de « Taoub ». Un spectacle original qui mêle son approche du cirque contemporain à la pratique ancestrale de l’acrobatie marocaine. On retrouve parmi la troupe, la famille Hammich, acrobates de pères en fils depuis sept générations. « Taoub » sui signifie « Tissu » en arabe, entrelace des fils de plusieurs expressions artistiques comme le cirque, le théâtre, la vidéo et le chant. Un gigantesque tissu est l’unique accessoire et décor de ces artistes. Tour à tour écran, tente, robe, toile de parachute, trampoline, ce partenaire inattendu devient élément de propulsion, happe les acrobates dans des mouvements circulaires, sculpte leurs corps, défie l’apesanteur et catapulte l’imaginaire de chacun au-dessus du sol. Cette nouvelle invitation au voyage féerique est proposée par Aurélien Bory dont les spectateurs toulousains sont les témoins privilégiés de l’évolution d’un travail sous forme de trilogie, débuté au Théâtre de la Digue avec « IJK », poursuivi au Théâtre Garonne avec « Plan B » et finalisé au TNT avec le magnifique « Plus ou moins l’infini ». La Cie 111, dont il est le chef de file est, aujourd’hui, la troupe toulousaine qui s’exporte le plus à travers le monde. Aurélien Bory a inventé une forme nouvelle de métissage des genres artistiques qui repose sur une grande maîtrise technique tout en offrant de la magie poétique.

Jean-Luc Martinez

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La fabrique à images

Par Dominique Duthuit - 19 décembre 2007

Du jamais-vu !

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Au Maroc, l’acrobatie, à ses origines, était une tradition guerrière. Transmise de génération en génération, elle est devenue une pratique artistique qui n’avait, jusqu’à présent, jamais fait l’objet d’une création théâtrale. Aurélien Bory, metteur en scène, a rencontré à Tanger douze très bons acrobates, dont le noyau est composé par la famille Hammich, acrobates de pères en fils depuis sept générations. Taoub qui signifie « tissu » est leur premier spectacle. Du jamais-vu ! Les corps des acrobates, comme les fils d’une même étoffe, s’assemblent pour conter des pans d’histoire, intime, sociale, culturelle et universelle.

Sue un plateau vide, avec pour seul accessoire, des tissus blancs, mobiles et transformables, tout à tour, sol, toile, couverture, tente, trampoline ou vêtement, ils rendent hommage à la femme, modifient leur identité, habitent des territoires oniriques ou réels, renouent avec les défis acrobatiques et les fêtes traditionnelles. Indissociable l’un de l’autre, chaque acrobate est le maillon d’une véritable fabrique à images. Artisans habiles, ils savent tisser des univers homogènes avec les matériaux les plus divers : le corps, le textile, la vidéo, la lumière, la voix et la musique.

Critique

Taoub est un voyage kaléidoscopique à travers le Maroc. Aurélien Bory, sans jamais instrumentaliser le savoir-faire des acrobates, invente des situations ludiques et novatrices, qui lèvent les clichés véhiculés sur ce pays. Au départ membres d’une confrérie austère, la troupe change de costumes pour enfiler ceux d’hommes et de femmes d’aujourd’hui. En jouant avec la lumière, la vidéo et la manipulation de tissus, elle emmène le public dans une diversité de paysages, montagne, désert, ciel ou même fête foraine. La poésie et la fantaisie des situations, la rigueur de la mise en scène, le talent et la complicité des acrobates, la beauté des chants traditionnels sont quelques uns des facteurs réjouissants de ce spectacle, qui tourne à travers le monde depuis trois ans.

 

Dominique Duthuit

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Come fly with me

Par David Dougill - 23 avril 2006

"Pretty and witty" : Collectif Acrobatique de Tanger

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The presence of a large number of young children in an audience can be either a delight or an irritation. At last Sunday’s performance of charming acrobatic and visual-illusion show, Taoub, by the Collectif Acrobatique de Tanger at the Queen Elizabeth Hall, the balance was definitely on the plus side, once an initial spate of deliberate, infectious and high-pitched coughing had been stifled by the thrills on view. A small girl in front of me piped up after a spectacular number : « That was cool. »

Taoub, the UK debut for this company of 12 performers (ten men and two women) was the main event of the South Bank’s annual Easter Delirium weekebd of family-friendly entertainment, chich has previously focused on the physical and visual fantasies of Compagnie Montalvo-Hervieu and James Thiérrée, the anarchic excitement of Circus Oz and Rennie Harris’s hip-hop extravaganza.

This event had a different flavour, not just being Moroccan – with tents outside selling that country’s food and artefacts – but in the artists’ casual demeanour and appearance.

For all the high skill and taut timing, there is an impromptu feel about it, as if these people in variegated ordinary clothes had stopped off from their local jobs to do party tricks in a marketplace for their own and the tourists’ pleasure. One man dressed all in spruce black could be a head waiter, but he dazzles us with accelerating cartwheels done in a perfect circle. Another, I guess the oldest in a mixed-age range, who supports a five-person pyramid on his burly shoulders, wears a formal shirt and tie (most unusual garb for someone engaged in acrobatics), looking like a well-to-do businessman who has left his jacket on the office chair. I take him to be the paterfamilias among five members of the Hammich family, acrobats for many generations, whom the French contemporary-circus director Aurélien Bory – the deviser of this show – spotted practising on a Tangier beach. The seven other performers were recruited by audition. They accompany their physical activities with Arabic sond and music, punctuated at moments of particular concentration by concerted shouts of a phrase that sounds oddly like « on the bus », but is surely someting completely different in Arabic.

What gives Taoub its slickness as a theatrical spectacle is Bory’s ingenious deployment of light, video and fabric. When the women walk at a dizzy height across the raised hands of the men, the latter are wearing white jellabas on which is projected the Tangier coastline. Neat. The taoub of the title is a huge, billowing white cloth that functions in many ways : as a backlit gauze on which turnbling and multiple somersaults are done by magnified figures in shadow silhouette ; and as a screen on which the front-stage acrobatic coupling of two men is live-projected. The image is frozen and upended by the cameraman – which position the performers study and meticulously reproduce. Clever. The cloth also becomes a steep sand dune, up which a gil steps delicately to sit, play, bounce and sink, supported, of course, by invisible hands. Pretty and witty.

What had everybody of all ages glued and gasping was the trampoline speciality, the soloist acrobats soaring and spinning ever higher, bounced on a springy cloth like a fireman’s blanket held by the rest, who rushed about, when necessary, in perfect unison (keeping the cloth stretched taut, but near the floor) to catch the descent. At the end of the show (ideal, at an hour, for attention span), this cheerful troupe, in their curtain calls, seemed as affectionately appreciative of the enthusiastic audiance as we were of them.

David Dougill

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the-gardian

Taoub

Par Judith Mackrell - 18 avril 2006

The performers' daring is beautifully framed by the visual fantasies with which Bory, as director, has packaged parts of the show.

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Director Aurélien Bory first spotted the cast of Taoub training on a beach in Tangier, and such is the charm of this intimate little circus show that you almost believe its performers never really left home. The 12 acrobats, who range in years from adolescence to late middle age, occupy the stage with the unhurried, dreamy style of people simply enjoying themselves. None has the practised expression or slick demeanour of a trained theatre person.

Yet it takes only five minutes for these performers to prove that they are the business. With an insouciant brilliance, they fill the stage with multiple backflips, dizzying cartwheels, perilous human pyramids and vaulting trampoline stunts. What’s doubly exciting is that they do it with so little technology. Most of the music comes from their own singing and playing, and their equipment couldn’t be more basic. Even the trampoline is handheld, so that when one of the acrobats is hurtling through space, the others are having to run across the stage in order to catch them as they descend.

It’s terrifying to watch. But the performers’ daring is beautifully framed by the visual fantasies with which Bory, as director, has packaged parts of the show. During some of the routines, surreal, unexpected images are projected on to the acrobats’ bodies, dramatically rewriting the moment. As a woman clambers across a bridge formed by the crossed hands of her colleagues, pictures of the Tangier sea-front ripple over the supporters’ white tunics, turning her act into a Spiderwoman stunt. Hallucinogenic desert landscapes are created by manipulating a huge swathe of fabric, and simple changes of lighting work extraordinary transformations, so that a whirling dervish dance ends up being performed by giant shadows – flickering dream devils.

I started out wondering if Taoub would be a little slow, a little strange for some of its very young audience. But everyone was spellbound.

Judith Mackrell

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Plan B

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Des Sisyphe modernes

Par Anaïs Heluin - 10 janvier 2013

Dans Plan B, Aurélien Bory utilise le cirque comme arme contre le désenchantement.

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Un plan incliné tout lisse, tout gris, austère. Autour, un vide dévoreur de silhouettes masculines, celles des quatre circassiens choisis par Aurélien Bory pour incarner, dans Plan B, l’humanité égarée dans un labyrinthe sans issue.

A leurs cravates bien ajustées sur des costumes taillés à leur exacte mesure, à leur petit attaché-case qui tranche avec le décor irréaliste, on saisit vite dans quel type de dédale d’abord invisible à l’oeil nu se pressent les jeunes cadres du spectacle. Assemblage complexe de règles à suivre afin de se frayer un chemin dans le marché mondial et de lois virtuelles incontournables pour le moindre pion du système économique, ce dernier est figuré par un dispositif scénique des plus ingénieux.

Car derrière l’apparente simplicité

de la structure initiale se cachent des mécanismes sophistiqués, impitoyables. D’abord perturbée par l’ouverture de simples trappes d’où sortent des balles de jonglage, l’immobilité de la masse métallique laisse peu à peu place à un mouvement perpétuel. Plus encore que les quatre interprètes, c’est d’abord cette paroi modulable, tour à tour pente métallique, mur à l’aspect carcéral et écran de projection, qui construit la trame narrative de Plan B. Mathieu Bleton, Itamar Glucksmann, Jonathan Guichard et Nicolas Lourdelle, tels des Sysiphe des temps modernes, ne font que s’adapter aux épreuves successives que leur impose le géant de fer. A grand renfort de glissades, de pirouettes, d’acrobaties en tout genre. Et sans un mot.

Qu’aurait de toute façon pu faire la parole contre une menace faite de codes informatiques dépourvus d’affects ? Pas grand-chose, c’est sûr. Alors Aurélien Bory, assisté en cela par le metteur en scène Phil Soltanoff, aussi adepte que lui du métissage entre les arts de la scène, a imaginé pour sa troupe un mode d’expression singulier.

Arsenal de défense

contre la carcasse transformable, autrement dit contre une société défigurée à force de métamorphoses, ce langage gestuel est aussi théâtrale que circassien. Dénué de tout spectaculaire, il est composé de numéros apparemment très simples, puisés dans le répertoire de base de tout acrobate. Mais, au contact de la paroi hostile à la présence humaine, ces jongles et cabrioles acquièrent une grandeur, une dignité propres à imposer le respect. Si leur côté dérisoire ne manque pas d’amuser, il oppose aussi une résistance au désenchantement du monde. Il fait un pied de nez à la face trop sérieuse de la productivité à tout prix et de son pendant, la consommation à tout-va. Comme quoi, dans un univers régi par l’absurde, l’art du cirque et le burlesque peuvent être le lieu d’une grande gravité.

Anaïs Heluin

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Reprise

Par Emmanuelle Bouchez - 05 janvier 2013

Entre cirque et danse, Plan B offre un savant équilibre.

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Un spectacle au carré sur un plan incliné! Avec cette oeuvre paradoxale créée il y a dix ans, Aurélien Bory, formé au cirque, faisait son entrée sur la scène du théâtre expérimental. En mettant à l’épreuve jongleurs et acrobates sur une pente raide truffée de trappes, il maniait avec brio des effets de perspectives et des prouesses physiques. Repris avec une nouvelle distribution, Plan B est toujours aussi frais et reste sans doute le rendez-vous fort du répertoire de sa Compagnie 111.

Dans des lumières virant du gris au vert pomme, des hommes en costume-cravate apparaissent droits comme des « i » au sommet de la pente pour s’y laisser glisser sans piper mot, parfois cul par-dessus tête. Ces Sisyphe contemporains, qui chutent et recommencent, révèlent, malgré leur corps à l’équerre, un don pour les rétablissements rapides. Au fil de figures, ils luttent en électrons solitaires contre la gravité et finissent par la défier de manière cocasse : faisant rebondir leurs balles de jonglage dans la profondeur des trappes soudain ouvertes, marchant sur les murs ou s’y scotchant avec une fougue attendrissante. Ils brouillent surtout tous nos points de repère.

Du burlesque d’un nouveau genre, graphique et potache.

Emmanuelle Bouchez

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Plan B : dix ans de déséquilibres

Par Rosita Boisseau - 04 janvier 2013

Plan B produit parfois une curieuse accoutumance.

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Le spectacle d’Aurélien Bory et Phil Soltanoff rebondit au Rond-Point

Changer d’axe, briser la verticalité, adopter une position en biais… Aurélien Bory et Phil Soltanoff se sont joliment tordu le cou pour imaginer Plan B, pièce pour quatre hommes, acrobates et jongleurs. C’était en 2003. Le premier, jongleur de formation, désirait s’échapper du cirque ; le second, metteur en scène, rêvait d’un théâtre plus physique. Ensemble, ils ont soulevé le plancher des vaches et imaginé un plateau en pente tel un toboggan. Et vive le plan B et en avant la glisse !

Ce plan incliné, qui va connaître au fil du spectacle différentes positions et transformations, oblige le corps à s’adapter en permanence pour conserver son équilibre. Trouver de nouveaux appuis, s’en amuser pour explorer des situations physiques inhabituelles, fait tourner la roue de Plan B à toute vitesse. Pour le plaisir de déployer une pure vitalité et de jouer à trouver une solution à tous les problèmes, le spectacle, avec ses multiples tiroirs et chausse-trapes, ne fait pas mentir ses auteurs.

Esprit scientifique et fibre poétique, tiraillé entre observation et contemplation, le duo d’artistes Bory-Soltanoff, si épris de l’espace soit-il, prend d’abord l’homme comme objet d’étude, observe sa capacité à rebondir dans un environnement mouvant, plus ou moins dangereux. La paroi inclinée devient, à l’instar de l’agrès de cirque – quoi que fasse Bory, la piste n’est jamais loin -, le vecteur idéal d’un dialogue serré au fil duquel l’humain se construit dans son rapport à l’autre et au monde. Quitte à choisir de ne pas tendre la main au copain en difficulté en bas de la paroi !

Une curieuse accoutumance

Plan B fait du plateau une zone de trafics en tous genres. Corps, mouvements, mais aussi balles de jonglage et images filmées en direct, s’enchaînent dans un flot d’actions-réactions, de gags et de contre-gags. Souligné d’un burlesque léger, presque elliptique dans sa façon de laisser le rire s’installer dans les creux avant de basculer dans un comique plus franc, Plan B produit parfois une curieuse accoutumance, au risque de faire passer pour un facile engrenage d’exploits.

En donnant une autre perspective à la verticalité et à la gravité, Plan B s’amuse avec la perception du spectateur, qui appréhende ce monde en pente douce tout en le remettant mentalement sans cesse d’aplomb. Ce va-et-vient entre ce que l’on voit et ce que l’on sait devient un exercice de géométrie visuelle. On apprécie les angles d’attaque ainsi que les incroyables torsions des acrobates créant l’illusion avec un acharnement de mineurs de fond.

Plan B a fait connaître Aurélien Bory, ancien étudiant en physique et en acoustique architecturale. Il a aussi griffé son style : chacun de ses spectacles prend d’assaut une scénographie débordante. Qu’il s’agisse de l’énorme robot dans Sans objet (2009), actionné par deux cosmonautes en orbite autour de lui, ou du chapiteau sous le chapiteau de Géométrie de caoutchouc (2011), manipulé par huit interprètes, Bory s’applique à trouver le maximum de configurations comme solution à une équation. Le 10 janvier, Plan B fêtera son dixièle anniversaire avec son casting d’origine composé d’Oliver Alenda, Alexandre Rodoreda, Loïc Praud et Aurélien Bory.

Rosita Boisseau

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La precarietà? Una danza di yuppies su un grattacielo

Par Claudia Allasia - 07 novembre 2013

Diventa un best seller che gira il mondo senza sosta, mietendo giudizi entusiastici ovunque.

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Quattro irresistibili yuppies in giacca e cravatta si arrampicano con mille acrobazie sul grattacielo del successo. Grintosi, veloci, pieni di adrenalina, prendono la rincorsa e salgono in alto, senza mai aprire bocca. Su, sempre più su, nessuno li può fermare. Poi la morale: all’ improvviso, flop! Tutti giù per terra. Succede alle Fonderie Limone, dove Torino Danza presenta oggi, domani e sabato « Plan B. », di Aurélien Bory e Phil Soltanoff, ultimo collaudatissimo spettacolo della stagione festivaliera 2013. Il grattacielo del successo è un piano inclinato che si modifica di continuo: primaa 45 gradi, poia 90e alla finea 180. È qui la scena rampante dei quattro eroi, è qui dove si compiono balzi, salti, giravolte, acrobazie ma anche clownerie e azioni mimiche, secondo il plot astratto del nouveau cirque che mischia con disinvoltura e coraggio arte visiva, danza, musica e mimo, in un assurdo, quindi divertentissimo contrasto che genera risultati inattesi e pieni di humour. Il duo Bory& Soltanoff teorizzae pratica esclusivamente un teatro in cui ogni gesto, prodezza tecnica o disciplina sia strettamente dipendente dalla forza di gravità, dai limiti dello spazio e dalle capacità fisiche degli interpreti. Lo hanno realizzato in « Plan B. » ma anche in altri capolavori creati per la loro 111éme Compagnie (oppure in « Erection », composto per il bravissimo artista Pierre Rigal, molto applaudito a TorinoDanza nel 2009). Tutto è iniziato con Aurilien Bory: francese, nato a Toulouse nel 1972, studiava per diventare fisico. Appena diplomato invece, sorprendendo tutti, è diventato un giocoliere. Di lì a poco, sognando di unire la danza al teatro d’ ombre e la magia allo spazio scenico, ha fondato la 111éme Compagnie. Ma per dimostrare di essere ancora nel campo dei suoi studi, ha iniziato a riflettere sul fatto che il teatro è la sola arte che non sfugge alle leggi della fisica. Qualche anno dopo, nel 2003, Aurélien incontra il regista newyorkese specializzato in teatro di ricerca Phil Soltanoff. Immediatamente si crea un sodalizio indistruttibile. Insieme, progettano lo spettacolo « Plan B. » (quello che vedremo questa sera alle Fonderie). Il debutto avviene ancora nel 2003 e ottiene un grandissimo successo. Diventa un best seller che gira il mondo senza sosta, mietendo giudizi entusiastici ovunque. Il segreto del gradimento? Rappresenta benissimo la precarietà e la disinvoltura multitasking del tempo presente: non c’ è nessuna definitiva certezza. Tutto è soggetto al cambiamento, tutto può accadere. E tanto vale prendere le cose come vengono, con eleganza, nonchalancee divertimento.

Claudia Allasia

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Aurélien Bory’s Plan B: the opening ceremony we didn’t see

Par Jasper Rees - 14 janvier 2013

The name of the creative genius lauded abroad would be not Danny Boyle but, perhaps, Aurélien Bory.

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He lost out on London 2012 to Danny Boyle but now Aurélien Bory is coming to the capital with Plan B, his new mime extravaganza, says Jasper Rees.

 

It may now seem like imagining the impossible, but let’s pretend that on that fateful date the city that came out of the sorting hat was not London but Paris. The name of the creative genius lauded abroad would be not Danny Boyle but, perhaps, Aurélien Bory.

Bory is a theatre-maker whose style of witty, intellectual communication through physical movement could emanate, one suspects, only from France. Nationality did not prevent him pitching for the opening ceremony gig. He invited Bill Morris, London 2012’s director of culture, ceremonies and education, to see his work at the Barbican.

“I insisted,” he recalls. “I said, ‘I’m a candidate!’ He said, ‘I’m very sorry, I can’t.’ One of his assistants came. But I had no news.”

The show was Les Sept Planches de la Ruse, a mesmerising ballet featuring a group of Chinese performers wielding a series of geometrical shapes, and it was the star attraction of the London International Mime Festival 2009. Every January, the festival throws up extravaganzas from wordless theatre, and most years showcase Bory. The 2013 festival is no different.

Plan B is actually a revival and, as ever with Bory’s work, mime is not the word for a show which charms and seduces by mingling the playful grammar of circus with theatre’s commitment to meaningful story. The idea is beguilingly simple. A large rectangular plane fills the stage. In the first section it hangs at a 30-degree angle, like a giant slide. In the second it moves into the vertical and becomes a wall. And lastly it lies flat, while the action performed horizontally on the stage is projected on to a screen. And in these three states, four clowning acrobats dressed in suits and ties tumble and juggle, clamber and roll, in a series of intricately structured narratives that tell of the relationship of mind and body with their surroundings and, depending on the angle of the plane – 30 degrees, zero or 90 – with gravity.

“It is a hybrid work,” explains Bory, “about the relationship between human beings and space. Humans need to adapt to space, so they discover new situations. Even when it’s going well, then it changes: they face a completely new situation.”

If any such exegesis will have you backing away warily, please stand easy. Plan B is wonderfully funny. If anything, the chin-stroking seriousness is supplied by Bory’s American co-director, Phil Soltanoff. They make for an odd couple, sitting next to each other in a Place du Châtelet café. The Frenchman is tall and sinuous, the American small and wiry. What they have in common is wide-eyed enthusiasm.

“The genius of the piece is that you’re watching acrobatics in slow motion,” Soltanoff adds, “but the effect of the gravity is something the audience and performers can all agree on. That makes for the pleasure of it and that’s what’s difficult about it.”

Bory and Soltanoff met in 1998, when the latter led a workshop near Toulouse in which Bory, a circus performer, was taking part. Two years later Bory had an idea for his first show, called IJK, but felt he couldn’t invite Soltanoff to co-direct. “I thought, it’s too soon – I have done nothing and it’s not a collaboration if you have done nothing.” They kept in touch whenever Bory visited New York, and the idea of Plan B arose.

“Along comes Aurélien and this briefcase and he pulls out this scenery,” recalls Soltanoff. “That really interested me. I felt we were kindred spirits. And I don’t find that very often.”

Having spent a lifetime working in the unsubsidised fringes of experimental theatre, the summons to France promised a new world of funding. He visited Toulouse three times across a 24-week period of research and development. His job was to be the outside eye.

“I needed someone like Phil who understands art,” says Bory. “It’s easy to make a show. I wanted to make a piece.” The piece – by which Bory means a work of art – was premiered on January 10, and for its 10th-anniversary performance at the Théâtre du Rond-Point on the Champs-Elysées, Bory, 40, will come out of retirement to join the cast.

There are plans to revive their next show, Infinity, More or Less, but for the moment it’s Plan B that’s heading back to London. Theatregoers can see what London 2012 missed out on.

What did Bory make of Boyle’s opening ceremony? “It was impressive,” he says, “part of it was good, but the Olympics have to be about the glory of the nation. All this part is very boring. My favourite part was Mr Bean. I loved what he did.” Imagine Bean with a PhD. That’s Plan B. Go.

Jasper Rees

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IJK

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IJK Géométrie Fantasque

Par Jean-Michel Guy - 02 janvier 2012

Le premier spectacle de la compagnie 111 s'intitule IJK. Des chiffres et des lettres, la couleur est annoncée : nous sommes dans un espace mathématique, dans un jeu de l'esprit.

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Aurélien Bory, Olivier Alenda et Kaja Wehrlin (récemment remplacée par Anne De Buck) se sont rencontrés sur L’Odyssée, création mémorable de Mladen Materic. Ensemble, ils ont créé la compagnie 111, du même nom que la dernière sonate révolutionnaire de Beethoven mais ici, on peut surtout l’entendre comme juxtaposition de trois particules élémentaires. Inspiré du Bauhaus, leur premier spectacle, IJK, mêle musique, théâtre non verbal, acrobatie et jonglerie dans une fantaisie plastique « abstraite ». La jonglerie en question est de trois types peu explorés ensemble jusqu’à présent : acoustique, géométrique et optique.

Acoustique 

Des balles (des Kangourou, en caoutchouc, au pourcentage de rebond plus élevé que les balles en silicone et au son plus sec) viennent percuter les parois de trois parallélépipèdes de bois aux dimensions différentes, calculées pour produire trois sons distincts. On songe évidemment au fameux triangle de Michael Moschen et aux expériences déjà tentées (par Pierre Biondi notamment, ou par Franck Ténot de la compagnie Kabbal) pour tirer parti du rebond sur plan incliné, mais IJK systématise l’idée en la musicalisant à outrance. C’est qu’Aurélien Bory, avant d’être jongleur, fut architecte acousticien.

Géométrique

Rien de nouveau en apparence dans les trajets très graphiques que permettent les balles rebond. Ce qui l’est davantage, c’est l’effacement, voire l’absence totale du jongleur qui se contente en coulisse, ou dans le noir, d’imprimer un mouvement aux objets. A la suite de Michael Moschen, Jérôme Thomas avait déjà, dans Hic Hoc, transformé le jongleur en marionnettiste quasi-invisible et signifié de la sorte que la théâtralité propre du jonglage peut aisément se passer d’un jongleur « personnage » ou histrion. A la différence de cette pièce, qui créait des illusions cinétiques par l’entrelacs de courbes, IJK affirme le trait, assume l’angle.

Optique

Suivant une voie ouverte par Bernard Kudiak avec ses jongleries d’ombres, IJK compose au quatrième acte (il y en a cinq), un petit ballet de balles changeant de dimensions, donc de plan, derrière un écran blanc.

La scénographie se résume aux caisses de bois et à un long parallélépipède creux qui évoque l’huisserie d’une porte, au-dessus et au creux de laquelle évoluent les corps, eux-mêmes abstraits et graphiques, des trois acrobates. Des projections sur cyclorama de formes géométriques et d’ombres « pastel-soutenu » rappellent Delaunay, Mondrian, Klein, Malevitch ou Rothko. Mais l’oeuvre puise à des sources encore plus lointaines, car les jongleurs de 111 mettent en œuvre trois techniques de manipulation d’objets qui ne sont séparées les unes des autres qu’au XVIe siècle : la jonglerie aérienne, l’escamotage (devenu prestidigitation) et ce que je propose d’appeler, faute de mieux, le « bonneteau », c’est-à-dire une forme de « jonglage horizontal ».

L’oeuvre est un compromis, précaire mais réussi, entre la volonté de la compagnie 111 de tendre vers un formalisme désincarné et la mise en scène de Christian Coumin qui réintroduit l’humain dans cet univers abstrait, par le burlesque des situations, la connotation « cabaret » des costumes et la chaleur populaire de la guitare flamenco ou de l’accordéon. Le résultat est un mélange tout à fait inédit. Le spectateur passe constamment de la fascination contemplative à un mode plus théâtral de réception, du froid au chaud, du sec au fluide et du transparent au magique. La tension que ces « débrayages » incessants provoquent est curieusement d’ordre chorégraphique si, comme le voulait Alwin Nikolaïs, les danseurs sont des « tenseurs », des artisans de l’espace, du temps, de la forme et du mouvement.

La compagnie 111 prépare actuellement une nouvelle création, Plan B, qui comme son titre l’indique, traitera de l’espace à deux dimensions, de la programmation et du rechange.

Jean-Michel Guy

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Dance in Review

Par Gia Kourlas - 20 mai 2008

Watch it through a child's eyes.

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Compagnie 111, New Victory Theater

When the French troupe Compagnie 111 last appeared in New-York in 2004, it brought a quietly captivating show, « Plan B », that involved a fanciful well and spooky, illusionary tricks. It also possessed the sort of homespun imagination that hooked a child’s mind, yet appealed to adults.

While childlike and naïve, Compagnie 111 was never childish.

This physical-theater company has returned to the New Victory Theater with « IJK », a 60-minute production that, frankly, seemed on Saturday to hold the most magic for the younger set (those under 10). The first work in a trilogy – which includes « Plan B » and « More or Less, Infinity » – « IJK » is a playful exploration of geometry and volume.

Conceived by Aurélien Bory, the company’s artistic director, the work is simply told through short scenes. Stripped on theatrical excess, « IJK » features Mr. Bory, Olivier Alenda and Anne de Buck, who rely on cubes, balls and, or course, the body to challenge ideas about perception and reveal the poetry behind physics.

« IJK » begins in the dark and gradually comes to life with Arno Veyrat’s lighting, which casts geometric shapes in cheerful greens ans oranges. Lines and angles – for instance, the way one cube tips sideways against another – figure in the work’s spatial design. After a while it becomes very « Sesame Street ».

As much as « IJK » relies on visual illusion, it is also an exploration of sound and rythm. In an early scene Ms. de Buck plays the accordion as bouncing balls add percussion ; later Mr Alenda juggles and dribbles balls while stomping out a brisk flamenco dance.

When compared with the memory of « Plan B », the work is a disappointment. Bet « IJK » is never pretentious. When the tricks get tiresome, turn to a trick that works and watch it through a child’s eyes.

Gia Kourlas

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Magical jugglers on the South Bank

Par Judith Mackrell - 25 janvier 2002

The exquisite reflexes of the performers, combined with the adroit editing of their material, make IJK an entrancing little show.

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All great juggling acts reach a point when the performer no longer seems to be is charge of the juggling balls, but simply a witness to their miraculous, independant flight. In Compagnie 111’s show, IJK, this point occurs very early on. But it doesn’t feel like an illusion created by timing and dexterity – the balls actually behave as if they are in control.

The conceipt that drives this production is juggling as music. On a cleverly amplifieds set, created out of variously sized wooden boxes, the three French performers bounce and catch their juggling balls in a dazzle of precise, percussive rhythms. By varying the distance throw, the angle at which the balls hit the boxes, the force with which they rebound from one surface to another, this expert trio can control an extraodinarily complex array of riffs and counterpoint. So controlled that in the opening section, when Anne de Buck plays an old circus tune on her accordion, Aurelien Bory can add a perfect rhythms section with his juggling balls.

It’s a duet of enormous wit and charm, but then some of the balls start to set their own agenda. They bounce back at Bory with impossible force and, in defiance of all laws of physics, start to maintain their own movementum, ricocheting between two boxes without any loss of energy.

Just as you’re trying to figure out the engineering behind this, more balls launch into flight from inside the largest box. Bory fields them bravely into his own airy pattern, and it’s all so subtly managed that for a while you believe the balls possess some kind of magic.

It’s only when tiny Olivier Alenda eases himself gracefully out of the box that you accept he must have been sitting there all along – the invisible extra hands – controlling the routine.

Like all good tricks, discovering the secret doesn’t diminish the wonder. Even if nothing else measures up to this opening routine, Compagnie 111 still keep us staring with a deft succession of acts. At one point the two men sit either side of an upturned box like a pair of gamblers – each juggling, and each raising the stakes with the speed and difficulty of their moves. At another point Alenda performs a breathtaking mix of juggling and flamenco, the five balls keeping perfect ime with his footwork. De Buck interpolates her aerial stunts, but the rhythmic thraed remains taut throughout, so that the whole show is one continuous flow of energy and sound. The exquisite reflexes of the performers, combined with the adroit editing of their material, make IJK an entrancing little show.

Judith Mackrell

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