Qu’est-ce-que tu deviens ?
“Qu’est-ce que tu deviens ?”, like the English, “What’s become of you ?”, is a question as banal as it is terrifying; it asks what you have become. It says that time has passed and that changes have occurred. It questions the choices made, and demands an on-the-spot assessment. It freezes the process of becoming, which is by nature in motion. It shows interest in the person asked, and even love, yet it can also be a sign of disinterest or disenchantment. It is a warning signal, a sting. There is despair in the way it asks, “What have you become?”, yet hope is what drives evolution. It forces us to look at the known realm behind us, while the process of becoming propels us into the future, into the unknown.
Mark Rothko, Number 14 – 1960
THE MEETING
I met Stéphanie Fuster in Toulouse, before she left for Seville to immerse herself completely in flamenco. I was touched by her special sensitivity, her amazing personality, the radical nature of her choice: to abandon everything in order to devote herself to it completely. She stayed there for eight years learning to be a répétitrice, then a dancer with the greatest names in dancing. She came back with her dance and asked me to write a show for her.
I first thought that that was out of keeping with the areas of my work, which is mainly geared to the question of space. Then I changed my mind. There was of course a divergence. But that divergence was also present in her career; she who had decided to confront an art belonging to another culture, who had the status of an intruder in a symbolic discipline. I gradually realized that it was her portrait I wanted to do. A stage portrait.
To imagine the space on stage which is that of her career in other climes, and to imagine her dancing, which is that of her inner, emotional range. Flamenco is there, certainly, with José Sanchez on the guitar and Alberto Garcia singing, but in a different context, that of a woman in search of herself, who is emancipated, who lives and who dies.
Whoever has not given everything to art has given nothing at all.
Vsevolod Meyerhold
De la nature
13 November 2008
Deux conceptions de I’être traversent la culture occidentale. Chez les mal nommés présocratiques, Parménide stipulait que I’être est continu, un et immobile, quand Héraclite était moins frappé par la substance des choses que par leur devenir : « Rien n’est, tout devient ». Cette scission s’occupa plus tard de séparer I’art classique, fondé sur I’équilibre, la symétrie, l’assise, de l’art baroque où tout est en perpétuelle métamorphose, précaire et insaisissable.
Dans sa dernière création, « Questcequetudeviens? », en première mondiale au TnBA, Aurélien Bory propose un spectacle inventif et brillant qui met en scène la solitude de I’être et la vanité de l’existence. De I’enfance aux années d’apprentissage à la vie active – « on commence a bosser » – à la maturité et à la mort, en 50 min défile le parcours d’une rose rouge comme le flamenco à la vie encore plus brève que celle de Ronsard.
Le caractère anodin de l’interrogation qui sert de titre est renversé en une trajectoire sombre où la gravité naît de la dérision. Tout commence bien. Une jeune fille joyeusement fait des gammes de flamenco sur un espace vaste comme une grande plaine. Vêtue d’une robe rouge traditionnelle, riante, joueuse, elle opère une mue magique lorsqu’elle quitte sa robe – ou que sa robe la quitte – comme une poupée change de panoplie et comme on quitte l’enfance. Sans s’en apercevoir. De son pas lent et de son chant plaintif, Alberto Garcia, incarnation fantomatique du temps qui passe, pousse l’être vers son devenir.
Le guitariste jusqu’ici caché surgit comme le premier compagnon d’une vie. Hilarante glissade en chaise à roulettes sur le parquet flottant d’un appartement lambda, il joue tandis qu’elle s’entraîne à danser avec une professeure invisible. Fini le temps de !’insouciance et des années au grand air, c’est dans un container que I’air commence à s’épuiser, Travail sur I’extérieur / intérieur qui dédouble les sons comme Stéphanie Fuster face à son miroir, la solitude n’est brisée que par les échos de sol. Exit donc José Sanchez expulsé sur sa chaise à roulettes, Voici le troisième acte d’une existence tragique.
L’air, l’eau, le feu, sont les motifs favoris de la fuite baroque. Partie en fumée de son container d’où désormais s’écoule I’eau, Stéphanie Fuster se retrouve à danser dans un immense pédiluve pour ce qui constitue le morceau de bravoure de ce spectacle. Paradoxe ultime, c’est dans cette eau que se perd la grâce de la fluidité. Tour à tour lumineux, morcelé comme les écailles de son reflet, le bassin se mue enfin en un réceptacle d’encre noire où la danse de Fuster se fait plus raide, plus anguleuse, obstinée comme si l’être cherchait à échapper à quelque chose, à l’écraser.
Il s’agirait de la mort que l’on n’en serait pas étonné. Après les pathétiques soubresauts de l’animal qui se débat, Stéphanie Fuster s’allonge dans cette eau noire, et imitée par José Sanchez et Alberto Garcia, offre son visage à la lumière sélénique. Superbe tableau. C’est la jeunesse des interprètes et leur fragilité qui au moment des saluts retourne une dernière fois l’assistance. Ultime éclat d’un spectacle drôle, beau, émouvant où le flamenco est audacieusement décontextualisé et magnifiquement interprété, et duquel on ne se prendra à regretter, comme pour la vie, que la relative brièveté.
Eric Demey
I’ve set my affair on nothing.
Max Stirner
Works of art are of an infinite solitude.
Rainer Maria Rilke
To know we stray like a river and our faces vanish like water.
Jorge Luis Borges
With
Stéphanie Fuster dancer
José Sanchez guitarist
Alberto Garcia singer
Design, scenography and direction Aurélien Bory
Choregraphy Stéphanie Fuster
Original music José Sanchez
Lighting design Arno Veyrat
Director’s assistant Sylvie Marcucci, Hugues Cohen
Set Pierre Dequivre, Arnaud Lucas
Sound design Stéphane Ley
Costumes Sylvie Marcucci
Technical Director François Dareys
Sound Manager Sylvain Lafourcade
Lighting Manager François Dareys
Head of Production Florence Meurisse
Production Manager Clément Séguier-Faucher
Press Plan Bey Agency
PRODUCTION Compagnie 111 – Aurélien Bory
COPRODUCTION AND RESIDENCIES Festival ¡Mira! / TnBA- Bordeaux, Théâtre Vidy-Lausanne
With the help of Théâtre Garonne scène européenne – Toulouse, Scène nationale de Cavaillon, La Fabrica Flamenca – Toulouse, La Grainerie Fabrique des arts du cirque et de l’itinérance – Balma.
Compagnie 111 – Aurélien Bory is under funding agreement with the Regional Directorate for Cultural Affairs Occitanie / French Ministry of Culture and Communication, Region Occitanie / Pyrénées – Méditerranée and the City council of Toulouse. It is supported by the Departmental Council of Haute-Garonne.